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avec plaifir les nuances, les degradations infeníibles, & vous jugerez
que c'eft un véritable bafaite altéré.
J'ai en mon pouvoir d'autres échantillons non moins démonftratifs,
o ù Ton retrouve encore divers accidens qui ne laiflent aucun doute à
c e fujet : vous comprendrez que je n'ai pas eu tort de vous mener à ce
paÎTage par les articles précédens, qui font les premiers anneaux de
c e t t e chaîne. Vous voyez par là que loin de croire que les laves &
• les bafaltes foient des granits fondus , on pourroit foupçonner au contraire
que les bafaltes peuvent pafîer quelquefois à l'état de feld-fpath
granitoide, fans que je prétende cependant faire de ceci une regle générale.
C e ne fera même qu'avec le temps , & d'après de nombreufes
obfervations faites par des naturalises aiFeâionnés à fuivre la partie
des volcans , que mon opinion fera peut-être goûtée. Je me réfigne jufqu'alors
à fupporter tranquillement toutes les critiques, même les plus
a m e r e s , que mon obfervation ne manquera certainement pas de faire
naître.
4 . On ne fe douteroit certainement pas que la pierre blanche de
cet article fût un bafakej cependant c'en eft un. Cet échantillon a été
Îîris fur la montagne du Meiinc-, il eft pefant, a de la coniîftance fans
d u r e t é , fe laifle tailler, eft fee au toucher comme la véritabl e pierre ponce
blanche : fa couleur eft d'un blanc mat, luifant 6c comme argenté : obf
e r v é à la loupe , on diftingue que c'eft un bafalte qui a perdu fon fer, ou
du moins que fes molécules ferrugineufes fe font cachées fous une enveloppe
nouvelle : ce qui fembleroit le prouver, c'eft que ce bafalte,
quoique blanc, réduit en poudre & jeté dans l'acide marin, donne à cec
acide une couleur citrine très-vive; quelques gouttes de cette diflblution,
recouvertes d'eau, produifent un bleu de Prufl e foncé & éclatant, par l'intermede
de l'alkali phlogiftiqué ; expérience qui annonce la préfence du
f e r dans cette lave, que j'appellerois volontiers bafalte fpathique.
L a pâte de cette pierre eft formée par un ailemblage de grains écaill
e u x & irréguliers, dont quelques-uns, mais en petit nombre, afferent
l a forme rhomboïdale : o n y v o i t auffi de petites lames minces Scbrillantes
qui reflemblent d'abord à du mica blanc, ou mieux encore au talcitc,
mais tournez & retournez ces morceaux au foleil, en les étudiant avec
la loupe, & vous ne tarderez pas à découvrir qu'ils ne font formés que
de la même fubftance du corps de la pierre, c'eft-à-dire, de feld-fpath
brillant. L'échantillon que je vous offre eft d'autant plus intéreflant
encore, qu'on y diftingue quelques petites pai l lettes de fchorl noir, nullement
altérées, qui font fort remarquables, fur un fond blanc: une des
faces de ce morceau offre de jolies herborifations en dendrites ferrugineufes.
V o i l à , MILORD , de belles variétés dans la lave ; voi l à un paffage bien
i n t é r e f l a n t , un changement bien extraordinaire dans le bafal tej tout ceci
pourra peut-être nous mettre fur la voie de faire des découvertes fur la
premiere origine de pluiîeurs pierres, que nous étions bien éloignés
d'attribuer au feu: je ne voudrois pas d'après cela qu'on donnât dans
l ' e x c è s 6c qu'on général i fât trop la chofe, mais qu'on marchât l'analyfe &
les preuves à la main. Pour moi je crois que la matiere vitrifiable qu'on
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trouve danslabafe des déjeÛions volcaniques, dans les argilles, dans les
cryftaux de roche, dans les quartz, les feld-fpath , &:c. éprouve une
multitude de modifications que nous fommes bien loin de connoître
encore, foit lorfqu'elle eft maniée par les eaux, par le feu, ou combinée
avec diverfes fubftances fal ines, acides, alkalefcentes, ouphofphoriques.
C e ne fera que par des obfervations fines, fuivies & comparées, que des
naturaliftes infatigables viendront àbout quelque jour de porter la lumiere
fur cette belle & favante partie de l'hiftoire naturel le, la lithologie.
Convenez que fi j'eulîe foumis un morceau ifolé de la lave blanche
dont je viens de vous parler, à l'examen d'un obfervateur éclairé , il auroit
pu fe trouver embarralfé, tandis qu'en étudiant la nature fur les
lieux , en fuivant les nuances, les gradations qu'elle préfente , en obfervant
la liaifon & l'enchaînement des faits, peu à peu les épines difparoilTent,
la route s'applanit, on voyage avec plus d'aflurance & de fermeté
dans les fentiers de la nature ; on ne découvre pas à la vérité fes
f e c r e t s , comme bien des gens ofent le croire, mais on recueille au moins
des faits, on ramaife de bons matériaux pour fervir de bafe à fon hift
o i r e . Si vous euifiez pris, dans le temps , une portion de la fubftance
a r g i l l e u f e , produite par l'altération des laves de la Sol fatare, & qu'elle
eût été reraife à de bons naturaliftes , à d'excellens chymiftes, pour être
examinée , auroient-ils jamais foupçonné que des laves, que des bafaltes
durs & noirs avoienc donné naiflance à cette argille? mais vos obfervations
& le faic ont rais cette vérité dans tout fon jour , & votre découv
e r t e n'a pas tardé d'en faire naître d'autres. La fcience environnée
d'une immenfîté d'obftacles , ne marche qu'à pas imperceptibles &C l ent s :
f o r c é e fouvent de s'arrêter, elle refte des fiecles entiers en ftation ; mais
une circonftance heureufe la poufl e rapidement ; elle brife alors les barrières
qui lui fai foient obftacle , & s'élance à pas de géans dans la route
des découvertes. Pardonne z ,MILORD, c e t t e digreifion, mais je me plais,
en rendant juftice à vos découvertes, à me redire à moi-même & à me
répéter fans cefle,'qu'il faut voiries objets en place , contempler la
nature fur le fol même où elle étale les richelîes les plus analogues à
nos goûts, & celles qui nous intéreifent davantage.
Je ne crois pas qu'on doive attribuer toujours aux vapeurs acides fulphureufes
, l'altération des bafaltes dont je viens de parler: cette opération
pourroit avoir des caufes plus lentes & d'une autre nature j mais elles '
me femblent fî fort fe dérober à nos yeux, qu'on s'expoferoi t à donner trop
dans le fyftême en voulant tenter de les expliquer. Tout ce qu'on peuE
dire de plus raifonnable à c e fujet , c 'ef t que plufieurs circonftances, telles
que leféjourdes eaux de la mer, des eauxminérales froides ou thermales,
chargées de principes falins, o u fortement imprégnées d'air fixe, ou peutêtre
encore les neiges & l'humidité conftante, p euv ent à diverfes époques
avoir occaiionné les changemens qu'on remarque dans ces bafaltes.
C e p e n d a n t , MlLORD, permettez que je hafarde ici une opinion à
laquelle je vous prie de ne donner que la valeur qu'elle mérite : j 'oferai
vous dire que je foupçonné, depuis que j'ai lu les expériences de
M. Achard jchymi f te, de l 'académie de Berl in, communiquées au prince
de Gallitzin, & que vous pouvez voir dans le journal de phyfique du
mois de janvier de cette année , au fujet de la régénération de la terre
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