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ne faut pas s'y tromper, j'avertis qu'elles ne font occafionnées que par
l'acier de rinftrumeiit qui s'eil attaché fur la furface mordante & raboteufe
de la pierre. Un naturalise exercé fera aifément cette diftinâion.
7°. Ce baialte eft attirable à l'aimant, & fait mouvoir le barreau magnétique
tout aufli-bien que le bafalte-lave. 8°. Il fait une excellente pierre
de touche. 9°. Enfin, il fe fond fans addition, devient poreux, & poufle
à un feu violent, il forme une eipece de verre ou d'émail noir.
" Je ne parle point ici du bafalce noir, dont on voit également des ouvrages
égyptiens, du éayd/rei fcintillis minutijjîmis de Ferante impératif
qui eft le bafalda nera , dura , orientale des Italiens, pierre noire dure ,
difpofée en petites lames ou écailles irrégulieres de feld-fpath blanc &
cryftallin, interpofées entre d'autres petites écailles ou lames de fchorl
noir luifant, & où l'on voit quelquefois des veines irrégulieres de feldfpath
blanc jaunâtre ou rofacé j je ne parlerai point, dis-je, de ce bafalte
, parce que je ne le crois pas volcanique, & je Aiis en cela du fentiment
de quelques naturaliftes.
Variétés des Bafaltes du Vivarais & du Velay.
JE vais faire connoître à préfentles différentes efpecesde bafalte qu'on
trouve dans les volcans éteints du Vivarais & du Velay. Je donnerai
enfuite la notice & la lifte de toutes les laves curieufes & rares que je
ne fuis venu à bout de me procurer, particulièrement celles qui renfer-
• ment des corps étrangers, qu'après des voyages multipliés, des recherches
longues 6c pénibles, 6c beaucoup de dépenfes. On verra par ce catalogue
qu'il a dû s'écouler bien de temps avant d'avoir pu former une
colleftion auiîi étendue ; car j'obferve qu'il n'y a pas un morceau que
je n'aie vu en place. J'ai dans tous les temps eu l'attention de recommander
aux différentesperfonnes que j'avoisemployées furies lieux, ibit
pour m'accompagner & me fervir de guides, foit pour le traniport des
matieres qui m'intéreilbient, que lorfque le hafard leur feroit faire pendant
mon abfence quelque découverte qui leur paroîtroit intéreiïànte , '
de m'en donner fur le champ avis, ce qui m'a été utile dans plus d'une
occaiîon. J'avois fait un grand nombre de voyages dans plufieurs parties
du Vivarais où j'étois connu : j'avois dreflë des payfans des lieux, qui
font d'une complaifance extrême lorfqu'on leur parle avec honnêteté
& qu'on fait fe mettre à leur portée, à connoître machinalement les inor.
ceaux qui pourroient me plaire. Comme je les payois bien , & que j'avois
des égards pour eux, l'intérêt ® &l a bonhommie leur donnoient de l'iaduftrie,
& ces braves gens étoient fans ceflë en quête pour m'obliger.
J'obferve cependant que dans les premieres courfes que je faifois dans,
leur pays, ils ne me voyoient qu'avec une forte d'ombrage & de méfiance.
J'étois pris d'abord pour un homme envoyé par le gouvernement pour
reconnoitre la nature de leur poffeiTion, afin d'augmenter les tributs
® En généra! les gens de la campagne font peu in- rife la noblciTe & la liberté de leut ame : parlezw
tcrelfes dans cespays ; ) ai eu fouvent de la peine à leur poliment, ne refufez)amaiscequ'ils vous offrent,
taire recevoir de l'argent à plufieurs de ceux que )'em- foit du vin, foit du tabac , & vous en ferez ce que
ployoïs ; Ils aiment les politelTcs , certams ¿gards, & vous voudrez : les préfens les plus afir^ables dont vous
lur-rout iJs ne veulent ooint au on prenne des tons de puiiliez les gratifier doivent confifter en tabac qu'ils
:e trait çaraûé-fupériorité avec ei ic raifon : aiment i Ja folie.
