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inoknt fans cloute des ruiííeaux qui couroient á une certaine diflance
du principal amoncelemencj mais tout ceci ne pouvoit aller fort loin,
foit parce que les noyaux de bafalte avoient trop de coníiñance, foie à
caufe que les cendres & les terres dans lefquelles ils étaient perdus, n'avoient
été ni pu être mifes en fufion : le gros de ces jets refta donc en
place; ce qui le prouve évidemment, ce font les quantités prodigieufes
de ces blocs de toutes formes ¿k de toutes grandeurs, depuis 6 pouces
jufques à 6 pieds cubes,qu'on voitici de toutes parts, & s'ils font ordinairem^
ent nus, même ceux entailes, c'eft que les vents 8c les pluies
ont par fucceilion de temps emporté les matières qui les avoient accompagnées
dans leur fortie hors des cráteres. Nos couransproprement dits ne
font donc dû qu'à des ebullitions de laves bien fondues ik lancées de deiTus
quelque hauteur3 j'en ai vu de mêlées de quantité de ponces, mais elles
ii'avoient pas beaucoup de fuite, ce n'étoit que des traînées; les plus
longues & les plus belles coulées font toutes ici dé bafalte, & on peut
en fuivre quelques-unes jufques à une lieue de leur fource; elles fe feroient
même prolongées plus loin iî elles n'euflent rencontré en leur
chemin des bas fonds où elles fe font accumulées. Je n'ai pu remarquer
dans ces courans des épaifleurs foutenues de plus de huit pieds; pour
leur largeur elle a dû néceiTairement varier beaucoup, foit par la difpoiîtion
du terrein, foit à caufe que le bafalte coulant eft très-expenfîble,
je lui foupçonne même , lorfqu'il eft fans mélange , une fluidité fupérieure
à celle du métal fondu.
S i i e s amoncelemens de cette finguliere & vraiment étonnante production
du feu, ont pris en fe refroidiilànt diverfes formes de cryftallifation,
fes ruiflèaux ont eu auflî leurs variétés accidentelles; on n'y voit,
il eft vrai , ni prifmes , ni tronçons de colonnes, mais les boules feuilletées
s'y trouvent communément; il y a des courans dont la furface, après
avoir été aflez conftamment liée , fe divife tout-à-coup en une infinité de
morceaux qui ne fententen rien la cafllire, mais qui prouvent par l'identité
Se la bizarrerie de leur forme, que la cryftallifation s'en eft mêlée.
L e profil entier d'un ruifleau de ce goût fubfifte au delTous du château
de Joncheres , fur la crête de la rive droite de Y Allier.
Du refte, j'ai trouvé au bord delà même riviere, vis-à-visLû/ig'o^rze,
une efpece de phénomene volcanique', qui prouve que les laves fondues
ne fortoient pas toutes par l'orifice des cráteres , mais qu'il s'en formoit
quelquefois des courans fouterreins ; c'eft l'extrémité d'un gros filon de
bafalte qui naît d'une ouverture faite au milieu d'un grand banc de
granit : un homme d'efprit a cru m'cmbarrafler beaucoup en me citanc
ce morceau-ci , pour preuve que le bafalte n'appartient en rien aux volcans,
mais il s'eft rangé à mon fentiment lorfque j"e lui ai fait remarquer :
1°. Que le rocher qui borde toute cette plage-ci , eft extrêmement
caverneux; en fécond lieu, qu'il eft dominé par le cratere du volcan
ú'Ardenne , qui eft à demi-lieue au deflus , en remontant vers Pradelles:
qu'eft-il donc arrivé ? pendant que les volcans étoient en aition , les
matieres fondues ont rencontré quelque ouverture fous l'aire de leur
foyer , qui fe prolongeoit jufqu'ici, 6c c'eft par là qu'elles fe font écoulées
; fi d'ailleurs le courant ne s'avance pas en deçà du rocher , on
doic
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doit l'attribuer à la riviere, qui dans de fortes inondations, Ta coupé
n e t , & en a emporté les débris.
Il eft indubitable que par-tout où il y aeu des matieres volcaniques en
fufion, il ne s'en foit échappé quelques petits ruiiTeaux dans l'intérieur
des terres ; les tremblemens que celles-ci éprouvoient fréquemment,
n'ont pu occafionner que bien des fentes dans les rochers où les laves
ardentes pénétroienC d'abord; iî chemin faifant, elles trouvoient quelque
canal tout formé, elles en fuivoienc lapente;i l eft probable quepour
l'ordinaire elles ont demeuré enfevelies fous terre , mais quelquefois
auffi elles ont eu le moyen de jaillir en plein air , alors fuivanc les loix
de l'hydroftatique , le jet a dû monter d'autant plus haut, que la fource
étoit plus élevée ; c'eft peut-être ici la véritable théorie de la formation
des rochers de Saint-Michel, de Polignac dans le creuxduPuy, de Goudec
de la Fare le long de la Loire.
C I N Q U I E M E LETTRE.
De Pradelles, le 20 novembre 177^.
L ' o b j e t volcanique de nos montagnes, le plus digne à mon gré 5c
de l'attention des phyficiens, & de la curiofité des amateurs du fpe£lacle
de la nature , eft le rocher d'Arlempde ; j'ai déjà obfervé dans la defcription
de l'état delà Loire dans nos cantons, que cette rivierey a fon
cours dans le roc vi f taillé à pic à une grande hauteur , &Cque les verfans
de la profonde vallée que le fleuve traverfe , ont ordinairement de parc
& d'autre 120, 150 toifes d'élévation.
, Cell du côté méridional de cette vallée, qu'un effroyable déluge de
bafalte en fufion vint autrefois fe précipiter dans ce vafte gouffre ; l'inondation
fut telle qu'il en réfulta une mafle de pierre que j'eftime ,
d'après le calcul le plus exaft qu'il ma été poiEble de faire , avoir eu
au moins 500000 toifes cubes de folidité j vous en jugerez par ce que je
vais dire : le vallon fut comblé à la hauteur de 65 toifes dans une longueur
de près de i o o pieds, & non feulement fes rives font afl'ez écartées, mais
celle au midi d'où les laves arrivent, fe renverfe fenfîblement & forme
un plan incliné d'une demi-lieue de long; il faut néceflàirement pafler fur
ce courant, £< pour vous donner une idée des commodités & des agrémetis
que vous offrira cette promenade , fi jamais vous la fai tes, je vous
préviens que dans le pays on l'appelle la defcente de Déferre Diable ;
le vallon ne fut pas feulement comblé , il fut encore hermétiquement
bouché , fi je puis m'exprimer ainfi ; la lave s'unit fi intimément à la
partie du roc oppofée à celui du côté duquel elle étoit venue, qu'on l'y
voit encore collée , comme un tableau fur une muraille, fans que l'infiltration
des eaux pluviales , ni les ailauts perpétuels que lui livre le
fleuve qui coule au pied , ayent pu encore en détacher , à ce qu'il paroît
, la moindre partie; cet objet-ci s'appelle le rocher du Duc. La
riviere fut donc totalement interceptée , & je ne fais trop en vérité
comment celle-cis'yeftprife depuis,pour renverfer la partie de cet épouvantable
môle , qui l'empêchoit de pafler outre ; les eaux s'accumulerent
elles en avant de cette nouvelle digue, au point de furpaflef
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