i
s i -
1
l e t t r e s .
franchi la côte de Maires, eft à une lieue en deçà de/ a C/iflviicie, tout auprès
de la Narfi ; on apperçoit fur le grand chemin des articulations de prifmes
de bafalte t rès -bienformés , & en jetant les yeux fur une petite élévation
qui eft fur la droite au nord, on voit que c'eft delà qu'elles font parties.
Ici on longe un ruifleau, qui après avoir couru quelque temps de l'eft
à l'oueft , tourne tout-à-coup au midi , 8c fe précipite dans le vafte 6<
profond ravin de la Filiale. A la tête de ce ravin eft une maifon feule
ou plutôt un taudis qui, tout miférable qu'il eft, ne laifl'e pas que d'être
remarquable par deux endroits ; car premièrement c'eft le feul afyle ,
dans un arrondiflement de près de 2 lieues de diametre ,où l'on puifle
fe réfugier lorfqu'on eft furpris par l'ouragant des neiges,plus fréquent
en ce lieu fauvage qu'en aucun autre endroit de nos montagnes; & il
n'eft point d'années que quelques voyageurs égarés ne doivent leur h -
lut à cet abri, lorfqu'ils font aftèl heureux que de le rencontrer. 2 . Ce
lieu s'appelle Peyre-Baille, ou pierre bouillie. ^ _
Je n'eufle pas dans cent ans deviné l'étymologie de ce nom , m a
dire vrai je ne'm'en ferois guere mis en peine, fi ayant voulu reconnoitre
de près le formidable volcan qui fe trouve ici, je n'avols rencontré
prefque tur le bord de ioacratere, l'habitation dont il s'agit. I,e
torrent de lave qui a pris ici naifl'ance, a fuiyi, ainfi que le ruifleau, la
pente de la montagne, s'eft prolongé prefque toujours en defcendant
mfqu'au deflbus du village de VE/peron, a couvert toutes les hauteurs
avec les revers qui fe trouvent fur la rive droite du ruifteau ; il a en.
même-temps formé trois chauflees.
L a premiere eft à l'extiêmité d'un terrein coupé à angle aigu par la
i o n a i o n de deux ruiflèaux. C'eft un grouppe de groflès colonnes de bafalte,
qui s'éleve enformede tour ronde à une hauteur confidérahle. Le
maflif qui la recouvre eft triangulaire, fort épais & parfaitement ifolé
de toutes parts. Cet objet vu d'un peu loin fait un effet très-fingulieri
& à tout hafard je l'appelle le chapeau du géant.
La fécondé qui eft à une portée de fufil au-defl'ous,eft dans un goût:
tout différent; c'eft un rideau aflei vafte de prifmes de bafalte dreflés
verticalement à plufieurs é tages, les uns furies autres; non-feulement
les diverfes aflifes font féparées par une lame de terre de l'épaifl'eur d'environ
6 pouces, mais chaque prifme en particulier a encore une pareille
enveloppe d'une matiere terreufe. Ce font ici les plus gros prifmes
non articulés que j'aie vu, & il y en a un grand nombre de quarres, ce
qui eft très-rare.
L a troifteme chauffée n'a rien qui mérite attention. ^
Arrivé à l'extrémité de ce courant, je reprends ma route de 1 o r ient
à l'occident à peu près fur la ligne qui fépare le Gévaudan du Vivarais,
Se qui eft en même-temps le bord de la zone brûlée dont j'ai parlé,
6c j'y trouve Saint-Jean-de-VAchamp, Chenelletes, Pradelles, Langogne ,
Bonjour, Saint-Etienne, Joncheres, & Tlauret. Parmi ces fept volcans,
cinq n'ont guere rien de remarquable que le peu d'efpace qu'ils occupent,
mais ce qui femble d'abord devoir les faire dédaigner, eft préclfément
ce qui fixe mon attention fur eux; & ils me donnent lieu d'obfirver
que les feux fouterreins qui bouleverferent ces contrées à melure
qu'ils approchoient du terme au delà duquel ils ne devoient plus
1 1 '
I
L E T T R É S . 37!)
s'étendre, fe faifoient jour par des iliiies plus étroitês, & dèVenoienc
moins féconds en produits.
