
§ IX. É C O L E r A S I G R À P l l I Q U E .
Mais tandis que les savants laborieux poursuivaient
leurs patientes analyses, des esprits plus hardis, plus
impatients, cherchaient à conquérir par des moyens artificiels
l’unité du langage.
Dès qu’on avait appris en Europe que les peuples
de l’extrême Orient possédaient depuis des siècles une
écriture philosophique assez parfaite pour servir de lien
commun à plus de 500 millions d’hommes qui parlent
des langues différentes, les imaginations avaient été vivement
frappées des immenses avantages que produirait
dans le reste du monde la création d’un système analogue
; car le nombre et la bizarrerie des caractères chinois
en empêchaient l’adoption. D’autres circonstances
faisaient encore sentir l’utilité d’une pasigraphie. ■— La
langue latine, cette langue admirable de la guerre et de
l’administration avait du se transformer successivement
pour traduire les idées philosophiques de la Grèce et de
l’Orient ; pour discuter les dogmes dii catholicisme ;
mais elle n’avait plus le pouvoir de fournir des signes aux
nombreuses pensées que venaient d’enfanter la renaissance,
la réforme, et le progrès irrésistible des sciences.
Voici quel est le problème que la pasigraphie cherche
à résoudre :
1° Classer les idées ;
2° Représenter directement les idées au lieu de représenter
les sons ;
5° Rattacher à chacune d’elles un signe, une lettre, un
caratère universel lisible par toutes les nations ;
4° Etablir une grammaire d’une excessive simplicité,
n’ayant que des règles absolues ;
5° Composer le mot de telle façon que la signification
soit toujours révélée par son aspect seul.
En sorte que chacun puisse toujours comprendre et, à
la rigueur, écrire sans dictionnaire spécial.
Le premier savant qui osa chercher la solution de ce
problème fut, selon Caspar Scholt et Digby, un Espagnol
dont le nom ne nous est point parvenu ; il publia à
Rome, en 1653, un essai dans lequel les classes d’idées
étaient représentées par des nombres.
Le Nuntius inanimalus de l’Evêque Godwin, les théories
de Wilkins suivirent de près cette première tentative.
— L’Ecossais Dalgarno publia à Londres, en 1661.
Ars signorum vulgo chctracter univer salis et lingua
philosophica ; toutes les idées possibles étaient ramenées
à seize classes générales, représentées par des caractères
gréco-latins. Et Wilkins donna à l’appui l’Essai sur la
langue philosophique avec un dictionnaire conforme à
cet essai. Dans le même temps Recher mit au jour à
Francfort son Character pro notitia linguarum univer-
sali, et comme la complication des caractères rendait sa
pasigraphie impraticable, il conçut le premier l’idée d’un
dictionnaire numéroté, et son système ainsi modifié
parut en 1674, sous le titre de Mcthodus dialectica, seu
clavis et praxis super novum organum philologicum.