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Vc quelle maniereß forme la Fouiiolane.
XK pouzzolane doit en général fon origine aux dëbris graveleux de
l a lave poreufe ; ce n'eft point une cendre 5 les volcans qui ne iauroieiit
être comparés aux incendies ordinaires , ne laiflent point après eux,
comme les matieres végétales ou animales, des traces de cendres : ]e
fais cependant qu'on ell en ufage de donner le nom de cendres aux
matieres brûlées & réduites en pouiîiere, élancées dans les airs par les
explofions des volcans , auffi-bien qu'aux laves décompofées reduites en
poudre fine ; mais depuis qu'on commence à voir avec des yeux^plus
attentifs, & qu'on apporte plus d'exaditude & de méthode dans 1 etude
de i'hiftoire naturelle, nous devons , en réformant des idees trompeules,
réformer aufli les mots qui fervoient à les exprimer & qui perpétuoienc
par là nos erreurs. • 1 » -i
Il n'y a point de véritables cendres dans les volcans, je le répété j il
n'y exifte abfolument que la matiere de la lave cuite recuite , calcínele
, réduite ou en fcorie graveleufe, ou en poufliere fine 5 ce que Vitruve
a très-bien rendu par ptniius ignis & jiammoe vapor per intervenía
permanens & ardens efficit levem earn terram & ibi qui nafciiur tophus ,
exusens eft & fine liquore. . ,
Je vois dans Dion 8c dans quelques autres auteurs anciens, qu ils
n'emploient jamais le mot cinis pour défîgner les matieres volcaniques
en poufliere ; ils fe fervent conftamment du terme de pitlvis qui elt beaucoup
plus convenable : mais comment imaginer que des nuages de pouifiere,
élevés dans les airs, portés enfuite à plufieurs l ieues, &tonjbanC
en forme de pluie , ne foientpas des cendres, tandis que cette poufliere
en a la couleur, & contient même quelquefois, comme nos cendres
ordinaires, des fubflances falines. • ' -
Je vais tâcher de répondre à cette objeÛion en bazardant rapidement
quelques idées fur la théorie de la lave réduite en poufliere , particulièrement
fur celle qui eft portée dans les airs & qu'on nomme cendre.
Les perfonnes qui obfervent les volcans avec attention n'ignorenc
pas que pendant le temps d'une forte éruption, on voit s'élever dans l'air
des quantités prodigieufes de laves poreufes, d'écumes, de pierres-ponces
ietées au loin par les explofions j mais la diredion de ces matieres etanc
verticale, une partie retombe ordinairement dans la bouche ou dans
les environs de l'entonnoir : c'eft ici un énorme canon chargé à mitraille,
qui ne difcontinue pas de tirer j qu'on me pafle cette foible comparaison.
I l doit donc fe former néceflairement des entaflemens immenies de Icories
^ q u i , retombant fans cefle fur elles-mêmes, & éprouvant l'adion
alternative & continue de l'air & du feu, doivent éclater, fe heurter,
f e divifer, fe réduire en fable ; d'autre part, les fumées acides & iulphureufes
exerçant en même-temps toute leur aûion contre ces meme.s
corps , íes at taquent , les minent, les décompofent, les pulvenfent : il
• Ml fe fonne quelquefois des monticule, dans Pin- lement pendant Firuption ^^ 1767. q ^ î Û ^ W
tárieurméme des «atetes. Leí? décembre 1766, cette Eminence formée par des entaííemcns de laves
M. Hamilton en obferva un qui ne s'¿Iévoit pas au- poreufes, av
delTus des bords de la bouche ; mais il augmenta tel-
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fe forme alors des entaflemens qui comblent pour quelques temps une
partie du gouffre enflammé : le feu ralenti & comme étouffé n'en devient
que plus formidable il.réunit toutes fes forces , ébranle la montagne ,
rompt fes barrieres , fe développe en exploflon, & fe débarraffant avec
fracas de ces monceaux de matieres réduits en poudre, les élevé dans
le plus haut des air^ où ils. obfcurcifl^ent fouvent la lumiere & vont retomber
au loin difperfés par le fouffle des vents ^
Il arrive quelquefois que des matieres alkalines fe fublimen't dans les
cráteres des volcans ; l'acide fulphureux peut aufli s'y combiner avec
le fel marin qu'entraînent les eaux de la mer quis'ouvrent, dans certaines
circonfl:ances,des paflages parmi les matieres enflammées : il arrive alors
que les matieres volcaniques en poufliere contiennent quelques principes
falins D'autres fois le feu après avoir réduit la lave en fcorie ,
la vitrifie totalement &. la divife en filets capillaires ; on a un exemple
de cela dans le volcan de l'île de Bourbon, qui , en 1766 , fit une explofion
qui couvrit la terre, dans un endroit nommé VEtangfalé^ à fix lieues
du volcan , d'un verre capillaire , jaunâtre & brillant, en filamens minces
& flexibles où l'on voyoit de diftance en diftance de petits globules
vitreux.
