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M É M O I R E
S U R LE BASALTE
E T LES D I F F É R E N T E S ESPECES DE LAVES.
' E S T ici fans contredit la partie la plus diiEciie de mon
ouvrage 5 j e pourrois dire la plus neuve , celle qui m'a
coûté le plus de travail, & qui, malgré toute l'attention
que j'y ai apportée, efluiera probablement de grandes critiques
; je dois m'y attendre. L'étude des matieres que
rejettent les montagnes ardentes, eft nouvelle j on commence
feulement à s'y appliquer avec attention , Ôc c'eft
depuis peu que les idées fe font échauffées fur des objets aulTi intéreffans
&: qui tiennent de ii près aux grands accidens de la nature.
Je vais expofer, à l'occafion du bafalte & des autres déjeftions volcaniques
, des cliofes qui paroîtront peut-être extraordinaires & étranges
à bien du monde ; mais l'examen attentif des objets que j'indique ,
& auxquels je renvoie ceux qui voudroient me quereller i l'attention
& la bonne foi des obfervateurs j le temps fur-tout, ou anéantiront
mes aflertions ou juftifieront ce que j'avance. Jufqu'alors on peut
librement attaquer & combattre mon fentiment, je me ferai toujours
un plaiiîr & un devoirde répondre auxperfonnes qui, après avoir vérifiéleslieux
& analyfé les objets, voudront me faire des objeâions. Quant à
celles qui fe contenteront de prononcer d'après de Îîmples morceaux ifolés,
& qui me critiqueront du fond de leur cabinet, fans avoir examiné&fuivi
la nature fur place, je leur déclare d'avance que quelque fcience ,
quelque pénétration qu'ils aient, ils courent rifque de s'expofer à bien
des erreurs, & qu'il feroit inutile de repouiTer des objeftions qui porteroient
probablement fur des fondemens ruineux.
J'entends par le mot bafalte une fubftance volcanique noire , quelque,
fois grife ou un peu verdâtre, inattaquable aux acides, fulible fans
addition , donnant, quand elle eft pure & non altérée , quelques étincelles
lorfqu'on la frappe avec l'acier trempé, fufceptible du -poli, &
devenant alors une des meilleures pierres de touche. Cette fubftance
doit être regardée comme la matiere la plus homogene, la plus fondue,
& en même temps la plus compacte , que rejettent les volcans, tantôt:
par leur bouche enflammée , en maniéré de rivieres de feu ; tantôt par
des déchiremens & des ouvertures qui fe forment fur les flancs de la
montagne: quelquefois même fe faifant jour dans des plaines, & perçant
les plus durs rochers, le bafalte s'éleve en forme de jets, & crée fubiteraentdes
monticules qui manifeftent le pouvoir des feux fouterreins'.
a Je comprends qu'on pourroit m'objefler ici que fons qui me déterminent à regarder le bafalte ou )a
les laves poreufes & en fcories peuvent, dans îcur ¿cat lave compafle comme la matiere qui joue le rôle ciTende
tulion , produire une partie des mêmes effets ; mais tiel dans les volcans,
on verra dans la Ciice de ce mémoire les principales rai.
S U R L E B A S A L T E . 15 5
On trouve le bafalte difpofé en mafles irrégulieres, ou en maiTes qui
a f f e â e n t des efpeces de couches parallèles, horizontales ou inclinées;
en prifmes triangulaires , quarrés , pentagones, hexagones , eptagones,
o f t o g o n e s , &. jnêine felon quelques auteurs à neuf côtés. Ces prifmes
font réguliers ou irréguliers, d'une feule piece ou articulés; on trouve
encore le bafalte en boule , en table , &c. Il contient pour l'ordinaire
divers corps étrangers, tels que des fchorls en cryftaux, en globules,
en fragmens ; des noyaux de feld-fpath , de pierre calcaire , de zeolite ,
de granit, 6(c. le tout pour l'ordinaire intaft, d'autres fois un peu altéré.
L e bafalte dont je parle eft le même que celui d'Agricola, que la pierre
de Stolpe , que celle d'Antrim j il y a lieu de croire que c'eft le bafaltcs
feirei coloris & diiritioe de Pline, liv. X X X V I , cap. 7. Au refte, que
Pline ait voulu déiîgner, par cette dénomination, le bafalte verdâtre des
Egyptiens, qui, felon toutes les apparences , eft v-olcanique & dont
j'aurai occafîon de parler dans peu , ou une pierre noire très-dure, qui
n'eft compofée que de feld-fpath, mêlé de beaucoup de fchorl noir en
lames, & que les Italiens nomment bafalda nera , dura , orientale , c'eft
ce que je n'examinerai point ici ; je dirai feulement que la définition de
Pline eft bonne &c convient aux deux efpeces; elle eft admife reconnue,
è i elle doit être confervée.
C'eft en fuivant la nature pas à pas & avec méthode, qu'on peut
quelquefois découvrir des fentiers qui menent, iînon à des découvertes,
du moins à la connoiflance de plufieurs faits inftru£lifs. C'eft en m'efforçant
de mettre conftamment ces principes en pratique , que je me fuis
exercé à fuivre & à étudier fur les lieux le bafalte ou la lave compaile ,
depuis fon état complet de dureté & de perfeâion, jufqu'au moment
où il commence à s'altérer,où il fe dégrade, fe détériore, fe décompofe ,
ci. perdant fes anciennes propriétés , change pour ainfi dire de nature.
Cette fuite de nuances 6c de dégradations préfente une multitude de
phénomènes qui , étant bien faiiis , donneroient fans doute plufieurs réfultats
intérelîans. Cette efpece de chymie des yeux & du taâ: mériteroit
la plus grande attention ; elle a été trop négligée jufqu'à préfent :
la chymie de l'art, celle de nos laboratoires, plus faftueufe & plus impofante
l'a fait rejeter; mais c'eft injuf tement , j'ofe le dire, puifque cette
derniere peut tirer les plus grandes reflburces de l'examen local des
objets que la nature étale dans fes riches atteliers, où elle met en oeuvre,
d'une maniéré invariable, des procédés qu'elle nous invite à étudier Sc
à fuivre ; & nous ne craignons pas malgré cela de vouloir l'imiter, la
copiermême fans connoître, fansconfulter notre modele! Mon intention
n'eft pas ici de vouloir déprifer une fcience utile, à qui l'hiftoire naturelle
a de fi grandes obligations, à dieu ne plaife ; j'exhorterai toujours
l'obfervateur à s'occuper fans relâche de la chymie; mais je veux dire
qu'il ne doit recourir aux reflburces de l'ai-t que lorfque toutes les recherches
préliminaires fe trouvent épuifées.
Deux naturaliftes François ont traité fort au long une queftion relative
au bafalte des anciens; il s'agiflbit de favoir d'où il venoic & s'il étoit
volcanique. L'un ® a pris foin d'étaler favamment , dans un très-grand
a M<imoires fur différentes parties des fciences & arts, parM, Guettatd, tome 1770J