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V o i c i maintenant la fuite des volcans qui fe trouvent dans cette quatrieme
ligne. .
A la tête eft le Gcrbier-des-Joncs dont j'ai parle ; viennent après en
d e f e n d a n t , Cherche-Mus, le lac d'Jif-i'-i", le Suc-dc-Bolon ,^ Sam,-
Cir3.ua. On trouve enfuite Cciffon ; il ccnfifte en un iminenfe )et de
lav?s qui eft venu fondre dans laLoire.D' ici jufques bien au-deflous de
Couda , on ne voit fur le penchant de l'une & de l'autre rive du fleuve
nue de femblables coulées , dont quelques-unes defcendent julqu au
niveau de l'eau , & l e s autres ont refté en chemin ; ,e prouverai bient
ô t que celle A'Adande barra non feulement le cours du fleuve , mais
qu'elle combla le vallon jufqu'à la hauteur de 75 toifes.
Cet objet-ci avec la chauflee de la Fare & celle de Gouda, mentent
d'être traité en particulier & je ne tarderai pas à le faire. ^
O n apperçoitdufond du lit de la L o i r e , fur la crête de fa rive orient
a l e , un monceau volcanique.qui de ce point de vue fa.tl effet le plus
b i i a r r e Si le plus fmgulier qu'on puifl'e imaginer..
Sur un alignement d'environ 40 toifes paroît d'abord une maniere de
tour ronde, furmontée d'un cône pointu, qui femble en être le toit : viennent
enfuite fans interruption fur 3 l ignes, trois grands pans de muraille
différemment terminés parl e haut , le dernier touche immédiatement un
. r a n d avant-corps de bâtiment qui repréfente au mieux d un
„ m p l e de ftruBure que j'appelle à tout hafard égyptienne. C eft d abord
u n p é r i f t i l e dont les colonnes, de hauteur à peu près égalés fe rapprochent
fenfiblement à mefure qu'elles fuient dans l'interieur de la mafle ;
à l'extrémité de la colonnade eft une grande ouverture qui conduit dans
un antre fort obfcur ; fur le devant du périftile s'éleve en forme d architrave
un malfif horizontalement ftrié dans toute fa furface, ^ terminé
en arc de cercle, fa hauteur eft au moins double de celle des col
o n n e s , & le tout peut bien avoir de 170 à 180 pieds d'elevation fur 30
de large. A la fuite de ce fmgulier frontifpice eft un nouveau pan de
muraille qui femble faire l'autre moitié du mur de face du t emp l e , & enfin
toute cette per fpeaive eft terminée par uneefpece de bateau d une grandeur
démefurée & prefque verticalement dreflë fur l 'une de fes pointes ;
les proportions de fon creuxparoillent f. juf t e s , qu'on diroit que les hommes
y ont travaillé. Tout ceci n'eft pourtant que l'ouvrage de la nature.
Un large & épais courant de bafalte, forti du cratcre de Mafclaux, qui
eft à quelques portées de fufil de là, vint fe précipiter danslaLoire, ce
qui en refta fur les bords de la rive taillée à p i c , prit la forme vraiment
curieufe que je viens de décrire; ce morceau-ci s'appelle le rocher du
" " s i de Mafclaux on continue à tirer en ligne droite vers l'oueft, on
rencontre la Sauvetat, Fourmagne., Charbonnier, Boucha-Sam,-
Nicolns. Ici eft un lac qui eft le cratere le mieult caraSeriIé de toutes
ces montagnes , & je vous en parlerai dans la fuite aftei au long
M a derniere ligne volcanique eft la plus étendue en tout fens, & elle
renferme lesobjets les plus dignes d'attention; elle part du Me^inc, montagne
prefqu'entiérement couverte de laves, & environnee de bouches à
f e u , dont trois auprès de Bonnefoi rentrent les unes dans les autres ; elle
defcend au Monaftier., au Brignon, i Solignac, ^Coftaros, a Turre.re.,
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à Brives, au Fuy , à Expailly, i Polignae, à Seneuges, à Saint-Chrijlophe,
à Saint-Vidal , à Saim-Paulien , à la Roche-Lambert, & enfin à Alégre,
qui a été le terme de mes eourfes de ce côté-ci.
