
gage du repos et du salut de l’Europe. Plus heureuse que
Charles XII et que Napoléon-le-Grand, la langue allemande
poursuit toujours victorieuse l’invasion de la
Russie, déjà établie en Finlande, en Estbonie, en Cour-
lande, elle s’est emparée de la moitié de la Pologne et
de toutes les villes sur la Baltique ; elle a imposé à la
noblesse russe l’obligation d’apprendre l’idiome germanique
et de le placer au niveau du français parmi les
signes d’une haute naissance et d’une éducation complète.
Tandis quelle fermait à la Russie les états Scandinaves
ralliés de plus en plus à la grande famille germanique,
des troupes innombrables d’émigrants allaient
répandre les idiomes teutoniques dans toute l’Amérique
du nord. Tant de succès ont inspiré à l’Allemagne un légitime
orgueil et de grandes espérances. Elle aspire aussi
à donner au monde l’unité du langage.^ Si le français est
la langue de l’aristocratie; des princes d’origine- allemande
sont assis sur presque tous les trônes de l’Europe ;
le français a conquis des individus et des classes, mais
l’allemand a conquis des peuples et des nations, il les
possède pour longtemps ; car après tant de siècles on
retrouve encore dans les langues mortes et vivantes de là
Grèce, du Caucase, et de l’Inde Brahmanique les traces
glorieuses des victoires et de la domination des enfants
de Teutsch et de Hertha.
Le persan, le sanscrit lui-même porteront à jamais
l’indélébile empreinte de la conquête germanique.
L’histoire nous prouve que les Celtes et les Germains
ont pénétré souvent jusqu’au coeur de l’Asie ; les annales
de l’Inde nous apprennent que les Aryas, les Pandawas,
les visages pâles, sont venus du nord-ouest, tandis qu’on
ne peut raisonnablement supposer que les pacifiques
habitants des plaines du Gange et de l’Indus auraient
abandonné la plus belle contrée du monde pour les forêts
glacées de la Germanie (1). Quant aux Perses, l’histoire
nous prouve qu’ils n’ont jamais fait en Europe d’autre
expédition que celle de Darius contre les Scythes,
et de Xerxès contre les Grecs.’ La plus heureuse conséquence
des progrès de l’allemand classique est la
destruction des idiomes particuliers, quand il adoucit
les voyelles rudes et aspirées, quand il donne plus de
grâce et plus d’énergie aux consonnes molles et traînantes,
il prépare par là l’unité nationale ; il n’y aura
plus, un jour, ni Prussien, ni Souabe, ni Saxon, ni Autrichien,
iln y aura plus que des Allemands ; un empire de
soixante.et dix millions d’hommés. Alors, quel que soit
le chiffre prodigieux de la population croissante de la
Russie, quand meme cette puissance devenue maîtresse
de l’Indoustan parviendrait à séduire les nomades belliqueux
de l’Asie centrale, ces Mongols qui dans leurs sacrifices
invoquent encore la grande âme de Timour;
l’ambition des czars rencontrerait une barrière infran-
(1) Quis Asia aut Africa, aut Italia relicla, Germaniaro peleret?
infoimen terris, asperatn ccelo, tristcm cultu, aspectuque, nisi si
patria sit. Tacite, de moribus Germ.