R E C H E R C H E S
4°. Cette chaux employée en mortier avec du fable non terreux, prend
corps beaucoup plus promptemenc que la chaux commune , 6c forme des
ouvrages d'une très-grande folidité.
L a chaux grajfc ou la chaux commune eft celle qui eft faite avec des
pierres calcaires tendres, fouvent un peu marneufes, qui contiennent
quelquefois beaucoup de corps marins foiîiles , ou celle qui ayant un
grain rapproché de la meilleure pierre à chaux fe trouve néanmoins tellement
chargée de principes gras ou d'acide volatil phlogiftiqué, que l'eau a
de la peine à en diflbudre les molécules j ce qui eft caufe qu'on eft obligé,
avant d'employer une telle chaux, de la faire macérer long-temps dans
l'eau, afin qu'à la longue cette matiere gazeufe fe décompofe ; in maceratione
diuturna , a dit Vitruve , liquore defervere coacîa. Auiïi voyonsnous
dans les anciennes loix romaines qu'il étoit défendu aux entrepreneurs
d'employer cette efpece de chaux qu'ils nommoient cû/*mc2cerûia,
chaux macérée, à moins qu'elle n'eût trois ans de fufion.
Il exifte quelquefois dans l'intermédiaire différentes chaux qui tiennent
le milieu entre la chaux vive & la chaux grajje. On comprend
même combien il doit y avoir de nuances & de modifications diff'érentes
¿ans.ce genre. Il n'y a prefque point de pays où la chaux foit abfolument
égale &C refferable en tout à celle d'un autre pays -, ces différentes variétés
ont été de tous les temps la caufe que les perfonnes qui ont voulu
donner des procédés ftridles &C généraux pour les dofes de chaux dans pluiieurs
cimens qui on été imaginés depuis peu , ont prefque toujours
échoué, & cela devoit être.
L a chaux vive , d'une bonne qualité , eft la feule qui puifie être utilement
employée dans la fabrication du mortier de pouzzolane , deftiné
à fervir dans les conftruÛions fous l'eau j fi on faifoit ufage des chaux
communes , je ne répondrois pas du fuccès , je le croirois même d'avance
incertain ; il eft cependant toujours bon de faire des eflais, S< voici une
méthode fimple pour procéder à des épreuves.
Prenez une mefure de chaux du pays dont vous voudrez faire l'effai,
ayez attention qu'elle foit nouvelle j faites-la détremper à la maniéré
uiltée du lieu j joignez-y deux mefures de pouzzolane , une demi-mefure
de gros fable non terreux j fi vous n'êtes pas à portée de vous procurer
du fable de cette qualité, il vaut mieux s'en palTer que d'employer du
fable altéré ; joignez au tout deux mefures de recoupes de pierres ou de
blocailles dont les plus gros fragmens n'excedent pas la grandeur de la
main j faites foigneufement broyer le tout en employant de l'eau de
riviere , de fontaine ou de puits , pourvu qu'elle ne foit pas chargée de
félénite. Vot r e mortier ainfi f a i t , laiflëz-le repofer l'efpace de fix heures;
jetez-le après ce temps-là dans une bonne & forte cailTe percée dans
tous les fens par des trous d'environ 3 ou 4 lignes de diametre , afin de
donner ifîue à l'eau j que la caiffe ait la grandeur convenable à la quantité
de matiere que vous voulez mettre en épreuve; on peut en employer deux
ou trois pieds cubes. Ayez attention non-feulement de remplir exaâemenc
la cailTe , mais faites-y entrer avec force & à coups de marteau quelques
, pierres pardefliis, de la groffeur environ du poing; fermez alors votre
caiiTe avec un couvert également percé , que vous fixerez avec de gros
doux ; defcendez le tout dans une piece d'eau, dans un puits, dans une
marre
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marre ou dans une riviere où vousle lailîerez en dépôt pendant trois mois t
ce délai expiré , retirez la caifle, & fi la chaux que vous avez employée
fe trouve bonne & convient à la pouzzolane , le mortier aura formé un
corps dur , un enferable de la plus grande folidité , que l'eau & le temps
durciroient encore davantage. , ^ ' .
Cette épreuve, auffi fimple que peu difpendieufe, peut être de la
plus grande utilité pour faire des eflais ; on pourra facilement connoître
par là la qualité de la chaux du pays qu'on habite ; il eft bon même de
ne pas négliger cette épreuve , car j'ai vu quelques efpeces de chaux
ailéz médiocres en apparence & foibles, employées avec le fable, réuffir
parfaitement & prendre corps dans l'eau, lorfqu'on les unifloit avec la
pouzzolane ; ce qui prouve combien cette fubftance tend à augmenter
la qualité de la chaux.
Compofition du mortier de Pou^iiplane pour les grandes conjîraclions
dans la mer.
Douze parties de pouzzolane.
Six parties de gros fable non terreux.
Neuf parties de chaux vive bien cuite.
Six portions de blocaille ou recoupe de pierre.
Préparation du mortier. 1°. On prend la quantité de chaux vive
nouvellement cuite qu'on veut employer; on l'étend de gros en gros
en rond , & on l'entoure d'une digue circulaire de pouzzolane pour
retenir l'eau ; le gros fable , les recoupes de pierre doivent être prêtes,
mefurées & fous la main. . _ .. .
On jette d'abord fur la chaux de l'eau de fontaine , de nviere ou
de puits, mais il faut que cette derniere ne foit point, chargée de félénite
Ayez attention en verfant l'eau de la répandre par gradation & à
plufieurs reprifes, afin que la chaux s'échauffe lentement, mais fortement,
, & qu'elle paille fe divifer en molécules très-fines ; cette méthode
au refte eft connue par tous les maçons expérimentés : elle eft eflentielle ;
il ne faut pas noytr la chaux , difent-ils, & ils ont raifon.
Dès que la chaux fera bien dlvifée, bien fondue 6i réduite en
pâte laiteufe , il faut la mêler fur le champ avec k pouziolane ; c'eftà
dire, que des ouvriers jetteront alternativement fur le monceau , de la ,
pouzzolane & du gros fable , tandis que d'autres broyeront & gâcheront
le tout avec foin. , . . . ,
4°. Cette opération faite , il faut rebroyer une fécondé fois fur le
champ le mortier , & y introduire les recoupes de pierre ; pour que
cet amalgame fe fafle bien , il faut rendre la pâte liquide en y jetant un
peu de nouvelle eau fi la chofe paroît nécell'aire.
5° Faites mettre le toufen tas, Sclaiifez-le repofer en cet état pendant
fix heures ; on peut , après ce temps-là , en faire ufage & employer
ce gros mortier pour les conftruSions dans l'eau, foit par encalflement,
par jetée , ou felon les différens procédés ufités dans l'art de bâtir dans
la mer ou dans les rivieres.
Ce procédé fe pratique depuis long-temps a Toulon, où Ion voie
de très-grandes conftru6tions dans la mer, foit à l 'arHf enh alh, foit au port.