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» neau de pipe. Je fis le tour de ibii bord extérieur, & je crois qu'il a
» un peu plus d'un mille.
n Cette montagne qui eft très-ancienne , a été créée par la premiere
» éruption qui détruifit le pays de MeLPaJJy ; elle enterra un grand
» nombre de villages, de maifons de campagne , & en particulier deux
)) fort belles églifes qui font plus regrettées que tout le refte, parce
» qu'elles contenoient trois ftatues qui paflbientpourlesplus parfaites
» de l'ille. On a entrepris de les retrouver, mais en vain, parce qu'on
» ne fait pas précifément l'endroit où les églifes étoient fituées. Il eft
» même impoiEble qu'on puifl'e jamais le favoir; car ces édifices étoienc
» conftruits de lave qui fe fond à l'inftant où elle touche un torrent de
» matiere nouvellement fortie du volcan; & Maflk dit que la lave de
» l'Etna s'eil répandue quelquefois avec une impétuofité fi fubite, que
» dans le cours de quelques heures elle fondit entièrement les églifes,
» les palais & les villages , & que tous ces corps roulerent en fufion|
» fans laiffer la moindre trace de leur premiere exiftence : lorfque la
» lave a un temps confidérable pour fe refroidir, ce fingulier effet n'ar-
» rive jamais.
» Lagrande éruption de 1669, après avoir ébranlé tout le pays des
» environs pendant quatre mois, & formé une très-grofl'e montagne de
» pierres Se de cendres, fitéclaterlalave àpeu-près àun mille au deflijsde
3) Montpellieri, &c defcendant comme un torrent, elle vintfrapper con-
» tre le milieu de cette colline : on prétend qu'elle la perça de part en
» part; cependant je doute de ce dernier fait, parce que cela auroit al-
)) téré la forme reguliere qu'elle conferve encore ; mais il eft für qu'elle
» la troua à une très-grande profondeur; elle fe partagea enfuite en
» deux branches qui environnèrent la montagne, & fe rejoignirent fur
» fon côté méridional; elle ravagera tout le pays qui eft entre Mont-
» pellieri & Catane , efcalada les murailles de cette ville & verfa fon
» torrent enflammé dans lamer. On dit qu'elle détruifit en fon chemin
» les pofleffions de près de trente mille perfonnes qui par-là furent ré-
» duites à la mendicité; elle forma plufieurs collines., où il yavoit au-
1> paravant des vallées, & combla un lac étendu & profond, dont oa
» n'apperçoit pas aujourd'hui le moindre veftige.
» En examinant la bouche d'où fortit ce terrible torrent, nous avons
» été furpris de n'y trouver qu'un petit trou d'environ trois ou quatre
1) verges de diametre; je crois que la montagne fur laquelle s'eft faite
i> 1 iflue , n'eft guere moindre que la partie conique du Véfuve
» Recupero nous avoit donné pour guide l'homme de l'ille qui con".
» nojt mieux le mont Etna, & qui s'appelle le Cyclope : nous partîmes
» de Nicolofi, & dans une heure & demie de marchefurdescendres 8c
» delalaveftériles,nousarrivâmesauxconfinsdelareg;OT£y?ivoyi, ou de
.1 la zone tempérée.Dèsquenous fûmes dans cesbelles forêts , nous nous
» crûmes tranfportés dans un autre monde. L ' a i r qui brûloit aupara-
» vant étoit alors rafraîchiffant & doux, & toutes les routes étoient
» embaumées de mille parfum s qu'exhalent les riches plantes aromatiques
>> dont le terrein eft parfemé. L a plus grande partie de cette région
» offre les lieux les plus enchanteurs de la terre ; & fi l'intérieur de
"Ceikit mériterolr d'écrç un peu mieuï conflati.
L E S VOLCANS BRULANS.
» l'Etna reffemble à l'enfer , on peut dire avec autant de vérité que 5l9e
n dehors rellémble au paradis.
