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min difficile & périlleuxj à mefure que j'avancois, elle s'aminciiToit
coniidérablement, je n'en trouvois même plus que des portions difperfées
fur les deux rives du ruifleau, lorfque inopinément je rencontrai
un grand banc de bafalte qui ëtoit incrufté dans le roc primitif, fur lequel
il repofoit par Tune de fes extrémités j de deflbus ce banc naît une
iburce d'eaufortement imprégnée d'ochre rouge, & le ruifleau, quand il
eft enflé, pafle par deflus} on voit du refte à ne pas s'y méprendre que
la matiere dont il s'agit eft venue fe pofer là, non pas folide, mais liquéfiée,
puifqu'elle a faifi tous les contours du roc, & en a rempli toutes
les cavités avec la derniere précifion.
Infiniment fatisfait de ma découverte , je ne pouflai pas plus loin
mes recherches, & je me remis en route brûlant du defir de vous faire
part de leur réfultat. Que j'étois bon de m'être épuifé en raifonnemens,
& extrêmement fatigué autour du rocher de Portaloup pour me convaincre
de la liquéfaâion du bafalte; je n'eus pas avancé à un quart
de lieue dans le chemin dupont de la Beaiime à Theuyts, que j'en trouvois
le long du chemin même des courans entiers collés fur le grès , 6c
j e ne vois autre chofe ici depuis quatre mois que je roule fur les produits
des volcans.
Cette importante queftion une fois décidée , voici maintenant des
détails fur ce qui concerne quelques chauflees du hautVivarai s Se duVelay.
Elles y font en grand nombre , mais elles ne font pas toutes à beaucoup
près ni de la même mafle , ni delà même figure , car elles varient en
quelques endroits, &. nommément à Sû/nf-PiJu/zea où font les plus greffes
que j'aie vues. J'en ai mefuré qui ont i o pieds de circonférence, leurs
articulations font de gros plateaux eptagônes , qui ainfi que les pierres
de taille d'un bâtiment , repofenc les uns fur les autres par des furfaces
planes. II me paroît ailez difficile d'expliquer pourquoi les mafles de bafalte
graveleux ne prennent jamais cette configuration, tandis que cellesc
i imitent aflez régulièrement le bafalte pur dans fa cryftallifation. Ces
chauflees gifent indifféremment ou dans des bas fonds ou fur des plaines
, ou fur le revers des colines, ou même fur leur croupe; quelquefois
ce n'eft qu'un immenfe plateau de bafalte de pluiîeurs toifes d'épaiffeur
& qui couronne le fommet d'une montagne de granit que j'appelierois
volontiers roc primitif. On en voit de cette eipece à Antonne fur
la rive droite de la Loire, & ce n'eft manifeftement que le refte d'un
effroyable courant qui vient fe précipiter dans le fleuve.
A Maires ce font de largeszones qui entourent les monticules auxf
ou aux 7 de leur élévation. Celle de Danis près du F « j , de Cherche-
Mus au deflus du lac à'EjfarUs en offrent de femblables. Je remarque
pourtant que les chauflees fe trouvent plus fréquemment au bord des
eaux courantes qu'autre part; celles de Portaloup, òt Theuyts, du Colombier
dans le bas Vivarais, de Mauras,de la Villatte, de Joncheres
en montagne, de Ceijfon, à'Arlempde, de Goudet,de Saint-Quentin^
d'Expailly, delà Roche-Lambert, de Ceijjaguet dans le Velay, font
toutes au bord des ruifl'eaux ou des rivieres, & cela doit être ainfi; une
matiere liquéfiée, prefque auffi pefante que le métal fondu, doit nécefl'airement
defcendre autant qu'elle peut le faire. Ici comme ailleurs le terrein
s'abaifle à mefure qu'il fe prolonge vers le lit des rivieres ; les
courans
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courans de laves, lancés du fond des cráteres quiétoient fur les hauteurs»
ont fuivi cette pente, & font venus, en fe précipitant dans les eaux,
en barrer quelquefois le cours ; d'autrefois auifi les matières volcaniques
en fufîon, ont eu le loiflr de fe durcir avant de parvenir jufqu'au fond
des vallons..
On voit le long du ruifleau de Langognole dont je vous parlerai ciaprès,
un courant de bafalte qui efl venu de je ne fais ou, fe coler prefqu'en
ligne perpendiculaire fur l'une de fes rives taillées, 6c demeure
comme fufpendu 3 1 5 toifes de diftance du niveau de l'eau; ce n'eft
pas la feule iîngularité que cet endroit-ci étale , le bafalte s'y eft formé
en prifmes, je dirois volontiers triangulaires,d'une grofleur ÔC d'une hauteur
fort confîdérable , & en les regardant de demi-profil, ce que je
ne pouvois guere faire autrement, il me fembloit voir un rideau d'angles
faillans de baftion. J'appelle ceci la chauflëe de la Toulle, parce
qu'elle eft en face du hameau de ce nom, qui eft de l'autre côté du ruiffeau.
Si les courans en fe précipitant dans les rivieres, en ont quelquefois
interrompu le cours, celles-ci de leur côté ont agi fi puiflamment contre
ces nouvelles digues qui leur étoient oppofées, qu'elles les ont ou abfolument
détruites, ou n'en ont laifle fubfifter fur les rivages que quelques
lambeaux épars, ou fe font ouvert un paflage tout au travers en
les perçant à des profondeurs étonnantes. On ne fauroit croire quelle,
a â i o n ont les eaux fur le bafalte, cette matiere fi dure & iî intraitable ,
elles le rongent, l'atténuent, le divifent, fur-tout lorfqu'ileft graveleux,
avec une célérité que j'aurois peine à croire moi-même, fije n'en avois
des exemples que je vous citerai peut-être ailleurs- &. qui vous étonneront.
Tous les produits des volcans qui fubfiftent en mafl'es découvertes ,
( car il y en a beaucoup d'enfevelis ) foit que ce foit des chauflees ou
des rochers , ont au pied des abatii immenfes des mêmes matieres dont
ils font formés ; ce font des quartiers de roche, des prifmes entiers, des
articulations féparées qui defcendent en talus très-rapides à de grandes
diftancesdu corps de la colonnade. Toutes ces mafles qui ne préfentent
que des furfaces anguleufes , 8c laiflent de grands interftices entr'elles,
rendent l'abord de la chauflee extrêmement difficile & périlleux, & c'eft
ce qui a fait queje n'ai pu en confidérer quelque-unes que d'afl'ez loin,
malgré le defir que j'avois de reconnoitre de près leurs articulations,
leurs accidens, ¿Ce. Celles qui font le long des rivieres ont leur bafe
plus dégagée , parce que les grandes inondations viennent de temps
en temps , non feulement balayer tous ces débris, mais encore en faire
de nouveau. Des files entieres de colonnes font emportées à deux, à trois,
jufqu'à quatre rangs de profondeur , & le parement delà chauflee ne
croule pas toujours à mefure que les prifmes inférieurs qui le foutiennent
, commencent à manquer : on en voit dans quelques endroits des
mafles effroyables en l'air qui femblent ne tenir à rien, & qui furplomblent
de 8 à 10 pieds en deçà de l 'alignementdes fondemens; il eft trèsdangereux
en tout temps de fe tenir fous ces efpeces de forjets, n^ais
principalement lorfqu'il a plu , qu'il dégele , ou qu'il gele même ; il s'en
détache alors des blocs confîdérables, ainfi que l'annoncent les éboule-
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