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Mais ce qu'il y a ici de plus digne de remarque, ce font les ovales
feuilletés ; il y en a de toutes les grandeurs , depuis l o pouces jufques à
10 pieds de diamecre. Les uns font noyés dans les laves, ôc les autres
entièrement dégagés. Ceux-ci font à plufieurs couches très-preflees ,
ceux-là n'ont que quelques rangs circulaires, mais leurs feuilles découpées
en fer de hâche, deviennent non feulement plus larges & plus épaifles
à mefure qu'elles s'éloignent du centre , mais elles s'écartent encore
très-feniîblement les unes des autres. Si jamais vous venez ici , vous
verrez une nionilri^fîté de cette derniere elpece, que vous jugerez fans
doute digne du burin. Figurez-vous une maniéré d'artichaux d'un volume
immenfe , coupé tranfvesfalement, & dont la moitié reliante feroit enfoncée
en terre par la queue. Tel eft le morceau dont je parle j il eft à
iix rangs de feuillets, & a environ 50 pieds de circonférence. Vous le
trouverez fur la coupe perpendiculaire de la terrafle qui domine furies
Fangeres
L a fécondé ligne que je viens reprendre à Beauregard, en m'élevant
de izo toifes des bords de VAllier, où eft Joncheres , jufqu'au niveau
de Pejyre-Baille y renferme les volcans fuivansj Beauregard, Montlor ,
le calvaire du Coucourou, la Fay et ce, Saint-Paul de Tart as, la f^ioleite^
Montchault, le rocher de VHermitage de Pradelle , la Fagetie , les lafernets
, la Mouteyre , Ribens, Landos. Je reviendrai fur quelques-uns"
de ceux-ci & des fuivans dans mes obfervacions générales fur nos volcans.-
L a troiiîeme comprendlaRouffille fous Saint-PauUde-Tartas, Pigeres
le long..du ruifleau de la Me ]ane, Mont-Bel, Mortejagnes, le Monte il,
Saint-Arcons , Barges, le f^ilar, Coulons.
Me voici à ma 4®. ligne 3 les objets volcaniques y deviennent infiniment
intéreflàns, & après ceux qu'étale le creux du Puy, il n'en eft pas dans ce
paysquinieparoiliënt plus dignes d'attention que ceux qu'elle renferme j
la plupart fe trouvent dans le lit même de la loire, & ce ne fera pas,
je penfe , fortir de mon fujet que de vous faire une courte defcription
de l'état de ce fleuve fur nos montagnes. Il prend fa fource au Gerbier^
des-Joncs j c'eft un pic ifolé, peu diftant du Mei{enc qu'il égale prefque
en hauteur & qui eft tout formé de laves & de rochers calcinés. Dégagé
de deflbus ces maiTes brûlées & un peu en deçà du Rioutor, le
voilà enfeveli dans uneprofonde tranchée qu'ils'eft pratiquée lui-même
à travers le rocher le plus dur, 6c dont il ne fort plus dans un cours de
10 ou 12 lieues.
Tantôt guindé fur les hauteurs, tantôt rampant le long des revers,
quelquefois marchant au bord de l'eau, je ne pouvois me lafler de contempler
la profondeur étonnante du lit de cette riviere. Elle eft bordée
des deux côtés de montagnes de granit de 120 , de 150 & 140 toifes de
haut jces montagnes commencent à s'écarter vers le inilieuou les deux
t i e p de leurhauteur, mais delà en enbas elles étalent un parement de roc
u n i , contigu , & qui femble avoir été taillé à pic. Il faut obferverque
ce n'eft pas la Loire feule qui marche ici dans un encaiflement de ce
g o û t , VAllier en fait autant de fon côté j ce qu'il y a de plus incompxéhenfîble
, c'eft que de miférables ruilîeaux tels que la Mejane ,
Langognole ,
« J'ai parlé de cet ¿trange morceau dans mon mi- mais il prie fantaific à M. Dagoty de difparoirre avec
moire fur le bsfalre , page 155. Jel'avois fait def- mondsiToin; je n'ai plus vu ri l'un ni faiicre. & les
finer avec foin , dans l'intencion de le faire graver, neiges m'onc empcché de retourner fur les lieux.
