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pentes, & à l'abri des pluies par des combles avancés : de telles maifons
malgré cela, quoique compofées avec des matériaux peu iblides , ne laiffent
pas que de fe foutanir 8c de durer long-temps.
Si les murs d'un bâtiment fait à la hâte , & dans un temps où le mortier
féchoit trop rapidement, n'offrent qu'une chaux friable & terreufe,
i l n'en eft pas de même ordinairement des murs de fondation de ce même
bâtiment, car lî on n'a rien épargné dans fa conftruftion, vous reconnoîtrez
que la nature eft venue ici au fecours de l'art j les matieres s'étant
trouvées à l'abri de l'air , & à un même degré de température 6c
d'humidité , n'ont point éprouvé une deliîcation prompte -, l'eau au contraire
tenant les molécules calcaires en macération pendant long-temps,
s'empare de tout l'air fixe qui s'y trouve contenu j elle acquiert alors le
pouvoir de diflbudre , de fondre, de remanier la terre abforbante , de
la régénérer, de la l ier, de la joindre au quartz j & comme l'évaporation
du liquide ne fe fait que d'une maniere infeniible & lente, ou plutôt
qu'une partie du liquide lui-même fe combine avec la matiere pour
former l'eau de la cryftallifation, cette opération fe trouve d'autant plus
parfaite , qu'elle eft plus longue & plus élaborée. Ce n'eft ordinairement
qu'au bout de trente ou quarante ans que le mortier acquiert en cet étac
une dureté finguliere , époque qui à la vérité eft bien longue pour nous,
mais qui n'eft rien pour la nature. Détachez des fragmens d'une pareille
maçonnerie; coniîderez-Ies avec la loupe, vous ne verre2 plus
alors cette poufliere farineufe qu'on remarque dans les murs qui ont
féché trop promptement, mais vous diftinguerez des molécules calcaires
inétamorphofées en fpath dur & fouvent brillant, en un mot, changées
en une véritable pierre calcaire, folide ÔC c ompade , qui enchaîne 6c
l ie les grains de quartz qui s'y trouvent mêlés.
C'eft ainfi que la nature opere d'une maniere bien plus lente & bien
plus graduelle encore dans les antres fouterrains où elle fe plait
quelquefois à conftrujre de vaftes édifices, dont les formes 6c la fingularité
nous étonnent j c'eft dans les grottes telles que celle d'Antiparos 6c
dans plufîeurs autres cavernes de cette efpece, qu'il faut aller étudier la
maniere tranquille, lente, mais folide & admirable, dontla nature met en
oeuvre les élémens de la pierre calcaire. Ce beau méchanifme mérite
toute l'attention d'un obfervateur; c'eft toujours l'eau imprégnée du
principe diifolvant qui tranfporte, qui manie, qui façonne ces grands
rideaux de fpath brillant, ces voûtes hardies, ces piliers inébranlables,
ces arceaux qui nous étonnent par leur forme & leur élévation, ces
baldaquins, ces girandoles, ces cafcades furprenantes d'une matiere
iblide, auffi éclatante que lecryf tal ; en un mot, cette variété d'ornemens
& de figures bizarres qui , féduifant & échauffant notre imagination,
femblent nous tranfporter iubitement dans le palais magique de quelque
divinité enchantereàe
Lesfpaths calcaires, les ftalaftites, les ftalagmites, les incruftations.
Sec. font l'ouvrage de l'eau, & d'une eau chargée du diflblvant de la
terre abforbante ; plus l'eau en eft faturée , mieux la matiere fe diflbut,
&. tend à une homogénéité parfaite. Si l'évaporation s'en fait d'une
a Ceci pourra pacoîcrc un feu trop poiîcique,
tbuccrcsincs. n appelle aux nacuraliiies qui oat vificé des grotte»
S U R LA P O U Z Z O L A N E . 2.17
maniere lente & infenfible, dès-lors les cryilaux tendent à fe rapprocher,
à fe refferrer, à former un tout, un enfemble d'autant plus folide
que les élémens font mieux liés & laifl'ent moins de vuide. La découverte
ingénieufe de M. Achard, cliymifte, de l'académie de Berlin fur
la maniere de compofer des cryftaux faaiccs de fpath, vient fort à l'appui
de ce que j'avance : j'ai déjà parlé de la lettre que ce favant a
adreilee a ce fujet au prince Gallitiin, ambafladeur de Ruffie à la Haye
qu on trouve à la page 11 du journal de phyfique, du mois de janvier de
cette annee (1778). Je vais en rapporter ici quelques pafl'ages , qui
tendront a repandre un plus grand jour fur la théorie délicate que ie
viens de tenter de développer, ou plutôt dont je n'ai donné ¿'une
tres-foible ébauche. ^
» Je prends la liberté de foumettre au jugement de votre altefl'e une
.) découverte à laquelle j'ai été récemment conduit par l'analyfe 'chv-
» mique du rubis, de l'émeraude, du faphir, de l'hyacinthe , de la
" orientale 8c des grenats de Bohême. Les naturaliiles ont ¡u&
). qu a prelent regardé ces pierres comme compofées de terre vitriiable,
» iSi. ) ai trouve au contraire qu'elles font compofées de terre alkaline
» c eft-a-dire , de terre calcaire 8c de terre alumineufe , mêlées en
1. différentes proportions avec une'petite quantité de terre vitrifiable
» & de terre métallique, principalement avec la terre ferrugineufe
.) Je crus pouvoir expliquer par-là pourquoi on trouve les pierres cryf.
11 tallilees. Cette explication avoit paru jufqu'à ce jour très-difficile Se
» tres-peu pollible, parce que toute cryttallifation fuppofe néceffaire-
» ment une diflblution préliminaire, &parce qu'on ne connoît pas dans
» la nature un diffolvant de la terre vitrifiable, tandis qu'elle nous pré-
» fente plufîeurs menftrues capables de diflbudre les terres alkalines.
» Pour que les cryftaux foient indiflblubles , comme cela a lieu à
i> l'égard des pierres précieufes, il eft eflintiel que le diffolvant abanj)
donne les terres qu'il tient en diffolution, au moment où les parties
.. fe réuniffent & fe cryftallifent. O r , de tous les diifolvans connus des
.. terres alkalines, il n'y a que l ' < i i > q u i puifle fatisfaire à cette
« condition. Je penfai donc que l'eau imprégnée d'air fixe, faturée de
» terres alkalines, en fe filtrant par des couches de terre , & en s'atta-
» chant en gouttes à la partie inférieure de ces couches , pouvoit
» orfque l'air fixe s'en échappe , occafionner la réunion des parties de
» la terre que l'eau avoit diflbute par fon intermede, & former de cette
)) maniere des cryftaux différens, fuivant les circonftances dans lefquelles
» fe fait la cryftallifation , & fuivant la nature & la proportion des
11 terres alkalines dont l'eau imprégnée d'air fixe étoitchargée. L'obferva-
» tlon qu on a faite fur l'origine des fpaths calcaires cryftallifés fem-
» bloit confirmer cette idée. Je crus cependant qu'il étoit eflèntiel de
» la determiner d'une maniere plus précife par l'expérience „
M. Achard décrit enfuite la machine ingénieufe qu'il a inventée pour
a formation de ces cryftaux, à l'aide de l'eau imprégnée d'air fixe : comme
le deffous du vafe ou de l'inftrument où fe fait l'opération eft en terre
cuite , 1 eau s'infiltre à travers cette matiere poreufe & dépofe, fous la
partie extérieure qui eft fupportée par des pieds, des cryftallifations
tattices très-curieufes. Il feroit trop long de détailler ici cette machine
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