
On traduit par fille ou femme le caractère NUU, qui désigne
hiéroglyphiquement une femme qui tient une quenouille
ou un enfant sur ses genoux; et c’est (Neith, Nâlia-
ma, Nous, Noumen) la vierge céleste, la cause première,
le principe féminin ; la grande mère, l’esprit créateur et
réparateur du ciel, la déesse de la beauté ayant sa résidence
dans la lune ; présidant à la constellation leôu, h
l’étoile tsu; dans sa colère, c’est le génie de la sécheresse
et de la peste mitt tsiën; c’est le surnom des femmes
célèbres par leur beauté ou par leur élévation au mandarinat;
c’est le nom de celle qui inventa la musique;
c’est encore le nom de la soeur de Fo-hi.
Des détails que je viens de donner, on peut facilement
comprendre combien il a été difficile aux Chinois de faire
un dictionnaire complet et méthodique de leur propre
langue. Chez eux comme chez les Egyptiens, l’hiéroglyphe
pur avait précédé le signe hiératique, mais ce dernier
n’était pas arrivé à revêtir la simplicité démotique et complément
phonétique ; à passer de la forme concrète du
syllabaire à la forme analytique d’un alphabet analogue
à ceux des peuples modernes.
Comme il n’y avait pas en Chine une caste sacerdotale,
un collège de scribes sacrés, conservateurs vigilants
du nombre et de la forme des caractères, il y eut à plusieurs
époques une confusion inexprimable dans les signes
de la pensée ; les valeurs et les formes varièrent à l’infini.
Mais ce désordre même fit sentir de bonne heure la nécessité
des dictionnaires. Les plus anciens sont purement
hiéroglyphiques et rangés par ordre de matières; on
commence par le ciel et on finit par les animaux. C’est
l’ordre naturel des dictionnaires hiéroglyphiques, c’est
celui que Champollion a récemment suivi dans son dictionnaire
égyptien. De ces anciens recueils, le plus célèbre
est YEul-ya. Il est inutile de dire de combien la recherche
d’un caractère était longue et difficile dans un
vocabulaire de ce genre; il fallait parcourir toute une
longue suite de pages pour rencontrer le caractère cherché.
Cet état de choses dura jusqu’en l’an 121 de notre
ère. Ce fut seulement alors que l’ingénieux Hiu-Chin
conçut l’idée d’extraire de la totalité des caractères chinois,
les clefs ou classes sous lesquelles il pouvait les
ranger. 11 fixa le nombre de ces clefs à 540 et les disposa
d’après un ordre qui semble arbitraire, le résultat de
ses efforts est le Dictionnaire Choue-Wen.
Dans la foule des publications qui lui succédèrent, le
nombre des clefs varia de 500 à 83, et demeura indéterminé
jusqu’en 1616. À cette époque, le célèbre Meï-lan
publia le Tsu-Weï et fixa les 214 clefs actuellement en
usage. En ne considérant que les éléments graphiques, il
serait possible de ramener le nombre indéfini des caractères
chinois à quinze figures principales formées de huit
traits seulement, et chacune de ces figures simples serait
l’initiale déterminative commune de plusieurs classes.