
en existe-t-il un grand nombre dont le son est semblable,
l’accent absolument semblable, et dont les significations
sont nombreuses, diverses et souvent opposées. Ainsi le
mot fou a jusqu’à 80 significations, quelques autres en
ont jusqu’à 200, 240.
Accentuation des missionnaires.
Les missionnaires ont inventé une manière convenable
de représenter les tons chinois par une combinaison
d’accents et d’esprits rudes; ils ont ainsi cherché à fixer,
à représenter ce que les Chinois n’écrivent pas et n’apprennent
que par l’usage. Ils n’ont pas réussi complètement
dans cette difficile entreprise, une oreille européenne
a de la peine à saisir les nuances délicates qui
modifient le sens des mots. Les Chinois eux-mêmes sont
obligés, pour éviter la confusion, de réunir souvent deux
monosyllabes qui s’éclairent l’un par l’autre ; ainsi le mot
tchin, parent, ajouté au mot fou, avertit qu’entre les
nombreuses significations de ce dernier mot, il faut s’en
tenir à celle de père.
Et souvent ce moyen est insuffisant, et les lettrés, dans
une conversation scientifique, sont obligés de recourir
au procédé de tracer en l’air avec le doigt le caractère
de l’idée qu’ils veulent exprimer. S’ils désignent ce caractère
par un geste unique, correspondant à un seul
trait, comme ceux de l’écriture Tsao, le procédé est praticable
; il doit bien souvent être impossible, s’il faut représenter
un signe simple de dix-sept traits ou un composé
(
de soixante-dix. Ce qui augmente encore la difficulté,
c’est la coexistence de trois langues dans le Chinois, le
style ancien Kou-wen, langue morte ou littéraire; le style
mixte Wen-tchang; le style scientifique, le style moderne
officiel ou mandarinique, Kouang-hoa. La langue
parlée s’éloigne tellement de celle de la littérature, qu’une
personne versée dans la connaissance de l’une pourrait
être tout à fait étrangère à celle de l’autre; et qu’un
homme du peuple qui assiste à la lecture d’un livre écrit
dans le style antique, en peut rarement saisir complètement
le sens. Les deux styles diffèrent également par les
tournures et par les termes. Une foule de particules dont
on fait usage dans la langue de la conversation, ne s’écrivent
jamais. Aussi y a-t-il tel lettré, dit le Père Cibot,
qui ne viendrait pas à bout d’écrire passablement un
dialogue en Kouang-hoa. Il ne saurait pas même les caractères
dont il faudrait se servir. Cette invention des tons
qui est si loin d’atteindre le but qu’on s’était proposé et
qui laisse un si grand nombre de caractères sans marque
distinctive, est cependant, selon M. de Guignes, ce qui
empêche que la langue actuelle des Chinois ne devienne
alphabétique.
En effet, chacune des lettres du nouvel alphabet devant
être nécessairement modulée, de manière à rendre toutes
les intonations occasionnées par les cinq tons simples
et les cinq tons gutturaux, il s’en suivrait que les lettres
seraient très-multipliées, et rendraient par conséquent
l’alphabet d’un usage extrêmement compliqué et même