192 LE T T R E
Voilà les obfervations faites par M. Ferber fur les effets des fumées
d e l à Solfatare: quoiqu'il n'ait pas le mérite de la découverte, ce qu'il
dit à ce fujet eft fenfé & me paroît bien vu j j e dis qu'il n'a pas le mérite
de la découverte, puifqu'il n'a vu la Solfatare qu'en 1772, tandis que
votre lettre adreflee à la fociécé royale de Londres, eft du 5 mai 1771.
D ' a i l l e u r s il me paroîc que M. Ferber n'affeâe pas de fe rendre cette
o b f e r v a t i o n p r o p r e & p e r f o n n e l l e j i l n e d i t r i e n à c e f u j e t , & i l f e r o i t p o f f i b l e
qu'il ignorât de bonne foi que c'étoic à vous à qui l 'hi f toire naturelle avoic
cette obligation avant tout autre : il n' y auroit qu'un feul cas où le naturalifte
fuédois feroit véritablement dans fon tort; ce feroit celui où
ayant été inftruit, par vous ou par tout autre, de votre obfervacion avanc
d ' a l l e r . à la Solfatare, il eût affedlé de ne pas vous nommerj & il eft
probable que la chofe eft ainii, puifqu'à l'explication de la planche 45®
de votre l ivre, vous faites mention de l 'époque à laquel le vous envoyâtes
vos remarques à la fociété royale de Londres, époque qui eft du 5 mai
1 7 7 1 , comme on le voit dans les tranfaftions philofophiques, ÔC vous
ajoutez tout de fuite: M. Ferber, natiiralijle fuédois^ à Naples
l'année lyyz^ vient de publier cette découverte comme la fienne propre,
dans une de Jes lettres à M. de Born ,fur le Jujet de l'hijioire naturelle
d'Italie, Quoi qu'il enfoit, MILORD, votre titre eft inconteftable,puifqu'il
«ft dépofé dans les tranfaâions philofophiques, & vous êtes le premier
à qui nous devons la bel le obfervation de l 'effet des fumées de la Solfatare
i u r l e s matières volcaniques. M. Sage qui a donné dans fes élémens de
minéralogie, tom. I , pag 523. d'excellentes expériences fur les laves
poreufes, s'eft fai t un plaifîr d'annoncer que c'étoit vous qui l 'aviez principalement
conduit à ce travail.
Je ne doute pas que ce qui s'opere journellement à la Solfatare n'ait
eu lieu dans bien des circonftances dans les anciens volcans éteints; j'en
ai la preuve dans ceux du Vivarais & du V e lay, 6c je fuis convaincu
que bien des matières qu'on a prifes pour des argilles naturelles plus ou
moins calcinées par les feux fouterreins, ou pour des cendres réduites
en pâte, &c . ne font que de véritables productions volcaniques, altérées
ou décompofées. Pour venir à l 'appui , par des faits indubitables, de ce
que j'avance ici, voici quelques détails fur les laves décompofées des
deux provinces dont je décris les volcans éteints ; mais comme la defcript
i o n , quelqu'exa£te qu'elle foit, ne peut jamais peindre à l'efprit des
objets de cette nature d'une maniéré affex claire, j'ai accompagné cette
l e t t r e de l'envoi de tous les échantillons bien numérotés, dont je vais
avoir l'honneur de vous entretenir, en vous fuppliant de ne lire les détails
que je joins ici, que les morceaux à la main.
L a montagne du Me^inc en Velay, à iix lieues du Puy, élevée d'environ
900 toifes , eft volcanique depuis fa bafe jufqu'à fa plus haute
fommité ; elle contient les objets les plus inftru£lifs en laves altérées.
Avant de vous faire connoître les laves converties en argille , qu'on
y rencontre, j e fuis bienaife de vous faire part d'une obfervation finguliere
que j'ai faite fur certains bafaltes de cette montagne : j 'ofe me flater
que ceci pourra vous intéreiTer; mais j'ai befoin de vos yeux & de toute
votre attention.