Après tout il n'y eut ici de véritàblè Vólcáii que célul de Pradelles^ Si
les fixautres peuvent, à nldnavis, n'être regardés que comme les branches
de quelque grand foyer établi près Ou loin dé l'eiidrOit où ils ont crevé.
Ce volcan de Pradelles eft à mon gré, fiiidà le plus grand, du moins
le mieux caraftérifé , le plus curieux & le plus inftruai f dé tous ceux
de ces montagnes. Non feulement il réunit lui feUl en petit toutes les
beautés , toutes les fingularités éparfes çà & là dans différens autres ,
mais il en a de propres, Sc que inutilement on chercheroit ailleurs.
D'abord ce qu'on appélle Ardenne , eft une terrafl'ê qui termine la
ville au midi ; d'ici la vue s'égare au loin dans les cantons qui étoienc
il y a quelques années le théâtre des exploits de la fameufe b^te du Gévaudan,
fon plan eft recouvert prefque par-tout d'un aridé 8c mince
gazon ; fa folidité eft toute volcanique , & elle domine d'environ 500
pieds fur la petite plaine fuhjacente qu'on appelle lés Fangeres
Ce fut là le cratere du volcan , aujourd'hui ce n'eft qu'un amas de
boues, traverfées de petites fourees d'une eau ferrugineufe, & recouvertes
de joncs & d'autres plantes aquatiques. Lés beftiaUx qui vont y
p a î t r e , s'y enfoncent quelquefois à ne pouvoir plus être dégagés.
Il paroît que de ce gouffre fortirent trois jets de lave ; le premier
f u t dirigé au nord , le fécond au fud-eft , le troifieme vers le couchant
d'hiver; il ne paroît pas qu'il ait fait la moindre éruption au nord-oueft.
Son enfemble n'a pas une lieue de tour. Les trois produits dont je parle
ont chacunleurnom particulier, favoir, ^rrfenne, Kaycftam&o/i & Saint-
Clément :,ih font tOut-à-fait féparés les uns dés autres, & le volcan luililême
en total eft parfai tement ifolé. Ardenne eft une grande terrafl'e à
deux étages, qui domine prefque perpendiculairement d'environ 40 toifes
fur les Fangeres 5 fon plan eft par-tout couvert d'une peloûfe aride, mais
fon revêtement extérieur étale au fud & à l 'oue f t , lïon feulement toutes
les efpeces de bafaltes que j'ai rencontrées jufqu'ici, mais encore toutes
les formes de cryftallifation de cette matiere qui fé trouveiif ailleurs,
fans en compter quelques - unes qu'on chercheroit inutilement autre
part qu'ici. On y voit donc le bafalte fin & très-dur, de couleur azurée
6c mêlé d'une infinité de paillettes brillances, qui né font vraifemblablemeiit
que dé la pouiïiere de fchorl.
L e bafalte groffier, terreux , graveleux , eft très-friable ; il y éft en
tables d'une grandeur énorme & aftéi exaSément équarries,SC en grands
feuillets d'un ou de í pouees feulement d'épaiffeur; en boules trèsfolides
8c affez rondes , 8c- en petites grenailles , en blocs informes , &•
en prifmes régulièrement taillés à plufieurs faces inégales. On y remarque
encore des calottes qui fe font détachées des boules dont elles
couvroient lafurface;- ily en a' de bafalÉë fin 8c de bafalte graveleux. Les
premieres font très-folides 8c fi fortores qu'au- befoin elles pourroiént
fervir de timbre d'horloge.
J'ai mis à part un morceau de cette efpecé avíe une árticüiation de
prifme, femblableà celles de la chauffée d'^ntrijn';. je VeuS dire que l'un
de fes plans a été formé par une calotte fallíante, environnée d'une
marge plate.
I
I il
r ' l
IM! f
Mil
L
I
' i
• ]