
de tous les alphabets européens et asiatiques, car il peut
rendre lettre par lettre les caractères du syllabaire sanscrit,
de l’alphabet hébreu et de l’alphabet romain. 11 faut
classer les alphabets non d’après le nombre de leurs lettres,
mais d’après le nombre des sons qu’ils peuvent
représenter. Ces considérations demandent un examen
spécial.
§ X . E E C H I N O I S , S O N IM P O R T A N C E .
La langue chinoise a été successivement présentée
comme une langue à part, n’ayant rien de commun avec
aucun autre idiome du globe ; comme une langue si
simple qu’elle n’exigeait presque aucune étude ; comme
une langue si compliquée et si difficile, que la vie d’un
homme suffisait à peine pour l’apprendre. Nous verrons
plus loin ce qu’il y a de réel dans ces assertions contraires.
Sur tout ce qui touche à la Chine, il y a toujours ainsi
deux opinions absolument opposées. Marc Pol au XIIIe
siècle, les Portugais et les premiers missionnaires au
XVIe, ont visité et admiré naïvement la Chine, à une
époque où sa tolérance religieuse, son agriculture florissante,
son industrie merveilleuse, son luxe et ses richesses
lui assuraient sur l’Europe une supériorité incontestable.
Mais depuis l’établissement des Mantchous,la Chine est
restée stationnaire en apparence, divisée, affaiblie, isolée,
absorbée par le travail caché qui préparait sa régénération.
Cette activité latente, comparée aux progrès merveilleux
du monde européen pendant les deux derniers siècles,
ressemblait à l’immobilité de la mort. Enfin la Chine
fermée aux étrangers n’était plus jugée que d’après ses
deux sentines, Canton et Macao. Aussi les exagérations
du dénigrement surpassent-elles de beaucoup les exagérations
de l’enthousiasme.
Un membre de l’Académie française, l’auteur de la divine
épopée, résume ainsi les préjugés de l’Europe au
sujet des Chinois.
Peuple de Confutzée, aux pentes du Thibet,
Usant un âge d’homme à lire un alphabet;
Filant les arts mesquins sans amour et sans jo ie,
Comme sur tes mûriers le ver filait la soie ;
Et d’un oeil indécis mesurant ta grandeur
A tes magots lustrés, types de ta laideur!
Jamais ton pied tremblant ne bondit sur la terre
Au rhythme impétueux des hymnes de la guerre.
Par tes timides lois ton génie arrêté
De l’instinct du castor eut l’immobilité,
Et comme ton empire, en éteignant sa flamme,
Un mur infranchissable emprisonnait ton âme,
R este à jamais couché dans la secon de mort.
Des hommes d’un grand savoir partagèrent longtemps
cette fausse opinion. Selon Volney, les peuples de l’Asie
avaient tout à apprendre des Occidentaux, mais l’Europe
ne pouvait rien gagner à l’étude du vieil Orient. C’est
vainement, disait-il, qu’un antique préjugé vante la lit