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n e me fais point une peine d'établir ici les objef t ions qu'on pourroit me
p r o p o f e r ; 6c comme perfonne i iVdé f endu avec autant de force ni même
avec autant de probabilité l'opinion contraire à celle que j'adopte, que
le favant M. Ferber, dans fes lettres adreflees à M. le chevalier de
B o r n , je me fais un devoir de tranfcrire ici les plus fortes de fes ob-
- j e f t i o n s , auxquelles je tâcherai de répondre article par article.
PREMIERE OBJE-CTION DE M, FERBER. « II eft inconcevable qu'il
,» puilîe y avoir dans une terre ou filon dépofé par les eaux au-deflbus
5) des volcans , une proviiioa auffi confîdërable de cryftaux de fchoerl,
j) qu'il y en a dans les laves du Vé fuvê . -iious n'en avons point d'exemple
» dans aucun desterréiris & minières quë l'on a fouillés jufqu' ici :1e pet i t
» nombr^ed'efpeces de fchoerl brut ou vierge que contient le fpath calî>
caire.mieacé j qui a été vomi par le Véfuve, ne fauroic être mis en
» coniparaifon avec la quantité prodigieufe d'efpeces qui fe trouvent
« dans la lave j on peut tout au plus conclure que la nature peut pro-
» duire le même effet par divers moyens : les Napolitains croient même
J) que les efpeces de fchoerls qui fe trouvent dans le fpath, font aufll
» des produits du feu ; ils s'imaginent que le mica qui eft dans ce fpath
3) s'eft formé de la même maniere que la l i tharge feuilletée & différem-
» ment colorée qu'on obtient fur la coupelle. » Pag. zzé.
• RÉPONSE. Il n'eft pas plus inconcevable qu'il y ait des provifîons abondantes
de fchorl dans l'intérieur de la terre, qu'il l'eft qu'il y ait des
bancs immenfes de grani t , de quartz, de fchifte , &c. J'ai fait voir qu'on
t r o u v e le fchorl dans le granit, dans le quartz, dans plufieurs fchiftes,
dans des pierres argilleufes , & même dans le fpath calcaire. Les Alpes,
les Pyrenées , plufieurs montagnes de Dauphiné:,.dç Languedoc &
d e différens p ays , fourniilent des fchoris ; l ' I f lande en renferme'de trèscurieux,
&c..,J'ai dit que fur la montagne de la Gravene de Theuyts en Vi -
varaisj.on troùvoi t , toucauprèsdu crateredecet ancienvolcan,desroches
fchifteufes oùl e fchorl eft répandu avec la plus grande profuiion. Comme
o n avoit autrefois peu de goût & peu d'intérêt à rechercher cette mat
i e r e , dont le nom même eft t rès-nouveau, il eft à préfumer qu'on ne
t a r d e r a pas à s'appercevoir qu'elle eft plus abondante qu'on ne l'avoic
cru jufqu' à préfent . Il peut fe faire encore que le fchorl fe forme 6c
réfide de préférence à de très-grandes profondeurs dans des cavités
fouterreines , & que ce que nous en voyons à l'extérieur des montagnes
n e foit que quelques minces ramifications qui partent d'un tronc confid
é r a b l e , caché dans l'intérieur de la terre. Quant à l'objeftion fondée
f u r ce qu'on ne trouve pas le fchorl en abondance dans les cerreins ÔC
minières qu'on a fouillés jufqu' ici , il eft aifé d'y répondre en difant
d ' a b o r d , q u e les excavations queles hommesont pratiquées dans quelques
contrées pour y rechercher des mines , font fi peu de chofe, qu'elles ne
doivent en vérité compter prefque pour r ienj leur objet eft d'ailleurs
d ' y . f u i v r e des. minéraux. Le mineur s'occupe peu en général de ce qui
eft étranger au filon qui fixe feul fon attention : s'il rencontroit par
hafard une. veine abondante de fchorl, il ne feroit pas tent é de la pourfuivre
; fon premier foin feroit au contraire de l'abandonner promptement.
