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a remarqué que depuis l'amiée 1755 , époque fi fatale à Lisbonne,
ces tourbillons font ici moins fréquens & les hyvers moins longs Se
moins rigoureux. Cependant au mois de février dernier , des mendians
rafl-emblés de divers endroits, étant venus recevoir à Saint-Paul'de'
Tar tas une aumône qui de voit s'y faire , on lailîa languir ces malheureux
fans feu & fans alimens dans une grange , jufques vers les quatre
heures du foir. La diftribution faite ils fe retiroient chez eux à travers
les neiges j le temps ét-oit eahïie ; mais à peine furent-ils à 500 pas du
village, qu'un vent marin fwieux venant à fouifier, ils fe virent inveftis
de pouffiere de neige. Les plus robufliès éch^i^pereni:, mais huit d'entr'eux
périrent miférablement.
L e bruit de ce t-rifte événement s'étaat répandu quelques heures
après dans Fradelles^ qui n'eft qu'àdemi-lie-ue de l'endroit où il venoic
de fe paiFer, un pauvre habitant de la ville craignit paur fon fils âgé _
feulement de douze ans, qu'il favoic être-allé participer à la, diftribution.
L e temps étoit horrible , mais cela n'empêcha pas qu'il n'alla feul fur
le minuit, un brandon de paille à k main, le chercher dans les neiges.
I t i y trouvaétendu mort & gelé, peu s'en fallutqu'il n'y reftâtlui-même,
mais enfin il eut aflez de force pour charger ce cadavre fur fes épaules
6c vçnir le jeter brufquemenc aux pieds de- f a femme en lui diiant ,
p'oilà ton fils.
D é f i n i r e z comme il vous, plaira ee trait de barba-re tendrefle,}e doute
que parmi l'es fauvages du Ca-nada il s'en voie de pareils.
• Un faitd\ine eipece approchante, & de la vérité duq4ael je puis vous
donner tous mes concitoyens pour garans, s'étoit pajîe à peu prè« au
même endroit cinq an^ auparavant-. Un chauderonni^r de Fradelles étoit
allez tenir un «nfânt en baptême à Saint-Arcons -, grande fête à la fia
l'a cérémonie , le vin fur-tout--ne fut pas épargné , le parrain en bue
trop , & fe fiant fur la bonté de- fqn cheval, il s'obftina, quelques re^.
montran.ces- qu'on pût lui faire , à fe mettre en chemin à l'entrée de
la nuit pour revenir chez lui 5 to-u-t étoi t couvert de neig-e j il faifoit un
froid exceifif i pour comble d'infortune- k vent s'éte-va & notre homme'
périt. E>eux jours après des gen-s qui le cherchoieiîC appe-rçurenC de loin
u n chevalimmobile fur une émi-nence, ils accourenC le voient retena
par la bride palTée à deux tours-dans le-bras d'un cadavre enfoncé dansla
neige ; ils veulent s'en iài-iîr-, le cheval s'effarouche, rompt fa bride'
Se fuit au galop à travers champs-; on s'éloign-e-à dejïè-ia-, la pauvre bête
ne. tarde pas à revenir à fon premier pofte où elle fe laifle-prendre fansréfiftance.
On adtaiira eneofe- moins l'exemple d-'actaobement ÔC de fidélité
qu'elle donnoit à fon maître, qu'on ne fut furpri« qu'elle eût pu.
fiibiîfter deux fois vingc quatre- heures fans boire-ni maog&r en plein:
air au miiieu-dçs vents-, des neiges des. glaces d'un pay-s auili froid
<Tue le Canada.
- O n n'auroit garde de- fè- raiettre en rou-ee-, fi- l'on pouvoit prévoir ces'
terribles. ouràgMs , mais les-plUs habile-s y font fouvent trompés. On: part'
par un tems calme, rien ne préfàge la tempête, elle arrive fubitement,
¿C dure quelquefois- Les-qu in se jours & les mois entiers. Le pays eft alors
or^irrairement fermé. Toute communication d'un- lieu à un autre eftirterrompue.
