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minfalfant que fi elle avoit été couiée, c'étolt cercamement le plus
beau jet de fonte qui fût forti des fourneaux de la nature. Arrivé dans
ma patrie , je n'ai eu rien de plus prelfé que de rédiger mes obfervations
; mais hélas le deffein tant promis n'arrive pas, & depuis trois mois
j e le demande en vain ; mais je viens d'apprendre que vous l'avez fait
deffmer vous-même , & je fuis fatisfait.
Quant au vade enfoncement dans lequel eft fitue la capitale du Velay,
& qu'on appelle dans ce pays le creux du Puy , je le regarde comme le
produit d'une ou de plufieurs bouches de volcans autrefois ouvertes à des
profondeurs effroyables, aujourd'hui comblées de terre d'une fertilité
admirable; je penfeque de tous les côteaux quicompofentle pavillon de
cévafte entonnoir, les uns font entièrement formés,les autres feulement
recouverts de croûtes très-épaifles de laves, mais fur-tout que les quatre
magnifiques rochers , favoir , celui de Polignac ,SExpailly, de Samt-
Michel & de Corneille, qui du centre ou des bords des cráteres , s'élevent
à des hauteurs plus ou moins grandes, mais toutes très-conlidérables,
que ces rochers , dis-je, font certainement les produits volcaniques
les plus fuperbes Siles mieux caraSérifés. , ,
V o i l à , Monfieur, ce que j'ai reconnu d'une maniere à n'avoir plus
abfolume'nt aucun doute , Se ce que j'ai ofé articuler non pas indifféremment
à tout le monde , mais à quelques gens d'efprit de mes amis , qui
après s'être divertis de cet étrange paradoxe , ne pouvoient revenir de
leur étonnement, quand montés fur les rochers même , ils fe font vus
forcés de céder à l'évidence. , , „
L e premier afped de la chauffée du pont de la Beaume ne fut pas
favorable à votre opinion fur la fufion des bafaltes.. En voyant cette
loneue file de colonnes recouvertes d'un énorme maffif de la même mat
i e r e , & le tout furchargé de terres plantées d'arbres Se couvertes de
moiffons, je jugai d'abord qu'il étoit impoffible qu'elle eût eu rien à démêler
avec les,volcans ; ce qui me confirmoit dans mon idée, c'eft qu'en
regardant attentivement de tous côtés autour d'elk, je ne découvrois
rien qui eût trait aux argilles cuites , aux cendres pétrifiées, aux pouzzolanes
Se à toutes ces matieres qu'on remarque conflamment autour
des cráteres des''volcans.
Je découvrois feulement dans la riviere qui coule au pied, des ponces_
noires, mais je les prenois pour du tuf. Si je ne favois pas ( ce que )'al
découvert depuis ) qu'elles ne font que l'écume du bafalte bouillant;
cependant à force d'obferver, d'examiner, & fur-tout de fouhaitef que
vous euffiez rai fon, je fis coup fur coup quelques réflexions qui me conduifirent
à la conviSion complete de la fufion de cette formidable malle
que j'avois devant les yeux. , „ „
L a premiere me vint du gifement même de la chauffee, elle le trouve
dans un vallon étroit & profond, bordé de montagnes de grès ou de gran
i t , je ne me rappelle pas exadement lequel des deux, mais cela importe
peu à l'objet préfent; elles fe confrontent de fi près en quelques
endroits, Sc leur couche refpedive ont une fi exade correfpondance
entr'elles, qu'il eft évident qu'elles ne faifoient autrefois qu'un même
corps de montagne qui a été profondément fillonné par les eaux quicoulent
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au travers. Au fond de l'intervalle qui les fépare exifient des maffes
énormes de rocher, d'une efpece, d'une couleur, d'une configuration
tout-à-fait différente; un amoncekment prodigieux de pierres qui femblent
n'en faire qu'une feule Sc qui font réellement toutes divifées;
pierres du refte qui ne font pas entaffées fans ordre, mais qu'on diroic
que des géans fe font occupés pendant des fiecles entiers à tailler, à
polir, à arranger avec art & fymétrie.
Comment fe perfuader qu'elles ont été toujours là, 8c que les eaux
qui ont formé ce vallon, les ont feulement découvertes? Il eft bien plus
naturel de conclure que c'eft un accident furvenu au vallon lui-même Sc
un bel accident je vous aflure, car je crois qu'il a plus de 100000 toifes
cubes de mafîé. La breche que les eaux ont faites à la chauffée, me fournit
la fécondé preuve de ion arrivée en cet endroit. Pour bien faifir
mon idée, il faut fe figurer qu'elle regne dans un vallon étroit ainfi que
j'ai dit, à la longueur de plus de 2000 toifes, Sc qu'elle eft baignée au
pied par deux grands ruiffeaux qui ont leur direition oppofée ; l'un vient
du nord, Sc l'autre du fud. Us fe rencontrent au pont de la Beaume ,
Se forment par leur réunion la riviere d'Ardeche qui fuit à l'orient. Ici,
c'eft-à-dire au point de réunion de ces eaux, le vallon s'élargit Si forme
un terre-plein affez vafte Sc de figure irréguliere. Ceci pofé , quiconque
s'appliquera tant foit peu à réfléchir, verra évidemment, même
fans être fur les l ieux, l®. que les eaux arrivées du nord Sc du fud, au
terme que je viens de défigner, s'y feroient néceilàirement arrêtées 6c
accumulées, fi elles n'euffent pu déboucher ni à l'eft ni à l'oueft.
2°. Que fuivant leur pente naturelle elles ont dû gagner l'orient où
le terrein s'abaiffe fenfiblement, 8c c'eft de ce côté là effeaivement
qu'elles fe font ouvertes un lit très-profond dans le roc primitif.
3°. Et c'eft ici la plus importante remarque ; la chauffée qui en p r -
iant du fud s'étoit prolongée fans aucune interruption fur le côté orlen,
tal du vallon,en fouffre une très-confidérable dans toute fa largeur précifément
au pont de la Beaume, fous lequel les deux ruiffeaux commencent
à prendre leiir cours vers l'orient.
D e toutes ces obfervations il réfulte démonftrativement que la chauffée
n'a pas toujours été là, mais qu'elle vint s'y placer comme une efpece
de digue qui intercepta totalement le cours des eaux à l'eft, que
celles - ci retenues de toutes parts , s'enfierent jufques à la hauteur
de la chauffée qui eft ici de près de 80 pieds, Sc que de là elles commencèrent
à fe précipiter en cafcade dans leur ancien lit. Il eft vifible encore
qu'avant de parvenir à une élévation auffi confidérable, elles durent
refluer bien avant vers leurs fources oppofées qui ont chacune plus
de 200 toifes d'élévation fur cet endroit-ci, qu'elles y féjournerent trèslong
temps avant d'avoir pu renverfer la digue qui s'oppofoit à leur
cours vers l'eft, qu'elles formèrent même alors le baffin qui eft en avant
du pont; ce qui arrivera néceffairement toutes les fois que deux courans
oppofés venant à fe rencontrer , n'auront aucune iflue pour
échapper.De toutes ces obfervations je conclus à la fufion du bafalte; je
vis clairement que cette longue maffe n'étoit autre chofe qu'un torrent
de laves qui étoit p r t i des gorges du nord : dans l'el^joir d'en trouver
le cratere, je me mis à la fuivre en remontant de ce côté là par un che