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objets qui peuvent les tenter ; comme on le sait, tous
les peuples sauvages sont rusés et voleurs, souvent
même parmi eux le vol est un bonneur passé dans
leurs moeurs ; les habitants de Sumatra, quoique aujourd’hui
sujets hollandais, n’ont pas encore renoncé
à ces funestes habitudes. Voici du reste le récit de cet
événement.
M. H. Jacquinot avait confié son fusil double à un
matelot, chargé de lui tirer quelques oiseaux. Celui-ci
avait choisi, dans le village , un naturel pour le guider
dans la forêt et vers les lieux fréquentés plus particulièrement
par les oiseaux qu’il cherchait ; cet
homme, pendant quelque temps, affecta beaucoup de
zèle à lui signaler le gibier, et, aussitôt que le chasseur
avait abattu une pièce, son guide s’empressait
d’aller la ramasser. Pendant plus de deux heures, il
chercha, par sa conduite , à capter la confiance du
matelot qu’il voulait dévaliser. Enfin, soutenant
toujours son rôle, il parvint à conduire notre chasseur
au milieu d’un fourré très-épais où un oiseau fut
visé et abattu. La difficulté était ensuite de pénétrer
dans ce fourré pour trouver le gibier qui venait d y
tomber. Deux personnes n’étaient pas de trop pour
cette recherche. Le sauvage fut le premier à y pénétrer
en engageant le matelot à suivre son exemple et
à abandonner momentanément son arme, qui l’eùt
gêné dans cette recherche. C’était là le but que se
proposait le Malais, depuis le commencement de la
promenade, et il fut prompt à exécuter son dessein.
Profitant du moment où le matelot était engagé dans
les lianes, il s’empara du fusil, objet de sa convoitise,
et il s’enfuit à toutes jambes. Connaissant les localités,
il ne lui fut pas difficile de se mettre en sûreté ; le
matelot, désappointé, fit de vaines recherches pour
retrouver cet effronté voleur : il avait disparu déjà
depuis longtemps, lorsqu’il parvint à se débarrasser
du fourré dans lequel il avait eu l’imprudence de
s’engager. Il est facile de comprendre, d’après ce fait
particulier, combien les navires de commerce, qui
viendraient sur cette côte pour compléter un chargement
de poivre, auraient de précautions à prendre
pour ne pas être les dupes de ces adroits et audacieux
voleurs.
J’avais annoncé aux officiers que je consacrerais
trois journées entières à cette relâche, et, en me retirant
le soir, riche de plusieurs beaux échantillons
d’histoire naturelle, je formais de beaux projets de
promenade pour le lendemain ; je croyais aussi qu’il
était de l’intérêt des bâtiments du commerce qui nous
suivraient sur cette côte, de ne pas laisser impuni le
vol commis au préjudice du capitaine de la Zélée, et
ma première visite à terre devait être pour l’orang-
kaya, à qui j’avais déjà porté plainte de cet attentat,
en lui demandant satisfaction. Mais le rapport médical
du lendemain matin vint constater deux nouveaux
cas de dyssenterie; comme je l’ai déjà dit, la
Zélée comptait sept ou huit malades sur les cadres ;
quant à VAstj^olabe, pendant les deux jours qu’elle
venait de passer sur cette rade, elle avait eu quatre
de ses marins atteints de la même maladie. J’étais