
tique des Mantchous, pour maintenir leur domination
sur un pays plus fort qu’eux, a constamment cherché à
désorganiser le mandarinat, l’armée nationale et la flotte;
à fermer le pays aux étrangers. Mais au jour où les Chinois
seraient disciplinés et organisés à l’européenne, ils
formeraient des troupes excellentes, car ils ont toutes
les qualités qui font les braves soldats : obéissance, sobriété,
facilité incroyable à supporter les privations de
tout genre. Le courage ne leur manque pas à l’occasion,
témoin leurs brigands et leurs pirates. La marine chinoise
est dans le même désarroi que l’armée. Cependant
ici encore, si la discipline et l’organisation européenne
leur donnaient la confiance en eux-mêmes, les Chinois
seraient des marins de premier ordre. Les émigrations, la
guerre civile et l’influence étrangère amèneront infailliblement
la régénération de la Chine. Et dès lors il y aura
entre l’Europe orientale et l’Amérique un contre-poids
assez considérable pour assurer l’équilibre universel.
D’ailleurs, ce peuple qui prend désormais part au
mouvement général, avait conservé dans son isolement
plus d’un genre de supériorité ; son alphabet philosophique,
ses géographies statistiques et historiques, ses
vastes encyclopédies, son histoire écrite et documentée
avec un soin religieux; enfin, sa philosophie essentiellement
pratique, et surtout sa morale épurée dont les enseignements
se soutiennent depuis plus de 3,000 ans.
La philosophie grecque et le mazdéisme sont loin d’atteindre
la perfection des quatre livres sacres. Iao et
Kongtseu n ont-ils pas dit : u Développer et rendre à son
éclat primitif ce principe lumineux de la raison que nous
avons reçu du ciel ; améliorer sans cesse les hommes ;
placer sa destination définitive dans la perfection ou le
souverain bien ; posséder la droiture du coeur, aimer son
prochain comme soi-même, voilà toute ma doctrine, elle
est simple et facile à pénétrer (1). Dans le domaine des
sciences naturelles, les Chinois ont agité depuis longtemps
cette théorie moderne, encore inconnue à la France, et
que l’Allemagne appelle philosophie de la nature ; comme
Schelling, Stefïens, Oken, Fries, Runge, Schubert, Wilbrand,
ils distinguent l’éther de la matière fixée, et rendant
compte de tous les phénomènes par l’action de ces
deux principes, ils admettent aussi le resserrement et
1 expansion, l’attraction et la répulsion, le repos et le
mouvement : c’est une véritable explication universelle.
Sur un point de haute philosophie, dit M. G. Saint-
Hilaire, ils s accordent avec nous ; la définition qu’ils
donnent des insectes, suivant Abel de Rémusat, porte
sur ce que ces animaux ont la chair dans l’intérieur du
corps, et les os à l’extérieur.
(1) Ki sô pou yo fe chi iû j in . * Ne faites pas à autrui ce que
vous ne voudriez pas quon vous fît. Jm tchè j i n yè. L'amour du
prochain c est le tout de l’homme; l’homme (tout entier). Yeoù
j in i eûl ii. Justice et charité tout est là. — L u n iu et Chou-
King. Gre. chin. Abel de Rémusat.
* Le manque de caractères spéciaux ne me permet pas une accentuation complète
des mots chinois, mais cette légère imperfection ntempêcliera pas les sinologues
de reconnaître les noms et le texte cités.