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CO DI S C O U R S S U R
1) cieiines; les riches champs de bled & les vignobles de la région Infë-
)) rieure, Si cette quantité étonnante de bellescoilinesqui fontaudefibusî)
Les cráteres de ces deux montagnes font beaucoup plus larges que
» celui du Véfuve. Ils font à préfent remplis par des forêts de chênes,
« &; revêtus, jufqu'à une grande profondeur, d'un fol très-fertile. J'ai
« remarqué que cette région de bois eft compofée de laves comme la
» premiere ; mais elle eft couverte de tant de terreau, qu'on ne la voie
» nulle part que dans les lits des torrens. L'eau l'a rongée en quelques
M endroits jufqu'à 50 ou 60 pieds , & même bien davantage. Quelle
» idée ce fait ne doit-il pas nous donner du nombre furprenant des
« éruptions de l'Etnaî
» Dès qu'il fut nuit, nous nous retirâmes dans notre caverne 8c nous
)} prîmes polTeifion de notre lit de feuilles. Le bruit provenant d'une
j) montagne affei loin à notre droite , troubla un peu notre repos. Elle
» vomiflbit des nuages immenfes de fumée , & nous entendions plu-
» lieurs exploiions auiH fortes que celles d'un gros canon : mais ce qu'il y
» a de iingulier , nous n'avons pu découvrir aucune apparence de feu.
» Cette montagne fut formée, i l y a plus de quatre ans,par l'éruption de
» 17ÓÓ ; & cependant le feu n'eft point encore éteint, &l a lave n'eft
)i pas refroidie. Cette lave vint inonder une belle forêt, qu'elle ravagea
j) dans l'efpace dequelques milles; elle creufa des ravins profonds; Se on
» nous dit qu'elle les a comblés jufqu'à la hauteur de 200 pieds : c'eft-
» là où elle conferve la plus grande chaleur. Aujourd'hui nous avons
î) grimpé fur cette lave , & fa furface paroît entièrement froide ; mais
» il eft fur qu'en pluiieurs endroits elle exhale encore beaucoup de fumée,
J) &leshabitansañurent qu'où la lave eft très-épaiiTe , il en arrive tou-
3) jours de même pendant quelquesannées, ce que je fuis fortdifpoféà
» croire ; un corpsfolide de feufi épais Sciî étendu, doit conferver fa cha-
)> leur un grand nombre d'années ; la furface fe noircit & fe durcit bien-
1) tôt, 6c enferme le feu liquide en dedans, dans une efpece de boîte
» qui écarte toutes les iraprellions de l'air extérieur Sc du temps. C'eft
» ainii que j'ai vu , pluiieurs mois après les éruptions du Véfuve , une
» couche légere de lave de quelques pieds , qui refta rouge au centre
» long-temps après que la furface fut refroidie; 8cen plongeant un bâ-
» ton dans fes crevafles , il prenoit feu à l'inftant, quoiqu'il n'y eût au
3) dehors aucune apparence de chaleur.
LETTRE X. Suite du Voyage au Mont Etna.
A Catane le 29 Mai au foir;
)) APRÈS avoir aflezbien dormifur notre lit defeuilles dansla caverne
n des chevres, nous nous éveillâmes à onie heures; nous fondîmes de la
J) neige, nous fimes du thé, &Cnous prîmes un bon repas pournous prépa-
» rer au refte de notre expédition: nous étions au nombre de neuf ; car
« nous avions trois domeftiques, le Cyclope notre condufteur, 8cdeux
» hommes chargés de prendre foin de nos mules.
