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376 LE T T R E S .
Boiifchet Saint-Nicolas f à Caires, &c. on eft obligé de chauffer le four
avec de la paille & de la boufe de vache , tandis qu'on ne fe réchauffe
foi-même que dans les étables à l'aide de la chaleur très-peu falutaire
que les beftiaux y entretiennent. Il eft aifé de prévoir que ,à moins qu'on
ne fe hâte de faire des plantations, &. qu'on n'apporte tout le foin poi^
fible à les conferver , le pays fera dans moins de vingt ans infailliblement
déferté. Quelques particuliers y perdront, mais en général l'humanité
ne pourra que gagner beaucoup à n'être plus condamnée à vivre
fous un ciel auffi rigoureux. Si cela arrive on pourra dire qu'au commencement
des iîecles, Us feux, 8c quelques milliers d'années après,
Us glaces, ont rendu ce pays inhabitable & inhabité.
J'ai encore quelques obfervations à vous communiquer, mais pour
ne pas perdre trop long-temps de vue l'objet principal de mes lettres,
j e ne le ferai qu'après avoir entamé la matiere de nos volcans.
S E C O N D E LETTRE.
De Pradelles, le i î juillet 1776.
V O U s favez mieux que moi, Moniîeur , qu'en mettant le pied
en deçà du Rhône , on entre dans les volcans du bas Vivarais, & qu'à
quelques intervalles près où les terres 6c les rochers calcaires paroiff
e n t , tout eft couvert des produûions du feu depuis le Theil jufqu'à
Theuyts. Ici la fureurinfernalequi a bouleverfé les gorges de Mêlas, lu
plaine à'Aps & de la Filledicu, les hauteurs d'Albîgnac, de Saint-Jeanle
Noir y de Mirabel, & fur-tout le vafte & profond ravin du pont de la
Beaume, femble s'être un peu ralentie. On diroit que la caufe productrice
des volcans s'efl épuifée à poufler .hors du cratere de Combe-Chaude ,
au nord de Theuyts, plus de 500000 toifes cubiques de laves, de pouzzolanes,
de cendres, de fcories ou de bafaltes.
Delà effe£tivement jufqu'à une lieue en deçà de la Chavade , dans le
haut Vivarais, nul veilige de volcans , à l'exception de celui de Bane-,
mais fans m'arrêter à droite ni à gauche fur 5 lieues de chemin, je vais
droit à Tanas.
•• TarMf eft un pic ifolé & entièrement formé délavés ;fon fommet qui
eft tout ce qu'il y a de plus élevé dans le centre du haut Vivarais, eft
prefque toujours couvert de brouillards, ou de neiges. C'eft fur cet obfervatoire
que je me fuis guindé avec M. de Genliane , au mois d'août
dernier. Croyez, Monfieur, que les ardeurs de.la canicule qui vous
brûloient à Montelimar, ne nous incommodoient guere ici. Je puis vous
3irurer:au .contraire qu'un vent du nord' très-froid , qui s'y faifoit fentir,
nous permit .à, peine d'y refter une heure entiere.
Ce court efpace de temps fut employé à parcgurir les régions adjacentes.
Tout-:élevés que nous étions -, notre vue étoit bornée par des
montagnes encore plus, é levées , mais leur croupe allongée formait une
enceinte fi vafte , qu'en quatre quarts de converiîon notre oeil avoit parcouru
un horizon de 60 lieues de tour. C'eft ainfi du moins que nous le
de'terminâmés; &f î jamais.vous venez ici, comme je l'efpere , il faudra
bien que- vous conveniez-qu'il n'y a pas lieu d'en rabattre. Tournez à
l ' o r i e n t ,
L E T T R E S . î ' o r i e n t , fix montagnes qui courent de l'eft au nord , fe p r é f e n t e n t 3à 7la7
vue , elles ont chacune leur nom particulier, favoir, le Suc-de-Bo-mn
Tourtes, le Gerbier-des-Joncs, Ciibefloirades, Cherche-Mus, & Merenc.
J'ai dit plus haut que cette derniere a plus de 700 toifes d 'kévat ion fur
le^ niveau du Rhône, autant que je le préfume, car mes occupations ne
m'ont pas permis d'aller la vifiter ; j 'ajout e qu'on m'a affuré qu'elle eft
couverte de laves ; le Gerbier-des-Joncs, le Suc-de-Bo^on & Cherche-
Mus, ont été formés en tout ou en grande partie par les volcans.
Après le Meieac, qui eft la derniere & la plus haute montagne en
tirantau nord-eft, l'horizon s'ouvre confidérablement, & la vue v a f e per -
dre fous le ciel du Viennois; elle rencontre au nord les montagnes du
Forez , qui guere moins élevées & plus diñantes que le M e ^mc , forment
à ce qu'il paroîtuae chaîne droite , uniforme & non interrompue.
La baflè Auvergne fe préfente à l'oueft ; on y diftingue derriere ,
des montagnes qui bordent le Velay & dont j'ignore le nom, le Pui-de'.
BiSme qui porte fa tête brûlée dans les nues.
L e Cantal, la Margeride qui appartiennent à la haute Auvergne , &
Aubrac qui eft du Rouergue, terminent l'horizon au fud-oueft & ce
qu'on appelle le Palais-du-Roi fait la même fonaion au midi.
Ce prétendu palais qui n'eft, je vous afliire , rien moins qu'une habitation
propre à fixer le féjour des fouverains, eft un haut & vafte défert
du Gévaudan, couvert de neige les trois quarts de l'année , & prefque
battil en tout temps des froids aquilons ; fon aride peloufe eft par femée
en divers endroits de gros quartiers de roc primitif, qui fe trouvent là
je ne fais trop comment , à moins que les volcans voifins ne les y aient
porté de volée, & je comprends encore moins comment on a pu fe déterminer
à b â t i r , dans un lieu fi froid & fi ftérile , la petite place de
Châteauneuf-de-Rendant. C'eft cette miférable bicoque que l'illuftre
Duguefclin vint affiéger en r445, & devant laquelle il mourut.
LîLaUfere, montagne très-haute, de 7 lieues de longueur, & qui fui t
dans le Languedoc , borne la vue au fud-eft. Enfin , à l'aide des hauteurs
de Saint-Etienne-de-Ladares les plus rapprochées de toutes, je viens
rejoindre à l'orient le Sitc-de-Bo^on d'où j'e'tois parti.
Toute l'aire du cercle que je viensde décrire,n'a pas été volcanifée;
il ne faut en prendre qu'une zone de 11 lieues de longueur fur 8 ou
10 de large , c'eft-à-dire , depuis le Me^eac jufques à 1 lieues au delà
a Allègre, en tirant de l'eftà l 'ouef t , & depuisLanjo^ne jufqu'à Crapone
en fuivant la ligne du midi au nord.
Cet efpace borné d'un côté par le Gévaudan, & de l'autre par le
F o r e z , donne environ 100 lieues quarrées ou même davantage. De ces
Joolieues il y en a peut -êt r e 15 qui ont été épargnées ; tout le refte
a été mis en combuftion, ou pour parler plus jufte , a été recouvert du
produit du feu des volcans.
Ce n'eft pas ici le lieu de vous entretenir au longde leur quantité , de
leur variété, de leur forme, je le ferai ailleurs ; j e me borne maintenant
à vous faire une énumération fuccinte de ceux que je découvre , avec
quelque détail furia pofition Scies fingularités de quelques-uns d'entr'eux.
Pour procéder avec ordre , je les divife en cinq lignes qui tirent
toutes du levant au couchant. Le premier que l'on rencontre après avoir
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