^ DI S C O U R S S U R
V O L C A N S DE L'EUROPEL
E VESUVE.
O n a beaucoup écrit fur le Vëfuve. Les dernieresobfervations faîtes
par le pere de la Tor r e , par M. le chevalier Hamilton 6c par M. Ferber,
"font celles qui méritent le plus l'accention des phyiiciens ÔC des naturaliftes.
Le pere dom Jean-Marie de la Torre , garde de la bibliothèque
Ôc du cabinet du roi des deux Sicïles , a donné une liiftoire du
Véfuve ôc de fes phénomènes -, cet ouvrage eft aflez complet : il fait
mention de l'état ancien & préfent du Véfuve ; il cite les paflages des
auteurs qui en ont parié & donne la fuite chronologique des incendies
de ce volcan , 6cc. On doit compte à ce phyfîcien des peines infinies
qu'il s'eft données pour bien étudier le Véfuve.
Malgré les détails très-inftruftifs 8c très-intéreiîans que le pere de
la Torre a répandus dans fon ouvrage , on a cependant un véritable
r e g r e t de voir que cet auteur n'eil verfé ni dans la chymie ni dans la
minéralogie , ce qui l'a induit en de grandes erreurs
M. Ferber , dans Jes. lettres fur la minéralogie & fur divers autres
objets de l'hijîoire naturelle de l'Italie , adreflees à M. le chevalier de
Born , fait mention du Véfuve & des matières qu'il vomit. Sa onzième
l e t t r e , datée de Naples du 17 février 1772 , nous inftruit mieux fur
le Véfuve , que plus de cent cinquante volumes , tant anciens que modernes
, qui ont été décrits fur le même fujet : le favant commentaire
de M. le baron de Dietrich , tradufteur de ces let t res, rend cet ouvrage
doublement intéreiîant.
M. le chevalier Hamilton, miniftre d'Angleterre à la cour de Naples,
a rendu de grands ferviçes à l'hiftoire naturelle , en donnant fon bel ÔC
grand ouvrage furie Véfuve & l'Etna : on y voit ces deux volcans &
leurs acceflbires gravés fous une multitude de points de vue diiFérens.
Les étrangers qui vont à Naples trouvent les plus grandes reflbuces, du
côté de l'agrément & de l'inftruftion , chez M. Hamilton , favant exadt
& infatigable, qui cultive avec fuccès les arts & l e s fciences, & qui joint
à fon goût pour la phyfique, celui des recherches fur l'antiquité.
Ces trois auteurs feront mes principaux guides dans ce que j'ai à dire
fur le Véfuve. Ce volcan étant un des mieux co.nnus, je vais m'attacher
à entrer dans des détails un peu étendus à fon fujet. Rien n'eft auÛi
propre à fervir d'introdu.âion à un ouvragç fur les volcans éteints, que
l'hiftoire même d'un volcan dont les phénomènes & les éruptions ont
été plufieurs fois obfervés par des fayans qui en ont été les témoins
"oculaires.
aPour prouver que le pere de la Torre n'¿coit pas
iiiftrui: en miniralogie iorfqij'il a compofé fon livre ,
on n'a qu'à ieter un coup d'oeil fur !e cliap. V de fon
hiflx>ire du Véfdve , où i! décrir les différentes macieres.
qui forcent de ce volcan. Le paragraphe lOJ e(l
concu en ces termes ; » Les matières lancées en l'air
« font la .famée , le fabÎe. noir & fin , un fable plus
« gros j l'un & l'autre brûlës; les pierrettes; lespier-
« res'ponces "où pi erées calcinées; une maciere qui,
ç coinine lesgierres, eft fpongieufe, dure ^ faline ;
H les pierres naturelles de diverfes grandeurs, un peu
n brûlées & noircies fur leur furiàce ; les guodes e'cu-
») mes, les écumes Icgeres ; les pyrites oflaedres, qui
» ne font autre chofe que des petites colonnes à huit y
» faces polies, do couleur de pierre ferpentine ; 1«
» foufre ftérile , le fel, le talc & les niarcaiTices. »
105 , pag. 119 de la rraduftion Franjoifc. On
voit, par cet écliantilion, que l'auteur n'ccou pas fort
fur l'article des nomenclatures.
L E S V O L C A N S BRULANS. ;
L e Véfuve , fitué dans la terre de Labour , eft placé entre les Apennins
Si la mer , attenant aux monts Somma & Ottajano , qui font également
volcaniques ; il n'eft éloigné de Naples que de huit milles
d'Italie , on peut y monter par trois chemins différens : le premier, du
côté du nwnt Somma ; le fécond , vers Refina , & le troiiieme , en paf'
fant par Ottajano j ces routes font toutes très-rapides & très-difficiles.
