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§ XIY.
11 me semble donc clairement démontré que la religion,
le goût artistique et l’habitude, qui est aussi une
puissance, empêcheront les peuples d’adopter a la lois
un alphabet qui ne répondrait à rien, et qui serait la
création arbitraire d’un savant ou d’une Académie. Un
alphabet universel ne me parait possible qu’au temps
où l’unité politique et religieuse sera établie dans le
monde. Mais comme cette époque est peut-être encore
loin de nous, il faut bien en prendre son parti, imiter la
conduite de Mahomet, à l’égard de la montagne : puisque
les peuples ne veulent pas renoncer à leurs alphabets
nationaux pour adopter celui qu’il nous serait commode
de leur imposer, c’est à nous de trouver un fil
d’Ariane qui nous conduise dans cet effrayant labyrinthe
de caractères innombrables représentant les sons de deux
mille langues et de cinq mille dialectes.
N’y a-t-il pas un moyen de déterminer l’origine de
chaque lettre, l’objet et l’idée quelle représente, d’expliquer
toutes les transformations graphiques, et d’apprendre
et de retenir ainsi, assez facilement, l’alphabet le plus
compliqué?
CHAPITRE TROISIÈME.
E ta t actuel du langage. Carte philologique du
globe.
Pour bien comprendre mon but et mes travaux, il
faut jeter un coup d’oeil sur la carte philologique du
monde, et voir comment des milliers d’idiomes et de
caractères nationaux sont remplacés par les langues et
les alphabets d’un petit nombre de peuples civilisateurs.
§ I . L A N G U E S M A R I T IM E S .
Lingua franca. — Lmgoa-geral. — Malai.
Au premier aspect de cette carte philologique, nos
regards sont attirés par ces langues maritimes qui, pareilles
à des serpents immenses, s’enlacent autour des
continents et des îles des deux mondes, et semblent couvrir
de leurs anneaux le globe tout entier. C’est par l’étude
de ces langues que plusieurs philosophes ont été
conduits à rêver pour la terre l’unité du langage. La plus
ancienne langue littorale était cette lingua franca, parlée
sur toutes les côtes de la Méditerranée, mais que remplacent
aujourd’hui l’italien et le français. Le doux idiome que
les Castillans ontnommé le langage des fleurs, le portugais,
est l’un des plus harmonieux et des plus féconds de la
terre ; uni aux langues sauvages de la Nigritie maritime,
du Congo, du Zanguebar, il a produit la lingoa-geral,
cette langue générale qui sert d’interprête à l’Europe sur