» Le Cyclope commençoit à développer fes connoiifances, 8c nous
» les fuivions aveuglément ; il nous menoit fur des antres 8c des déil
ferts fauvages, où jamais aucun mortel n'eft venu ; quelquefois à
» travers
l e s v o l c a n s b r u l a n s . et
J, travers des forêts ténébreufes, agréables aux voyageurs pendant le
„ jour mais qui alors nous infpiroient une efpece d'horreur qu'ac-
„ croiflbient encore les cliquetis des arbres, les mugiflemens fourds &
„ profonds de l'Etna , 8c la vafte étendue de la mer qui fe prolongeoit
„ à une diftance immenfe au deflbus de nous. Nous grnnpions fouvent
„ fur de grands rochers de lave, expofés à tomber dans des précipices ,
„ fi nos mules avoient fait feulement un faux pas. Cependant à l'aitle
„ du Cyclope , nous furmontâmestoutes ces difficultés; 8c il nous guida
,) fi bien , que dans l'efpace de deux heures nous nous trouvâmes au defw
fus de la région où croifl'ent les végétaux, laiflant fort loin derriere
„ nous les forêts de l'Etna: elles reffemblóient alors à un gouffre obfcur
ij 8c fombre, ouvert fous nos pieds tout au tour de la montagne.
J) L'afpeft qui fe préfentoit devant nous étoit très-différent. Nous
voyions de grandes plages de neige 8c de glace qui nous alarmoient 6c
» faifoient chanceler notre réfolution. Nous appercevions au centre, 8c
„ toujours fort loin , le fommet de la montagne qui élevoit fa tête
» effrayante Scvomilfoit des torrens de fumée. A voir cette vafte éten-
,) due de neige 8c de glace, nous la croyions entièrement inaccelfible.
,) Nos craintes augmentèrent encore lorfque le Cyclope nous dit qu'il
» arrivoit fouvent que la furface de l'Etna étant chaude au delTous ,
» fondoit la neige à certains endroits particuliers, 8c formoit des lacs
„ d'eau aux environs ; qu'il étoit impolfible de prévoir le danger qu'on
„ courroit alors ; que d'ailleurs la furface de l'eau 8c de la neige eft quel-
,, quefois couverte de cendres noires; qu'on peut fe trouver au milieu
,) fans s'en appercevoir ; que cependant, fi nous le jugions à propos , il
» nous conduiroit avec toutes les précautions poflibles. Nous tînmes
,) confeil fur cette matiere, ainfi qu'on le fait toutes les fois qu'on efl:
» fort effrayé. Nous renvoyâmes nos mules en basdans la forêt, 8c nous
J, nous difpofâmes à grimper fur les neiges. „ , . .
» LeCyclope,aprèsavoirbubeaucoupd'eau-de-vie,nousfouliaitabeau-
,, coup de courage 8c de gaieté, en ajoutant que nous avions aflex de
» temps 8cque nous pouvions nous repoferlorfque nous en aurions befoin ;
)) que la neige occupoit encore un efpace d'un peu plus de 7 milles , Sc
,) que fûrement nous viendrions à bout de les faire avant le lever du fo-
,) leil. Nous prîmes chacun un verre de liqueur , 8c nous nous mîmes
» en marche. La montée , pendant quelque temps , ne fut pas rapide;
» 8c comme la furface de la neige étoit un peu dure , le pied s'y po-
), foit allez bien ; mais dès qu'elle devint plus efcarpée , la route fut
„ plus difficile. Cependant nous réfolûmes deperfévérer dans notre ten-
), tative, en nous rappellant, au milieu de nos fatigues,que l'empereur
,) Adrien 8c le philofophe Platon les elTuyerent jadis,comme nous, pour
» voir du fommet de l'Etna le lever du foleil. _
>1 Après avoir enduré des peines incroyables , qui pourtant etoient
» mêlées de beaucoup de plaifir, nous arrivâmes avant le crépufcule
» auprès des ruines d'un ancien bâtiment, appellé d torre del philojon
pho. Quelques auteurs fuppofent qu'il fut érigé par Empedocle , qui
» y choifît fon habitation pour mieux étudier la nature du mont Etna ;
1, d'autres penfent que ce font les ruines d'un temple de Vulcam qui,
,) comme chacun fait, avoit dans cette montagne fo^attelier, ou U
philofopiie.
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