S U R L E Ë A S A L T Ê . Î^ ^
royaux. D autres fois on me regardoit comme l'eipion du feigneul" : ceccû
mdpnfe m'auroit été certainement funefte , fi je n'avois pas compris un
peu la langue du pays, & fi je n'avois pas mis la plus grande circonfpeaion
dans mes démarches. Je courus même des dangers dans un petit village audcflijs
de la Bajlide, terre appartenante à M. le comte d'Entraigue. J'é^
tois logé dans un miférable cabaret ifolé, dont il eft difficile de peindre
le défordre, l'état de délabrement & de mal-propreté. C'étoit dans le lieu
leplus trifte Scleplusfauvage du monde .-une troupe de muletiers étoit
logée dans cette maifon : ces hommes, peu doux de leur naturel parurent
d'abord ofFufqués de mapréfence &de mon attirail: un grand'portefeuille
qu'avoit mon deffinateur, des livres & des papiers que portoit
un domeftique, leur firent ouvrir des yeux de curiofité & de foupçon
Ils queftionnerent d'abord le guide , qui étoit un montagnard d'un village
voilm, qu'un curé nous avoit procuré. Ce bon homme crut de ne pas mal
faire en dlfant que nous étions des gens qui levions des plans • »rands
raifonnemens à ce fujet ; chacun dit fon avis ; toutes ces têtes échauffées
déjà par le vin , ne tardèrent pas à fermenter, lorfqu'elles crurent
que nous venions pour leur nuire ; nous fûmes traités de drôles de
fnppons. '
J'étois alors dans le coin d'un petit mauvais galetas qui me fervoie
tie chambre , occupé à rédiger des obfervations , lorfque j'entendis
ce carillon & ces mauvais propos : je defcendis fur le champ je vins à
eux , 8; leur adreffant la parole avec douceur, je leur demandai s'ils ne
voudroient pas fe charger de tranfporter avec leurs mulets plufieurs
quintaux des pierres noires que je leur montrai, c'étoient des colonnes de ^
baialte & le prix qu'ils en voudroient pour les rendre à Montelimar •
leur dlfant qmls auroient lieu d'être coiitensde moi. Ils crurent d'abord que
]e plaiiantois, & fe mirent fort en colere ; mais dès qu'ils virent que je leur
offroisdel'argentd'avance.&quejeparloisférieufement.ilseurentbientôt
fait marché avec moi. Ces gens, d'abord fi furieux, devinrent mes amis & mes
compagnons de voyage ; j'en emmenai fix avec leurs mulets que je fis
charger de matieres volcaniques : ils repartirent le lendemain fur leur
parole pour le lieu de leur deftination , ayant reçu en entier le montant
de leur voiture ; 8c ils firent ma commilEon avec autant d'exaflitude aue
de fidélité. '
, Une autre fois ( en 1775 ) M. Guettard, de l'académie des fciences
étant venu en Dauphiné, me parut fort curieux de voir quelques volcans^
du Vivarais. Je le conduifis à Vais, village renommé par fes eaux
minerales, ou il exifte de belles colonnades de bafalte. Nous fûmes obliges
de coucher dans une mauvaife gargote , où fe trouvoit égalementune
troupe de muletiers fort inquiété fur notre préfence dans leur pays
car on leuravoit dit que nous parcourions les montagnes. Nous étions
en chambrée avec quatre ou cinq voituriers d'une autre bande, & ces
mefiieurs fort ivres donnoient 8c ronfloient de tout leur pouvoir, étendus
lur des grabats placés tout auprès des nôtres. Comme la chambre
ou nous étions couchés étoit fur la cuifine , & que le plancher étoit
crevé en plufieurs endroits, j'entendois de mon lit la premiere troupe
de muletiers qui mangeoit, buvoit , juroit & s'entretenoit fur notre
compte &furl'objeCimaginaire de notre miffion;ces gens étoientfort mé.