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1 équipée de M. Leguillou. Je les priai en outre
de pardonner à cet homme, en faveur surtout des
circonstances particulières où nous nous trouvions.
Je dus m’applaudir du succès de ma démarche,
car j acquis la certitude qu’en toute occasion je pouvais
compter sur le zèle et le courage de tous mes
officiers, tant à bord de la Zélée qu’à bord de VAstrolabe.
A mon retour, je m’aperçus avec plaisir que la houle
du S. 0 . avait augmenté ; elle m’annonçait en effet l’arrivée
des vents favorables, qui, dès le lendemain, nous
poussèrent enfin rapidement vers notre lieu de relâche;
malheureusement, cette brise, si impatiemment
attendue, avait été bien tardive à nous parvenir. Partout
où l’épidémie avait frappé, elle avait laissé des
traces profondes; et bien que son intensité fût moindre,
notre route jusqu’à Hobart-Town devait être
encore jalonnée par des cadavres.
Dès le 25, M. Pavin de la Farge, qui, quelques jours
auparavant, semblait marcher rapidement dans sa convalescence,
fut repris par de violentes coliques qui le
forcèrent de nouveau à garder le lit. Celte fois, le mal
fit de rapides progrès, et aucun remède ne put en arrêter
la marche. Bientôt il tomba dans un délire complet,
pendant lequel toutes ses facultés physiques
paraissaient anéanties. Enfin, le 27, à six heures trente
minutes du soir, il rendit le dernier soupir. Pendant
ses derniers instants, son lit ne cessa d’être entouré
par le capitaine et les officiers de la Zélée, qui le
comptaient tous parmi leurs meilleurs amis. Cetoffi-
DANS L’OCÉANIE. 91
cier, jeune encore, plein de talent, possédant de la
fortune et aimant sa famille avec idolâtrie, avait commencé
sa carrière d’une manière brillante. L’avenir
lui présageait les chances les plus heureuses. Pendant
tout le temps de sa maladie, il ne cessa de faire des
projets pour le retour. Son caractère enjoué, son esprit
original, lui avaient attiré l’affection de tous ses
camarades ; ses qualités solides lui avaient déjà gagné
leur estime. « Cette mort, dit M. Dubouzet, nous
plongea dans l’affliction. Nous étions depuis si longtemps
ensemble, et si unis, qu’il semblait qu’elle nous
enlevait un membre de notre famille. Ses derniers
moments furent déchirants ; car un délire affreux
s’empara de lui. A peine eut-il quelques retours à la
raison, il les employa pour faire ses dispositions en
faveur de sa famille, dont il était chéri et qu’il aimait
tant. Ce délire manqua de faire connaître son état à
M. Goupil, qui gisait à ses côtés; nous eûmes bien de
la peine à lui cacher sa mort, qui aurait pu, dans ce
moment, lui porter le dernier coup. —Le lendemain,
ajoute M. Dubouzet, nous rendîmes les derniers devoirs
à notre infortuné compagnon. On ne rendit point
d’honneur militaire à ses dépouilles, à cause de notre
fâcheuse position. C’eût été jeter l’alarme parmi les
autres malades. Avant de confier son cadavre à la
mer, la religion fut invoquée pour les bénir. Nous
dîmes ensuite un dernier adieu à notre bon camarade,
qui disparut bientôt sous les eaux, moment triste et
pénible ! surtout à bord d’un bâtiment où l’ami que
l’on perd est privé même de la consolation de laisser
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