Quant au fentiraent des Napolitains, rapporté par M. Ferber, fur
Ja format ion du fchorl dans le fpath calcaire qui s'y produit à l'inftar
de
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de la litharge feuilletée des coupelles, il n'eft pas trop poflîble de répondre
férieufement à ce dernier article.
SECONDE OBJECTION. » Quand on prétendroit qu'il exlfte au fond
» du Véfuve des veines de ces fchoerls, comment feroic-il vraifemblable
» qu'il en exiftât de pareilles & en fi grande quantité au fond de tous
» les volcans de l'Italie ? » Pag. zzj .
RÉPONSE, Je fais qu'en général il y a du fchorl dans prefque toutes
les matieres volcaniques, non-feulement du Véfuve & de l'Italie , mais
dans celles de l'Etna , de l 'Hecla, & dans la p lupar t des volcans éteints
de l 'Auvergne, du Vivarais 8c du Velay : mais ne trouve-t-on pas parmi
ces mêmes matieres volcaniques des quar tz, des filex, des fragmens de
g r a n i t , particulièrement dans les bafaltes du Vivarais? n'y trouve-t-oa
pas jufqu' à des pierres calcaires & des fpaths ? C e t t e abondance de fchorls
annonceroit tout au plus que cette matiere eft plus commune que les
autres dans les terreins où les feux volcaniques fe font manifeftés. J'ai
vu dans le Velay des montagnesvolcaniquesconfidérables,oùil n'exiftoit
pas le moindre veftige apparent de fchorl : j 'en ferai mention dans mon
mémoire fur le bafalte.
TROISIEME OBJECTION, N Si ces cryftaux de fchoerl étoient fîmple-
» ment arrachés de leurs filons, & vomis avec la lave, comment fe
» pourroit-il qu'ils confervaflent leur figure , qu'ils n'entraflent pas en
« fufion, qu'ils ne fe convertilîent pas eux-mêmes en laves dans une
» chaleur aufli prodigieufe que celle de la lave en fufion, & qui fe
» conferve fi long-temps, tandis que les grenats & les fchorls fe con-
}) vertiílent en fcorie devant le chalumeau ? cependant ces cryftaux
)) de fchoerls fe rencont rent même dans la lave vitrifiée, qu'on nomme
» agathe d'Iflande. » Ibid.
RÉPONSE. Cette objeaion eft naturelle Scbien préfentée ; je me la
fuis propofée fouvent à moi-même avant la publication de l'ouvrage de
M. Ferber j mais voici ce qu'on peut y répondre. La lave qui a éprouvé
u n degré de fufion p ropr e à la faire couler, celle dont eft formé le bafalte
le plus homogene , n'a peut-être pas fubi un degré de feu aufiî violenc
qu'on a pu le croire. La maniere dont s'opere la fufion dés laves dans
les creufets de la nature, eft un de ces myfteres phyfiques que noui
fommes encore bien éloignés de connoître. Voici un áiit des plus aifés
à vérifier, qui prouve démonftrativement que la lave n'exige pas un,
degré de feu bien étonnant pour entrer e-n fuf ion. Pluf ieur s fours à chaux
du Vivarais, & entr'autres ceux des environs de Rochemaure , fonc
conftruits avec du bafalte & des laves poreufes dures ; c'eft avec des
fagots ordinaires qu'on chauffe ces fours i ce feu peu foutenu, eft aflez
vif pour vitrifier toute la fuperficie des pierres de bafal te, & pourréduire
en entiere fufion les raorceaux en faillie qui fe trouvent plus à portée
p a r l a d'être touchés par la flamme j j'ai dans ma colleftion plufieurs de
ces derniers morceaux qui fe trouvoient par hafard pleins de fchorl
n o i r j cependant malgré la fufion parfaite de ce bafalte, le fchorl eft
demeuré intaâ: & a confervé fa forme &fon caraitere. Cet t e expérience
nous apprend que le fchorl peut refterun certain temps dans la lave en
fufion fans en être altéré. Ne pourroit-il pas fe faire, dans ce cas-ci, que
la matiere de lave fervant d'enveloppe au fchorl, 6c le privant parla du
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