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M mée ou comme un nuage. Bien-tôt après parat i e jour &.Ie folcii même,
)) jaunâtre pourtant , & tel qu'il a coutume de luiie dans une éciipfe.
» Tout fe niontroit changé à nos yeux troublés encore , &C nous ne
» trouvions rien qui ne fût caché fous des monceaux de cendres comme
M fous de la neige. On retourne à Mifene. Chacun s'y rétablit de fou
» mieux, &nous ypailbns une nuit fort partagée entre la crainte &
» l'efpérance , mais où la crainte eut la meilleure part; cari e tremble-
» ment de terre continuoit. O n ne voyoit que gens e f f rayé s , entreteni r
» leur crainte & celle des autres par de fin iftr e s p r é d i r i o n s . Il ne nous
» vint pourtant aucune penfée de nous retirer, jufqu'à ce que'nous
i> euffions eu des nouvelles de mon oncle, quoique nous fuflions encore
}) dans l'attente d'un péril ii effroyable , & que nous avions vu de ii
» près. Vous ne lirez pas ceci pour l 'écrire, car il ne mérite pas d'en-
» trerdans votre hiftoire ; & vous n'imputerez qu'à vous même qui
» l'avez exigé , lì vous n'y trouvez rien qui foit digne même d'une
» lettre. Adieu. »
I l ei l à propos de placer ici, après la narration fî intéreifante de Pl ine ,
l e s deux defcriptions faites par témoins oculaires de la formation de
Monte Nuovo : les détails en font iî c irconf tanciés, que ces deux pieces
f o n t extrêmement précieufes , & quelles donnent les p lus grands éclairciflèmens
fur la plupart des phénomènes des volcans ; c'eft pourquoi je
m'emprefle de les joindre ici , quoiqu'elles foient étrangères auVéfuve.
O n doit ces deux relations à M. Hamiltonrje me fers de la traduftion
q u ' e n a donné M. le Baron de D i e t r i ch, dans fescommentaires furies
l e t t r e s de M. Ferber.
EXTRAIT d'une relation de Véruption qui a produit le monte Nuovo,
ayant pour titre : Del l ' incendio di Pozzuol o 3 MARCO ANTONIO delli
F a l c o n i all' illuftriffima Signora marchefa della PjDVLA nel .
» J e commencerai par raconter fidellement & avec naïveté , les
» effets de la nature, dont j'ai été témoin oculaire, & dont j'ai été
» inftruit par ceux qui ont joui du même fpeéiacle.
» Il y a maintenant deux ans que Naples , Pounole & les environs
» reffentent fréquemment des tremblemens de terre. On y effuya au-
)) delà de v ingt fecouffes , fortes & foibles, la nuit qui précéda l'érup-
» tion; le jour même qu'elle commença, le 29feptembre 1558, jour
» de la St. Michel , juftement un dimanche,une heure après le coucher
» du foleil, on apperçut, fuivant les avis qu'on m'a donnés, des flam-
» mes entre les bains chauds ou étuves & Tripergola ; elles fe mon-
» trerent premièrement auprès des bains, s'étendirent enfuite vers
» Tripergola^ & fe fixèrent dans le petit vallon qui conduit au lac
» d'Averne & aux bains , & qui eft fîtué entre le monte Barbara & la
)) colline del Pericolo-, le feu y fit en peu de temps de tels progrès ,
)) que la terre s'entr'ouvrit en cet endroit j il en fortit une fi grande
» quantité de cendres & de pierres ponces mêlées d'eau, que toute la
» contrée en fut couverte. A Naples même il tomba pendant une grande
» partie de la nuit une très-forte pluie de cendres mêlées d'eau. Elle
» continua le lendemain matin lundi dernier du mo i s , & ne cefl a pomt
)) de
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» de toute la journée; elle couvrit les maifons des habitans de Pouz-
}) zole, qui furent tellement effrayés de ce terrible afpeft, qu'ils
» abandonnèrent leurs foyers; ils fuyoient l a mor t , la terreur dans les
» yeux : les uns avoient leurs enfans dans leurs bras ; les autres portoienc
)) des facs remplis de leurs effets : là on conduifoit des ânes à Naples,
» chargés de familles entieres faifies de terreur; ici on tranfportoitune
» quantité d'oifeaux de toute efpece , qui étoient tombés morts au com-
» mencement de l'éruption; ailleurs on portoit des poiffons qu'on
j) trouvoit en grand nombre fur le rivage de la mer qui é toi t à fee fur
» un elpace confidérable.
» Don Pedro di Toledo, vice - roi de Naples, accompagné de beau-
)) coup defeigneurs, fe rendit fur les lieux pour coniîdérer cette ter-
» rible apparition. J'enfis autant , &jerencontrail'incomparableS'/^/zor
}) Fabrici Moramaldo ; nous voulions tous examiner la multitude des
» effets prodigieux de la nature. D u côté de Baja la mer s'étoit retirée
« affez loin, &paroiiIbit avoir été entièrement defféchée par la quan-
» tité de cendres & de pierres-ponces brifées , qui avoitfnt été vomies
)) pendant l'éruption. Je vis dans des ruines nouvellement découvertes
» deux fontaines ; l'une jailliffoit devant la mai fon de la reine , en eaux
» chaudes & falées ; l'autre vomiffoit une eau froide ÔC douce fur le
» rivage, environ 250 pas plus près de la place de l'éruption.
» Quelques perfonnes prétendent qu'à une plus grande proximité de
» cet endroit, il s'étoit formé un pet i t torrent d'eau fraîche. Des mon-
» tagnes d'une fumée en partie noire 6c en partie très-blanche , s'éle-
» voient du gouffre à une très-grande hauteur; du mi l ieu de cette fumée
M s'élançoient quelquefois des flammes foncées, accompagnées de pier^
» res énormes & d e cendres. L e bruit qu'on entendoit en même temps,
» égaloit la décharge d'un grand nombre de groffes armes. Je crus que
» Tiphée &C Enc e l ade avoient quitté Ifchia & l'Etna^ avec un nombre
» infini de géans, ou avec les habitans des champs Phlégréens ( qui,
» felon l'opinion de quelques-uns, étoient fitués dans ces environs ) ,
» pour recommencer la guerre avec Jupiter. Les naturaliftes peuvent
» avancer, avec vraifemblance , que les poètes ont voulu indiquer par
» les géans, les vapeurs renfermées dans les entrailles de la terre ; lef-
M quelles ne trouvant pas une libre iffue , s'en ouvroient une par leur
3> propre force, en élevant des montagnes, comme on l'a vu lors de cette
3) éruption. Il me fembloit voir ces torrens de fumée ardente que
5> Pindarenous décrit avant l 'éruption de l'Etna^ en S i c i l e , aujourd'hui
î> le mont Gibel, & que quelques-uns croient que Virgile a imité dans
» les lignes fuivantes :
jj Ipfe, fedhornficls f juxta tonat M ma ruinis &c. »
» Le choc du feu & la puiffance des vapeurs remplies d'air qu'on
w obferve dans une grande chaudiere bouillante , éleverent les pierres
» & les cendres jufques dans la moyenne région de l'air.
» Quand la v iolence du choc étoit amortie par la grande diftance,
)) Ôc que ces corps trouvoient dans la hauteur un air vif & froid qui
)) leurréfiftoit,ilsretomboient vaincus par leur propre poids, d'une force
» proportionnée à leur é loignement du gouffre ; de nouvelles pierres 6c
» cendres furent foul evé e s avec autant de fumée & d e fracas; lefeure-.
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