Je n'ai pas été fur tous les lieux volcanifés qui fe trouvent entre les
deux extrémités de cette derniere ligne , j e ne les ai fuivis que de l'oeil,
& même il y en a que je n'ai vu ni de près ni de^ loin ; tout ce que je
puis vous articuler pour le préfent , c'eft 1°. que les'terres primitives
qui font en deçà de la L o i r e , en tirant vers l 'Auvergne, ont entièrement
difparu fous les laves ; que par conféquent il n'y a dans tout ce trajet
aucun lieu denominé dont je ne puifl'e grollir ma lifte volcanique, z".
Que les volcans femblent s'être ici furpaflés eux-mêmes non feulement
en ce qui concerne leurs cráteres, dont deux, favoir celui du Fuy & de
Saint-Fidal, [ont immenfes, mais encore par la quantité des laves qu'ils
ont vomies, quantité quia été telle qu'il en réfulta non pas Amplement
des coteaux &.des collines, mais des montagnes même,ainfiqueBrr<neZ«,
Sainte-Anne, Cheyras , Danis , Billac & Seneuges le prouvent. La
forme finguliere qu'ils ont donnée à quelques-uns de leur produit n'eft
pas moins étonnante, puifque malgré les détrimens qu'ils ont foufferts,
ils ne laiflent pas que de montrer encore aujourd'hui des malles de rocher
t r è s - f o l i d e s , d'une étendue 8c d'une élévation qu'on a peine à concevoir.
3°. Que quoique les objets dont je viens de faire mention , jouent
i c i le rôle le plus diftingué , cependant il en eft d'autres qui méritent
d'être vus & fuivis avec beaucoup d'attention, tels font en particulier
le beau pavé des géans d'Expailly , le cône ifolé de la Croix-de-la-
Paille , le château de la Roche-Lambert bâti fur un rocher volcanique ,
dont l'efcarpement étale prefque toutes les différentes cryftal l ifations du
bafalte , & au milieu duquel eft une aflife de cailloux roulés, noyés dans
la lave ; les cráteres de Nolhac 6c de Saint-Paulien , auxquels ils eft
impoffible de fe méprendre , enfin tout le cours du ruifl'eau de Mafagneres,
qui coulant dans des ravins très-profonds, laill'e voir de part &
d'autre des tas immenfes de matières calcaires de différentes couleurs ,
mêlées avec des blocs de bafalte.
Avant de finir cette lettre , je vous obferverai que je n'ai pas compris
dans ma nomenclature les volcans qui font à l'eft du Me-^enc , de
Bonnefoi , du Gerbier-des-Joncs & du Sitc-de-Bo^on. Il en eft de ce
c ô t é - c i qui ne font inférieurs en rien à ceux dont j'ai parlé , & vous
trouverez, fans doute une ample matiere de defcription dans ceux du
Pal, de Nonlpe:[at, du Souilhat , de la Gravene , du Colombier , du
Coueirou, &c. que vous avez déjà vifités plufîeurs fois.
C ' e f t de ces hauteurs que font defcendus dans les gorges du bas
Vivarais , je ne dirai pas ces courans, mais ces fleuves de bafalte qui
dans un efpace de près de 8000 toifes de longueur, & en fe divifant
en deux ou trois branches, ont comblé des abîmes , rétréci des vallons,
formé de vaftes plaines , & élevé ces chaufl'ées formidables appellées
pavé des géans, qui font l'étonnement de tous ceux qui les voient, 5c
dont les reftes fans cefl'e morceUés par les eaux courantes, depuis des
temps très-reculés , ne laiffent pas que d'éclipfer tout ce qu'on a découvert
jufqu'ici de plus frappant en ce genre dans les diverfes contrées
de l'Europe.