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venaient de mourir et étaient encore chauds ; la
mère était probablement devenue la proie de quelque
serpent ou de quelque gros oiseau.
« M. Desgraz, qui faisait collection de cannes, avait
coupé, en entrant dans la forêt, une très-jolie liane
régulièrement contournée en spirale; en repassant
au même lieu, nous vîmes le sol couvert, dans une
grande étendue, d’une liqueur blanche semblable à
du lait épais, ce suc tombait en abondance de la
branche coupéé ; nous lui imposâmes, d’un commun
accord, le nom de chèvre végétale.
« De retour sur la plage, nous trouvâmes la plupart
de nos compagnons réunis; leur chasse n’avait pas
été plus heureuse que la nôtre, seulement M. Gourdin
avait tué deux marcassins qu’il avait rencontrés se
vautrant dans une mare.
« Un matelot avait aussi aperçu un axis.
« Quelques instants après, nous revînmes à bord ;
l’armurier essaya la houille que nous avions apportée
et la trouva de bonne qualité. )»
Le 15, de grand matin, nous remettions sous voiles ;
la journée entière fut employée à reconnaître la
partie septentrionale de Poulo-Laut, qui forme deux
îles séparées par un canal probablement embarrassé,
mais où l’on pourrait peut-être trouver de bons
mouillages. La brise était toujours contraire; il nous
fallut encore trois jours entiers pour doubler la
pointe de Poulo-Laut et sortir du détroit de Makassar.
Enfin, le 18 au soir, nous laissions tomber l’ancre
au sud de Bornéo, h six milles environ du rivage formé
par une terre basse et boisée, et d’une uniformité
désespérante. Le lendemain, avant de quitter la côte,
nous la longeâmes encore quelque temps, de manière
h reconnaître dé nouveau Tanjong-Salatan,
afin de lier les travaux hydrographiques que nous
venions de terminer dans le détroit de Makassar, avec
ceux que nous avions faits dans les mêmes parages
quatre mois auparavant.
A six heures du soir, le 19, je donnais la route au
S. 0 . pour gagner la rade de Samarang, où je voulais
aller mouiller. Ma santé, tout à fait ébranlée par les
fatigues que nous venions d’éprouver pendant cette
longue traversée, marquée par tant de contrariétés,
me força bientôt à tenir ma chambre sans pouvoir
la quitter. Lorsque la vigie ni’annonça que l’on apercevait
les hautes montagnes de Japara, j’éprouvai
des coliques tellement violentes, qu’il fallait me tenir
constamment dans un bain chaud pour pouvoir les
supporter ; je dus prier le capitaine Jacquinot de
prendre le commandement de la division et de la
conduire au mouillage. Dans la journée du 23, nous
reconnûmes de près la pointe Boiiang, et après avoir
passé la nuit au mouillage près de la côte, le lende-
demain nous vînmes enfin laisser tomber l’ancre sur
la rade de Samarang. Je m’étais alors traîné sur le
pont de ma dunette, mon impatience ne m’avait pas
permis de rester dans ma chambre, lorsque nous
allions enfin atteindre le mouillage dont j’avais tant
besoin. Jamais peut-être je n’avais désiré aussi vivement
la terre ; je n’eusse certainement pas pu snp-
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