L E T T R E S . i8î
Langognole, qui n'ont pas conftamment plus de 2 pieds cubes,& qui depuis
leur fource jufqu'àleur embouchûre, ne courent au plus que deux
lieues de pays, n'ont pas laifle quede s'ouvrir dans le roc v i f des paiFages
prefqu'auflî larges & aulfi profonds que la Loire, qui les reçoit dans
fon íein , a pu le faire elle-même.
Je n'étois pas moins frappé d'autre part de l'horreur profonde & de
l'éternel filence qui regne tout le long de ces gorges affreufes. Ces
bords il rians fi fréquentés de la Loire dans la Bretagne , ne fonc
dans tout le haut Vivarais que d'effrayantes folitudes où l'on peut
pafler plufieurs heures de fuite fans voir un être vivant, de quelque efpece
qu'il foit, fans entendre d'autres ramages que le croaflement des corneilles
ou les cris perçans des oifeaux de proye , d'autre bruit que celui
des eaux qui fe brifent avec violence contre les mafles de rochers qui
y font tombées, & qui vous avertiflenfà chaque pas du danger qui
vous menace. C'eft beaucoup fi après avoir parcouru ces triftes rivages
pendant une ou deux heures de chemin j vous pouvez enfin mettre le
pied fur une greve qui ne foit pas hérifiee de rochers, ou repofer à l'ombre
de quelque fapin , fur un très-petit plateau de verdure. Du refte
nulle ifilje pour échapper de ces lieux fauvages en cas de fâcheufes rencontres.
Flanqués des deux côtés d'un mur de roc d'une hauteur à perte
de vue &. d'une longueur qui ne finit plus, il faut d'ordinaire marcher
long-temps en avançant ou en rétrogradant, pour pouvoir fe dégager.
L'embarras augmente lorfque les eaux ayant grofiî , on parvient
à des endroits où il n'y a plus de pafiage entr'elles & le rocher. On
peut recourir, il eft vrai, en ce cas, à des nacelles qui fe trouvent de
loin en loin au bord du fleuve , mais c'eft un grand hafard fi après
avoir fait retentir de vos clameurs réitérées tous les échos renfermés
dans ces vaftes finuofités, vous voyez enfin fortir de quelque antre voifin
un homme armé d'une longue perche ferrée , & dont î'afpeil hideux
vous fait craindre de n'avoir plutôt appellé un afiaflin pour vous tuer ,
qu'un pilote pour vous conduire fur l'autre bord de l'eau. On la paiTe fur
un bateau qui , chargé de cinq perfonnes, en auroit une de trop,- ce font
là les plus grands bâcimens qui puiilent flotter ici fur le même fleuve
qui à Nantes reçoit dans fon fein les vaifleaux chargés des richefies de
l'un l'autre hémifphere ; ce qu'il fait de mieux dans ces cantons, c'eft
de nourrir dans fes eaux limpides au fuprême degré , beaucoup de
truites , d"ombres-chevalier , Scde tacons ; ce fonttous d'excellens poif.
fons, mais le tacon eft le meilleur j je doute qu'il fe trouve en France
ailleurs qu'ici. L'océan nous envoyoit , il n'y a que peu d'années, par
le moyen de la Loire Se de l'Allier qui communiquent enfemble , des
faumons en quantité j ces poiflbns venoient dans la faifon du fond des
mers fe faire prendre jufques dans les canaux d'arrofage des prairies
de nos montagnes j aujourd'hui tout accès dans nos contrées leur eft
fermé, des digues d'une conftruñion nouvelle, & infurmontables à leur
agilité, les arrêtent au pont du Château en Auvergne , & à Serverettes
dans le Velay, & c'eft fort inutilement qu'on gémit ici de fe voir privd.
par arrêt, d'un avantage dont on avoit joui dans tous les temps, qu'on •••
tenoit des mains feules de la nature , & dont la confervation fembloic
tenir efientiellement au maintien du droit public.
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