Vous obferverez que cette montagne réunit toutes les beautés &
,, toutes les horreurs, & les objets les plus oppofés 8c les plus difpa-
)) rates de la nature. Ici vous appercevei un gouffre qui vomiflbit au-
.1 trefois des tbrrens de feu 8c de fumée , 8c qui eft à préfent couvert
.. de la végétation la plus abondante : là vous cueillez, le fruit le plus
» délicieux, fur un terrein qui n'étoit jadis qu'un rocher noir 8c ftérile.
» En cet endroit le fol eft revêtu de fleurs de toutes les efpeces ; 8c
» nous jouiflions de ce fpedacle , fans penfer que l'enfer écoit immé-
11 diatement fous nos pieds , & qu'entre nous 8c des mers de feu, iln'y
)i avoit que quelques toifes d'intervalle.
» Mais notre étonnement s'accrut encore en jetant les yeux fur la
» région la plus élevée de la montagne. Nous y voyions réunis deux élé-
» mens qui font continuellement en guerre j un gouffre iniinenre de
). feu qui exifte pour jamais au milieu des neiges qu'il ne peut pas ve-
» nir à bout de fondre , 8c des champs immenfes de neiges 8c de gla-
)) ces qui environnent fans ceffe cet océan de feu qu'elles n'ont pas
>I la force d'éteindre. La région de bois de l'Etna occupe un efpace l,,î,io, a.
» d'environ 8 ou 9 milles de hauteur, 8c elle forme , tout au tour de la
)) montagne , une zone ou ceinture du plus beau verd qu'il foit poftible
» d'imaginer. Nous en avions traverfé un peu plus de la moitié quel-
J> que temps avant le coucher du foleil, & nous arrivâmes à une grande
» caverne formée par une des laves les plus anciennes , qui nous a
» fervi de gîte : elle eft appellée la fpdonca del capriole, la caverne
j> des chevres , parce qu'elle eft fréquentée par ces animaux qui vien-
» nent s'y réfugier dans les mauvais temps. Nous jouiflions ici du ra-
» vifl'ant fpeftacle d'une multitude d'objets pleins de grandeur 8c de
» majefté. La vue de tous côtés eft immenfe, 8c il nous fembloit déjà
» que nous étions élevés au deffus de la terre, 8c que nous habitions fur
w un nouveau globe.
)i Cette caverne eft entourée de chênes antiques 8c refpeaables, dont
» les feuilles feches nous fervirent de lits ; 8c avec les haches que nous
» avions apportées à deflein , nous coupâmes de greffes branches de
» bois , 8c dans peu nous eûmes très-grand feu. Mon thermometre qui
)i étoit à 71 degrés à Nicolofi, defcendit à 6 0 , 8c le barometre à 24
» pouces 2 lignes. Nous trouvâmes à une extrémité de la caverne, une
>) prodigieufe quantité de neige , qui fembloit y avoir été mife exprès
>1 pour nous , car nous allions manquer d'eau : nous en remplîmes nos
1> théieres; nous n'eûmes pour notre fouper que du thé , du pain 8c du
11 beurre ; 8c c'eft probablement le meilleur repas que nous puiffions
» faire pour ne pas fuccomber fous le poids du fommeil 8c de la fatigue.
» Affez près de cette caverne, on voit deux des plus belles montagnes
•» qu'ait enfanté l'Etna. J'ai monté une bonne mule, 8c c'eft avec beau-
» coup de peine que je fuis arrivé au fommet de la plus élevée, préci-
» fément à l'inftant du coucher du foleil. L'afped de la mer de la
1) Sicile 8c des ifles des environs , formoit un coup d'oeil merveilleux.
» Pour achever de rendre la fceneplus romanefque, j'appercevois tout
11 le cours du Symoethus.les ruines d'HyblaScplufieurs autres villes ancahpzfrpioeUlt.
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