Si l'on eft-eti-voyage, il faut s^iiwdt^r par fojce-dsns ces
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miférables taudis où l'on a été afiez heureux que de pouvoir fe retirer,
& l'on a tout le loifir de s'y confumer d'ennui, de froid, & même de
faim. Les muletiers font ceux qui fe trouvent le plus expofes à ces fortes
d'accidens. Les voitures étant inconnues dans ce pays, tout le tranfporc
des denrées s'y fait à dos de mulets.
Ceux qui les menent ne trouvant pas leur compte à ces longs & difpendieux
féjours, affrontent le mauvais temps fous la conduite même de
leurs mulets, & ils n'ont pas toujours lieu de s'en repentir. Il eft coni^
tant que ces animaux ont un inftinft merveilleux pour ne pas s'écarter
de la route, quoique la neige la couvre à un ou deux pieds d'épaifleur,
ou pour la rattraper lorfque le tourbillon les a dévoyés.
Pçur mettre à profit leur fagacité, le muletier a foin de faire marcher
à la tête de toutes fes bêtes de charge un mulet expérimenté qui aie
paflë & repalTé fréquemment fur ces montagnes. L'animalcondufteur,
amplement garni de fonnettes, entre fièrement dans les neiges, y fait la
premiere trace, porte conftamment la tête au vent, à moins qu'il ne la
baiiTe pour flairer les endroits dangereux, s'arrête, fe détourne, revient
fur fes pas felon le befoin. Tout fuit avec docilité & Ton parvie nt au gîte.
Cependant il arrive quelquefois que ces tourbillons de neige venant
à s'épaiiTir par la violence des vents qui fe choquent, hommes ôc bêtes
tout refte par chemin ^
Inutilement chercheroit-on quelque eipece de fruit dans ces climats
fauvages, toutes les produftions de la terre s'y réduifent à du feigle, de
Favoine, de l'orge, des poids, des pommes de terre &C des-raves. Tous
ces grains Ôt légumes fon-t excellens & meilleurs que ceux de pareille
efpece qui viennent dans les climats chauds. Les pâturages forment la
principale richefie du pays; l'herbe y croit avec une rapidité finguliere.
Pour peu que la chaleur fe faffe fentir, la terre qui ne préfentoit qu'un e
furface aride &-de couleur de rouille, fe pare prefque fubitement de verdure.
Les fels que les longs féjours des neiges y avoient dépofés, ne
contribuent pas peu-à la célérité de cette végétation. Dans trois-mois
tout naît, fe développe, mûrit, & il n'y a pas de temps à perdre pour
couper les- moiflbns & les mettre à l'abri, on eft fouvent même obligé
de les enlever de deflus les champs avant qu'elles foient parvenues
à une parfaite maturité ; il faut pour ainfi dire y dérober les récoltes aux
fi-iviiats qui ne manquent guere de reparoître au mois de feptembre.
- Ce qui met le comble à la mifere du pays, c'eft que le bois de chauffage
commence à y manquer prefque abfolument. Les forêts de hêtré
qui couvroient autrefois la terre , ont difparu en grande partie. Le
pin Se le fapin, très-mauvais bois à brûler, font aujourd'hui prefque la
feule reflburce du pîfys ; elle fera même bientôt épuifée. Les cheminées-
8c les poêles fe font multipliés à mefure qu'on a eu moins de ;quoi les
erltretettir. On coupe, 0«. détruit tout ce qui fe préfente fous la main
fans fe mettre en peine de planter un feul arbre. D'autre part il n'exifte
i c i aucune trace de charbons foiKies, ni de quoique ce foit qui puiffe
remplaser lé bois. Déj-à dan« quelque-s endroits, comme à Landos, au
" l e fus fris mii-méme dans cette région fi-oide-&; compagnd d'un ecclifiaftique du lieu & d'un guide que
déferre , pardon'brouillard-qui noiiï-fit- petdre-le cfee»' noiis prîmes-fur la- rouce. SV le brouiOarà eik- ¿té-âcnùn
^)â reftav^g^ré one-pai-ciedeianulc, quoiqueae- .compagné deRe^e,nous p^iffiens ceicùneraenc.