
perfection idéale du langage humain, l’image de plus en
plus fidèle du Verbe de Dieu. Pour l'humanité, le langage
a été tour à tour le cri spontané du coeur et des
sens, l’écho des voix de la nature, l'image exacte des
choses, le signe abstrait des idées, l’instrument mnémonique
et logique de l’esprit. La perfection idéale du langage
consisterait donc dans une forme phonétique et graphique
qui pourrait posséder à la fois tous les avantages
des formes antérieures et suffire à toutes les exigences
d’un avenir indéfini. Sans autre instrument que l’alphabet
le plus simple, on indiquerait les onomatopées avec une
exactitude dont rien n’a pu jusqu’ici donner une idée.
Gomme cet alphabet serait en même temps la table abrégée
des racines primitives, le lien commun de toutes les langues
mortes, vivantes et futures, on pourrait représenter
tous les êtres, tous les phénomènes, tous les actes avec
une précision que n’atteignirent jamais les hiéroglyphes
figuratifs et mimiques. Ainsi, le nom scientifique d’un
animal indiquerait ses dimensions, sa forme, sa couleur,
ses moeurs, son utilité, et ce vrai nom ne serait pas plus
long que le nom vulgaire aujourd’hui dépourvu de sens,
il ne serait pas comme les termes techniques intelligible
à un petit nombre d’adeptes, mais chacun en trouverait,
facilement l’explication dans sa langue maternelle. Chacun
pourrait étudier avec une facilité inouïe les sciences
descriptives , puisqu’une liste de noms, une série de
tableaux pourrait présenter l’échelle immense des êtres,
avec les rapports, les correspondances, les harmonies de
m
ses degrés vivants, sous une forme complète et saisissante
que ne peuvent révéler aujourd’hui des volumes
innombrables. Dans les sciences philosophiques il ne
serait plus possible d’abuser de l’ambiguité des termes,
les contradictions et les paralogismes seraient dénoncés
par les contradictions des éléments alphabétiques destinés
à les représenter; la table des noms successifs d’une
chose serait l’histoire d’une idée ; la substance d’un livre
étant renfermée dans quelques lignes, il serait possible
de comparer des doctrines comme ou compare aujourd’hui
des quantités, d’établir mathématiquement l’égalité,
la supériorité et l’infériorité des systèmes, de poursuivre
avec méthode la découverte des vérités nouvelles, et de
montrer sous la diversité infinie l’unité divine et providentielle
de tous les ordres de la création. On comprendrait
alors ces paroles de Leibnitz, n Le genre humain
possédera un nouvel instrument logique qui rendra plus
de services à l’intelligence que les instruments d’optique
à la vue, et qui sera aussi supérieur au microscope et au
télescope que la raison l’est aux yeux, et jamais l’aiguille
aimantée n’aura été plus utile aux nautonniers que cette
nouvelle boussole à ceux qui naviguent sur la mer des
expériences, experimentarum mare tranantiôus.
n Les conséquences de cette découverte dépendent de
la Providence, mais elles ne peuvent être que grandes et
bonnes. Les hommes peuvent abuser du développement
de leurs facultés, la droite raison seule est toujours salutaire,
et qui pourra douter de sa rectitude, lorsqu’enfin