L a montagne eft de figure conique; quant à fon élévation, comme elle
n'a été mefurée , parie pere de la Torre &par M. l'abbé Nol l e t , qu'avec
le baroniettre , on ne peut pas compter furl'exaaitudeabfolue de cette
opération, depuis fur-tout que le celebre abbé Fontana a fait voir dans
combien d'erreurs confidérables pouvoit jeter la conftruétion aduelle
de nos baromètres , fans en excepter môme celui de M. du Luc , un des
plus ingénieux & beaucoup plus exadl que les autres , mais qui , malgré
cela , a des défauts qui peuvent égarer l'obfervateur Quoi qu'il
en foit l'abbé Nollet, dans fon voyage d'Italie, falten 1749 , mefura la
hauteur du Véfuve avec le pere de la Torre lui-même, & avec le pere
Garro , minime ; fon mémoire à ce fujet eft dans ceux de l'académie
des fciences de l'année 1750 ; mais fon barometre s'étantrompu iiir le
V é f u v e , il ne put pas obferver lui-même fur lesbords de la mer, & il fut
obligé de s'en rapporter aux remarques qu'avolt fait précédemment le
pere Garro qui s'eft fervi d'un mauvais inftrument : on doit donc regarder
le travail de l'abbé Nollet comme une opération manquée ; le
pere de la Torre l'a ainfi reconnu lui-même , 6c a mefuré de nouveau &C
pluiieurs fois le Véfuve avec beaucoup plus deprécifion, en employant
les meilleurs barometres connus. Le produit de fes calculs a été de donner
au Véfuve 1677 pied de Paris, d'élévation abfolue & perpendiculaire
au-deflus du niveau de la mer, Se 1545 pieds de hauteur relative
au-defliis de Pugliano. Le pere de la Torre comptoir , par chaque ligne
d'abaiflement du mercure , 10 toifes , ajoutant un pied pour la premiere
ligne , 2 pieds pour la feconde , 3 pieds pour la troifieme , &c»
en fuivant toujours cette même gradation.
L'opinion de la plus faine partie des naturaliftes qui ont bien étudié
le Véfuve , eft que le mont Somma , le mont Ottajano &. le mont
Véfuve nQ formoient autrefois qu'une feule montagne de figure conique ,
bien plus vafte & bien plus élevée que ne l'eft le Véfuve aûuel. Ces
deux montagnes réunies montrent encore, par leur demi-cercle concena
Le pere de la Torre foiiriene le contraire ; il eft
même dans l'opinion que le mont Vcïiive exiftoit
avant qu'il eûr vomi des matieres enflammées ; il prétend
même avoir vu, dans l'intérieur du volcan , des
couches de pierres non volcaniques ; mais tout fon
fyllèmeefl anéanti parle fait, car ce qii'ilprend pour
des coazX^i às pierres primicifes , n'eft abfoiunienc
que de l'a lave ; Se ce qu'il appelle cirre naturelle , Si
qu'il compare au fable rouge de Pbiizzole , eft une
cerre purement volcanique, une véritable pouzzolane:
il eft démontré par - là que le révérend pere do la
Torre, qui avoit fait cinquante voyages au Véfuve ,
n'en connoiiToic pas les marieres. Il n'y a pas deux
fentimens, parmi lés naturaliftes éclairés,fiir la nature
de la pouzzolane , qui eil abfolument une produfHon
du feu. C'cii d'apriîs tous ces faux principes que cet
hiftorlcn du Véfuve a fait les plus fortes bévues fur la
formation de ce. volcan , & fur la nature des monts
Somma & Oit^ijano qui, quoi qu'il en puiïïè dire ,
font des montagnes volcaniques. Il faut croire que le
de la Torre eft revenu de ccrte forte hé'réfie en
-ire naturelle : i! eft factieux de voir un homme- de
hiftoin
fon mérite donner dans des opinions auiTl erronées.
& M. l'abbé Fontana m'a fairvoir á Pans un barometre
de fon invención, flit en Angleterre par
le fameux Ramfdem , le feul artifle qui ait pu l'exécuter
avec cette prt'cifion mathématique qu'exige un
inftrument de ce genre. Cet excellent barometre que
M. l'abbé Fontana a cédé à M. !e duc de Oiaulne ,
démontre pac !e fair, mieux qu'on ne pourroi: le
faire par tous les raifonnemens, combien lesbarc^
mettes anciens rétinifToienc de défauts, & nous fait
voir en même temps combien la phyfique a d'obligation
« à l'habile phyficien chargé du cabinet du grand
duc : il feroit à dcfîrer feulement que nos artiftes de
France euiî'enr un peu plus d'émulation , & f'ufTens
jaloux d'atteindre au degré d'exaflitude & de perfection
auquel ceux d'Angleterre font déjà parvenus. II
efî fâcheux que nous foyons obligés de tiremos meilleurs
inilrumens de l'etranger.