I . Prenez le n°. i " . c'eft un bafalce en tables, aiTez mince, reffemblanc
A M I L O R D H A M I L T O N . 19 Î
femblant à un fchifte, mais étant un véritable bafalte-Iave, qui a coulé
& effuyé une certaine altération qui Ta un peu attendri, & qui a prin^
cipalement porté fur fa couleur, d'un gris tirant fur le blanc. Prenez une
forte loupe , & confîdérez ce morceau au grand jour ; Vous obferverea
d'abord que la contexture de la matiere offre une multitude de petites
lames de feld-fpath blanchâtre, prefqu'aulfi brillant que certains talcs ;
VOUS remarquerez que le fer , iî intimement uni au bafal te, a abandonné
ces lames, pour fe fixer en petits points noirs difperfés dans la raaffe ,
ce qui donne à ce bafalte une apparence de granit, ainft que vous ea
conviendrez certainement en le fuivant de l'oeil avec une loupe : vous
verrez dans le même morceau .quelques portions moins altérées , plus
noires & plus bafalte, iî je puis m'expriraer ainiî.
Comme j'étois bien aife de vous conduire par gradation dans un examen
auiïi dél icat, & que vos connoiilances perfonnelles, & la grande
habitude que vous avez d'obferver, vous mettent mieux à portée qu'un
autre de fuivre les différentes nuances que je viens foumettre à votre
examen , j e fais fuccéder à l'échantillon du n°. i , celui du n®. 2 qui lui
eft analogue.
N®. 2. Ce bafalte eft en mafle ou en grandes tables fort épaiffes»
E n le confîdérant d'un peu loin , il refferable à un bafalte ordinaire »
mais vu à la loupe , on s'apperçoit qu'il a éprouvé un puiflant degré d'altération
, bien différent de celui qu'ont fubi les laves converties en argille
: ici la matiere eft dure; on voit toutes les molécules de feld-ipath,
à nud, dépouillées en partie du principe ferrugineux qui les envelopp
o i t j elles font devenues blanches , vitreufes ÔC bri l lantes; le bafalte
en cet état reflemble à un granit fin , ou iî vous aimez mieux, à une
ébauche de granit.
N®. 5. Voici , MILORD, un morceau du plus grand intérêt, relatif au
p r e m i e r , mais avec des caraâeres plus tranchans : c'eft un échantillon
pris fur le plus haut de la montagne du Me^inc ; vous y verrez dans certaines
parties le bafalte encore bafalte, tandis que dans d'autres la lave
s ' é c l a i r c i t , le feld-fpath fe découvre &. paroît en petites lames rhomboïdales
ou en parallélogrammes. Plufieurs de ces lames font blanches ,
d'autres rofacées-, le fer du bafalte s'eft réuni en petits points noirs 8?
tranchans fur le feld-fpath , ce qui lui donne toutes les apparences d'un
g r a n i t , d'une maniéré d'autant plus frappante, que plufieurs de ces lames
de feld-fpath font auflî brillantes que le mica ; on voit même dans cet
échantillon quelques taches de fchorl noir en lame, qui achèvent de
j e t e r dans l'illufion, & f o n t croire que le bafalte altéré eft un véritable
granit.
Je comprends , d'après la fimple defcription que je donne , que fi on
n'avoit pas le morceau fous les y eux , on feroit fondé à m'objefter que
ce n'eft Amplement ici qu'un granit engagé dans le bafalte : d'autre part,
ceux qui admettent que les laves ne font formées que par des granits
fondus, ne manqueroient pas de dire que ce morceau vient fortement à
l'appui de leur opinion, & qu'il n'eft qu'un granit en partie fondu, encore
granit d'un côté, & converti en lave de l'autre. Pour vous, MILORD,
qui cherchez la vérité fans être efclave d'aucun fyftême, & qui êtes fa.
miiiarifé avec l'examen des produitions volcanifées, vous en verreî
C c g
i l il