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Si le jour eût éclairé celte scène, on eût pu voir une larme glisser
sous la paupière de toutes les rudes figures des matelots. Au
milieu du recueillement général, la dépouille mortelle de notre
ami disparut dans le brisant d’une lame.
{Un de ses nmis , son compagnon de voyage.)
ÏONY DE PAYIN DE LA FARGE.
Tony de Pavin de La Farge est né à ’Viviers , département de
l’Ardèche, le aS mai 18 12 , d’une famille distinguée du ’Vivarais.
Placé au collège de La F lèch e, il se fit constamment remarquer
par son aptitude au travail et sa bonne conduite. Admis à l’école
navale de Brest, il fut un des premiers élèves de sa promotion, et
jugé digne de recevoir son brevet d’aspirant de deuxième classe
avant l’expiration des deux années d’étude de l’Ecole.
La Farge était à peine âgé de dix-huit ans, lorsqu’en i83o, il
s’embarqua à Toulon a bord de la Sjréne, pour prendre part, avec
son bâtiment, au blocus et à la prise d’Alger. Il se trouva ensuite
devant Lisbonne avec le Trident, et plus tard, ce fut à Ancône où
son jeune courage reçut sa première récompense : il fut fait lieu tenant
de frégate. En cette qualité, il servit à bord de diil'érenis
bâtiments envoyés en mission dans le Levant, ou sur les cotes
d’Afrique. Mais l’imagination ardente du 'jeune marin , la tournure
romanesque de son esprit, qui avait si bien servi au début
de sa carrière, ne pouvaient se familiariser avec les exigences
du métier. Cette vie de croiseur lui devint insupportable.
L’uniformité n’allait pas à ce coeur qui s’exaltait devant le danger,
et qu’un désir ardent d’indépendance ne pouvait contenir
dans les limites ordinaires.
Celle époque de sa vie le remplit d’un sentiment d’ineerliliulc
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sur sa destinée, d’une rêverie vague qui ne fabandonnait pas.
Avide d’émotions, ces occupations stériles ne pouvaient lui en
fournir. La Farge s'occupa alors, dans les loisirs du métier, d’écrire
les observations que lui avaient fournies ses intéressantes
expéditions ; elles forment une série de lettres adressées à sa famille,
pleines de variétés et de charmes, qui ne sont pas destinées
à voir le jour, mais qui, si elles étaient livrées à l’impression, captiveraient
la curiosité et l’intérêt du lecteur. Il s’adonna aussi à
la poésie. Plusieurs pièces de vers du recueil qu’il a composé sont
écrites souvent agréablement, toutes sans peine. Ses affections se
concentraient dans sa famille; elle-même nourrissait ce coeur si
pur et si noblement dévoué ; et si nous n’avions peur de commettre
une indiscrétion, nous citerions quelques-uns de ses essais
dans le genre lyrique, morceaux pleins de sensibilité et souvent
de mélancolie , mais de cette sensibilité touchante et vraie,
propre à consoler la douleur d’une mère, qui se révélait devant
de funestes pressentiments!
On venait d’annoncer le voyage de M. Dumont-d’Urville. Déjà
les corvettes Y Astrolabe ex la Zélée étaient en réparation La Farge
n’hésita pas un instant; c’est le coeur rempli d'émotions et d'enthousiasme
qu’il se présente devant le chef de l’expédition, et
qu’d demande d’en faire partie. Bientôt après avoir été dire un
adieu, un éternel adieu à sa famille, il reçut l’ordre de se rendre
à bord de la Zélée.
Avant d’arriver à la funeste catastrophe qui devait enlever le
courageux et distingué marin, nommons les services qu’il a rendus
à l’expédition. Parlons de son zèle à explorer des régions incon-
nues, se montrant à la fois marin habile et narrateur intéressant.
Bon dessinateur, il dessine les sites les plus remarquables; rien
ne l’arrête dans ses devoirs ! C’est au fond d’une baie malsaine,
dont il a voulu pi’endre un croquis, malgré l’opposition de ses
camarades, qu’il prit le germe de la maladie qui devait l’enlever.
A l’esquisse des moeurs des peuples barbares q u ’il visitait, il a
joint une collection précieuse d’armes et d’instruments à leur
usage. La tète el le coeur pleins des grandes choses (pi’il étudiait,