a ■ «
'if
i V
■ -i i ' i '
U
si:
! i
I
U'inps a 1 avance en suivant joiunellernent les progrès de leur
rapide décomposition, et, parpitié pour eux, on se prend quelque-
Ibis à désirer leur mort Et quelle mort ! et combien elle diffère
de la mort des naufrages et des combats !
Telle était la situation des corvettes Y Astrolabe et la Zélée pendant
leur traversée des côtes de Sumatra à celles de la Tasmanie.
Pendant deux ans, leurs équipages avaient bravé impunément
les influences pernicieuses des climats les plus divers ; l’exploration
des glaces du pôle, un long séjour dans les parages malsains
du grand archipel d’Asie avaient été, il est vrai, accompagnés de
1 invasion du scorbut et de quelques cas de fièvres malignes et de
dyssenterie; mais, grâces aux précautions les plus minutieuses et
à des circonstances heureuses, le nombre des victimes avait été
très-restreint. La santé de ces vigoureux marins ne paraissait
pas avoir été sensiblement altérée ; c’était merveille de les voir
résister à toutes les intempéries, à toutes les privations et aux
changemenis brusques de température et de climats de cette rude
campagne. Gais et confiants, ils supputaient déjà l’époque du
retour dans leurs familles, alors qu’une cruelle maladie, la dyssenterie,
envahit inopinément les deux corvettes, et vint les remplir
de deuil.
Placées à une grande distance de tout point de relâche, hors
de portée des secours que les établissements européens peuvent
offrir, retardées par des vents contraires ou des calmes inusités,
elles offraient le déplorable spectacle de deux hôpitaux flottants.
Dès le d éb u t, l’épidémie prit un caractère pernicieux ; les efforts
des médecins devinrent infructueux ; ils ne purent qu’adoucir les
derniers moments de ceux que la maladie avait gravement atteints.
Et pourtant, que de soins, que de dévouements prodigués î
Grâces en soient rendues à MM. Hombron, Jacquinot, Dumoutier
et Lebreton, tous à l’envi, n’écoutant que leur zèle et leur coeur,
dépassèrent ce qu on pouvait attendre des forces humaines; ils
ont acquis, dans cette funeste époque, les titres les plus réels à la
reconnaissance de leui-s compagnons. Si l’épidémie avait pu être
combattue, ils l’auraient vaincue; mais l’art était impuissant à en
BIOGPcAPHIES, 377
arrêter les ravages ; ce n’était plus que dans un avenir éloigné qu’on
pouvait espérer de voir décroître son intensité, à l’aide des ressources
d’un hôpital établi à terre. Malheureusement, les points
de relâche praticables étaient tous forts éloignés, et à peu près à
égale distance; leur choix n’était même pas possible. La rivière
des Cygnes, l’Ile-de-France , Hobart-ToAvn , demandaient à peu
près le même temps pour y parvenir. Le premier de ces points
était dénué des ressources nécessaires; l’Ile-de-France entraînait
l’abandon du reste de la campagne ; ii ne restait plus qu’Hobart-
Town , but primitivement désigné de cette ti aversée. AI. d’Urville,
devant ces considérations, ne put, avec raison, que persévérer
dans cette dernière direction.
Cependant la mort commençait à frapper à coups pressés dans
les rangs des malades. A bord des deux navires, l’équipage, ou bliant
sa propre situation, épiait avec une sollicitude touchante
les mouvements du navire voisin , et cherchait à connaître, dans
l’autre équipage, le sort de ceux dont il connais,sait l’état alarmant.
Lorsqu’à l’aide des longues-vues on voyait dresser, en tre deux mâts,
une tente blanche sur la chaloupe, on comprenait aussitôt qu’une
nouvelle victime avait succombé , victime inconnue et dont chacun
redoutait d’apprendre le nom. Et puis, lorsque la nuit venait
couvrir de ses ombres le sillage des corvettes , on devinait
à leur manoeuvre le moment fatal de l’immersion , car chacune
d elles, s’éloignant momentanément de sa conserve , semblait rechercher
la solitude pour accomplir ce dernier devoir, et vouloir
dérober à sa compagne la perte qu’elle venait d’éprouver !...
Heures funèbres, où sans l)ruit, en dissimulant ses pas pour
cacher aux malades l’accomplissement de cette pieuse cérémonie,
on venait furtivement donner un dernier adieu à d’infortunés
compagnons. Combien d’entre eux qui, jeunes, vaillants et forts ,
avaient à espérer une longue carrière, et qui gisent dans les pro-
fondeui-s de ces mers éloignées !...
Le 8 décembre 1889, Y Astrolabe eut à déplorer la perte d’une
nouvelle victime de l’épidémie. Le plus jeune des enseignes.
Gourdin ( Jean-AIarie-Emile ) succomba à scs souffrances à trois