Je n'entre dans tous ces détails que pour faire voir que loin de trouver
ici une matiere de la nature des cendres, on n'y voit au contraire qu'une
poufliere produite par une lave plus ou moins calcinée , plus ou moins
divifée , quelquefois même convertie en un verre foyeux que l'air eleve.
& fait retomber en filamens.
Ceci n'eft point étranger à notre fujet, & nous ramene naturellemenc
à la maniere dont peuvent fe former pluiieurs pouzzolanes : c'eft ea
obfervant avec beaucoup d'attention cette fubftance dans les différens endroits
où on la trouve, & en examinant les différentes pofitions qu'elle
occupe fur les lieux , qu'on peut conclure que la nature emploie plufieurs
moyens pour convertir les laves en pouzzolane : je crois qu'on peut réduire
les principaux aux fuivans. Leslaves poreufes fe réduifant en fable
ou fe divifant en poufliere parles divers frottemens qu'elles éprouvent
dans le cratere , ou fubifl'ant une calcination foutenue & fans fuflon, deviennent
friables, & forment une excellente pouzzolane ; leur couleur
» On trouve dans prefque toutes les relations des
éruptions du V^fttve quo la pouiTierc volcanique a été
à des diftances étonnantes"; JDion aiTure que pendant
l'éruption qu'on éprouva ibus Ti t e , iaiiw^/airpii/w'j
uf ab eo loco in Africam & Symm & jEgyptum
penftraw/r.FrancefcoSotrataSpinola Galateo, dit
que le 16 décembre 1631, le jour d'une grande éruption
du Véfuve , la poufliere tomboit comme une
pluie malgré le temps calme , à Lecce, éloigné de
neufpurnéesdelà montagne, que ie ciel en étoit
obfcurci & que la terre en fut couverte de trois lignes :
que ce même jour, une pouiTiete d'une autre qualité
tomba à Baii , cc qui alarma les habitans qui ne
povivoienc tien concevoir ì ce phénomène. Buiifon
nous apprend des chofes étonnantes à ce fujoc ; mais
comme tous ces détails peuvent être exagérés, entendons
M. le chevalier Hamilton nous dite : " quelques
»> gens dignes de toi m'oncaiTuré qu'ils ont été témoins
n de la chiite des cendres pendant une eruption, à une
» difiance, de plus de deux cents milles du Véfuve.
» L'abbé Giulio Cefare Braci ni, dans fa relation de l'é-
» ruptiondu Véfuve en 1631, dit que la hauteur de la
j> colonne de fumée & de cendre prife de Naples par
» le quart de cercle, étoit au-delà de 30 milles.
n Quoique des calculs fi incertains méritent peu d'ac-
. » tention , je fuis néanmoins convaincu , par ce que
») i'airemarquémoi-méme.quedansdesgrandeséfup-«
» tions les cendres s'élevent à une hauteur telle,
« qu'elles peuvent rencontrer des caraderes d'air
» extraordinaires qui expliquent affkz bien les longs
« trajets qu'elles ont faits en fi peu d'heures. •> Obfervations
fur les volcans des deux-Siciles, par M. le chep
l i e r Hamilton, volume de difcours, pages 28 5c
i> On lit dans plufieurs auteurs qui ont donné des
détails fur l'cruption du Véfuve de ¡660, qu'il tomba
une poulTiere qui avoit la forme de croix , ce qui foc
regardé comme un prodige. Kircher, quoique fore
crédule & amateur du mervcilleus, donne cependant
une aflez bonne explication de ce phenomena
dans un traité parnculicr, intitulé deprodigiojis crucihus,
Rome, 1661. I! dit que cette efpece de
poufliere qui tomba depuis le 16 avril jufqu'au 15 ocr
cobre, étoit imprégnée d'un foufre nitreux.
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