Novembre. Perdit deux de ses meilleurs matelots
, les nommés De Lorme et Fabry; le premier
supportait depuis cinquante jours ses souffrances avec
la plus grande résignation ; le second était un des matelots
les plus aimés pour son intrépidité et son dévouement
; il était attaqué depuis longtemps par une
maladie de foie à laquelle il n’aurait pu échapper. La
dyssenterie ne fit que hâter sa fin. Dans la soirée, h
bord del Astrolabe, M. Marescot rendit le dernier soupir
; la nouvelle de sa mort, répandue tout d’un coup sur
le pont, y jeta un deuil général. Cet officier avait su
captiver l’affection des matelots, auxquels il inspirait
une confiance sans bornes par son mérite et son savoir.
Tous les officiers, ses camarades, le pleurèrent
comme un frère. L’état-major de VAstrolabe offrait
dans ce moment-là un spectacle touchant. L’union la
plus parfaite, qui ne cessa jamais d’exister parmi ce
corps d’officiers, se traduisait admirablement dans les
regrets amers que chacun exprimait à l’occasion de
cette perte douloureuse. M. Marescot, zélé dans son
service, entièrement dévoué au succès de la mission,
succomba à six heures du soir. Ses yeux étaient
à peine fermés que déjà son corps répandait une odeur
insupportable; comme tous les hommes qui nous furent
enlevés par ce cruel fléau, il fallut se hâter d’envoyer
ses restes à la mer. A minuit, tous les officiers
réunis lui firent leurs derniers adieux ; quelques minutes
après, la trace laissée à la surface des eaux pendant
que le corps descendait au fond de la mer, avait
totalement disparu. Pendant cette triste opération, le
plus profond silence avait régné sur le pont ; aucun i839.
honneur militaire n’avait été rendu à ses dépouilles
mortelles, car à quelques pieds de là nous avions encore
plusieurs malades prêts à rendre le dernier soupir.
Il ne fallait pas que nos mourants pussent compter
de leur lit le nombre de nos morts *.
« Le 26, à une heure du matin, dit M. Jacquinot, 26
la maladie dévora une nouvelle victime ; le maître magasinier.
Reboul succomba. Cet homme était malade
depuis fort longtemps. Déjà, lors de notre première
relâche à Batavia, dans le mois de juin, il avait été attaqué
par la fièvre, qui ne suspendit ses accès que pour
faire place à la dyssenterie, et il ne put résister à ce
double mal. Nous le regrettâmes sincèrement, car ce
marin intelligent et très au fait de ses fonctions comme
comptable, était en outre plein de courage et de dévouement.
»
Depuis dix jours nous avions atteint le quarantième
parallèle, et cependant, loin de ressentir les vents
violents de l’ouest qui régnent constamment dans ces
parages, les calmes ou les faibles brises ne nous avaient
permis de faire que quelques lieues dans l’est. Je redoutais
toujours de voir nos équipages se laisser aller
à l’abattement ; je pensai que, dans ces circonstances,
je devais aller visiter la Zélée; du reste, je tenais à
assurer MM. les officiers de toute la satisfaction que j’avais
éprouvée en voyant les bonnes dispositions qu’ils
m’avaient exprimées dans leurs lettres au sujet de
” La biographie de M. Marescot est à la fin de ce volume.