
glise romaine; et les runes que le javelot d’Odin avait
gravées sur le granit devinrent des figures magiques, des
signes diaboliques. Les Persans, les Maugrebins, les Afghans,
les Malais n’abandonnèrent leurs caractères nationaux
que pour adopter ceux que la main d’Allah avait
tracés de toute éternité sur les pages du Coran, et que
Gabriel apportait du ciel au prophète.
Les Goths reçurent l’alphabet grec de leur apôtre Ul-
pliilas.
Les Arméniens et les Géorgiens remplacèrent par les
lettres que Mesrob devait à l’inspiration divine les lettres
maudites de Zoroastre et de Cadmus. Enfin, c’est à saint
Jérôme que les lllyriens et les Slaves occidentaux attribuent
l’invention du caractère glagolitique, et l’alphabet
slavon de saint Cyrille ne fut modifié que par la révolution
religieuse, opérée en Russie par Pierre-le-Grand.
Ainsi, aux yeux de tous les peuples, on ne pouvait
assigner qu’une origine surnaturelle à un art qui est le
dépositaire et le propagateur de la pensée, de la parole
et de toutes les connaissances humaines. L’inventeur
d’un pareil alphabet sera Dieu ou diable, mais il ne sera
jamais un homme, et ce n’est pas seulement le vulgaire
qui pensait ainsi, mais Platon; mais Cicéron qui disait :
Non ex liâc terrenâ mortalique naturel concretus is esse
videtur. Aussi les peuples, ne touchent-ils jamais à l’alphabet
qu’avec une excessive répugnance. Quand ils peuvent
s’y résoudre, et ce n’est jamais sans une impérieuse
nécessité, sans une circonstance où il s’agit de la foi religieuse
et de la nationalité ; ils font les efforts les plus
ingénieux pour ne pas augmenter le nombre des caractères
sacrés, ils préfèrent modifier les lettres anciennes
que les progrès de la civilisation, le développement des
organes de la voix et de l’ouïe ont rendues insuffisantes.
Ils modifient les signes sacrés par des barres, des accents,
des daguesch, des points voyelles ou diacritiques.
C’est ainsi qu’ont procédé les Hébreux, les Arabes, les
Scandinaves, les Turcs, les Persans, les Allemands, les
Polonais et les Espagnols. Pour cette oeuvre, en apparence
modeste, il ne faut plus être d’une nature supérieure
à l’humanité, les Massorêtes du concile de Tibériade
étaient de simples rabbins, les arabes Asouab et
Khalil n’étaient que des grammairiens.
Par un singulier scrupule, on ne veut jamais convenir
que le nombre des lettres a été augmenté, toutes les
grammaires hébraïques enseignent qu’il n’y a que 22
caractères, et quand on y regarde de près, on voit qu’on
leur a successivement ajouté 14 voyelles brèves, 6 lettres
douces, qu’un caractère a deux emplois, un autre trois,
etc., et que le nombre des sons hébraïques portés directement
à 46, devait dépasser de beaucoup le nombre de
ceux de 1 alphabet sanscrit, quand ils étaient accompagnés
d une foule de signes à l’aide desquels on désignait les intonations,
la psalmodie, l’accent traditionnel, sans lequel
la prière aurait perdu toute sa puissance théurgique.