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1841). Jiiiivier.
et en augmentait la roideur. Il fallait employer les
efforts de tout l’équipage pour exécuter la moindre
manoeuvre, et je dus craindre que bientôt ses forces
ne vinssent à s’épuiser.
Tous, officiers el marins, remplissaient admirablement
leur devoir; cependant, malgré tous nos efforts,
je m’aperçus bientôt que, loin de gagner dans Test,
nous dérivions rapidement dans l’ouest. Deux fois déjà
nous étions venus virer de bord près de la banquise,
et à chaque fois j’avais reconnu que, nonobstant
notre louvoyage, nous avions été fortement entraînés
dans l’ouest. Pour comble de malheur, la boussole,
dont les indications précises nous étaient si nécessaires,
était devenue tout à fait inexacte. En effet,
pendant tout le temps que nous avions couru au sud,
sans presque jamais changer le cap du navire, nous
nous étions peu aperçus des déviations considérables
que l’aiguille aimantée éprouvait en se rapprochant
du pôle magnétique. Mais dans cette journée, la plus
terrible de toutes celles que nous passâmes dans les
régions glaciales, nous dûmes naviguer dans des directions
très-différentes et souvent tout à fait opposées
; dès lors tous nos compas de route commencèrent
à affoler ; nous nous trouvions suffisamment près
du pôle magnétique, pour que la force horizontale
qui dirigeait nos aiguilles devînt ü op faible par rapport
aux influences étrangères ; les indications de la
boussole devinrent aussitôt fautives et irrégulières.
M. Dumoulin, qui s’occupait activement à étudier les
anomalies si diverses de l’aiguille aimantée, avait
réuni dans l’endroit le moins agité du bâtiment, pendant
la tourmente, toutes les boussoles que nous
avions à bord. Toutefois, ce ne fut que quelques jours
après, et lorsque nous eûmes fait des observations de
déclinaisons comparatives sous tous les caps du bâtiment,
que nous pûmes connaître avec exactitude la
route que nous avions suivie dans les glaces, el tous
les dangers que nous y avions courus.
Dans la journée du 24, les glaces flottantes que
nous avions remarquées précédemment servirent
seules à nous guider; elles suffirent pour nous prouver
que, malgré notre louvoyage, le vent nous entraînait
rapidement dans l’ouest, et que nous ne devions
plus espérer de salut que dans le cas où le vent
diminiierail promptement d’intensité. A sept heures
du soir, sa violence était devenue telle que toute manoeuvre
était très-difficile. Il n’était pas possible de se
tenir dans le gréement couvert de glaçons tranchants ;
c était à peine si nos matelots pouvaient se maintenir
sur le pont, constamment balayé par les lames.
Cette nuit fut affreuse; heureusement nous ne rencontrâmes
dans notre sillage que quelques glaces
éparses que nous pûmes apercevoir assez à temps
pour les éviter. Aucun obstacle ne se présenta devant
nous, lorsque la neige , tombant à gros flocons , et
une brume épaisse nous permettaient à peine d’apercevoir
les objets à la distance d’un mât à l’autre ; car,
je le répète, la rencontre d’une seule glace, dans une
pareille situation, aurait infailliblement entraîné
notre perte.