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enflammés , & qui font aujourd'hui métamorphofés en un charmant féjour
où vingt milie ouvriers travaillent paiiiblement ilir la même fournaife
dans laquelle , parmi les bouillonnemens & les écumes d'un lac
de feu , furent d'abord fabriquées les roches de Corneille & de Saint-Michely
ôclancées delà fur la place où on les voit préfentement. Pour couper
court à toutes ces indéterminations, je ne traiterai maintenant aucun
de ces articles en particulier j mais voici des obfervations qui les
concernent tous en général.
Je remarque donc, 1°. que nos volcans fe firent jour indifféremment
fur les montagnes, dans les plaines 6c au fond des vallons : ceux des
hauteurs me paroiflént avoir été en même-temps les plus violens. Si
du fond de la Loire où eft la chauffée de Ceyj^on, vous remontez à
l'endroit d'où elle eft partie, vous arrivez par une montée très-rapide
à la demi-hauteur du Suc ; là, fur le revers du roc, eft une concavité
en forme de coquille, de 50 toifes au moins de diametre en tout fens:
ce fut la moitié de la coupe d'un volcan qui ne s'ouvrit jamais d'iffue
par le haut de la montagne, mais qui , en faifant fon exploiion à l 'oueft ,
fit fauter toute la part i e du rocher qui avoit le même confront, & laiffa
à découvert tout le profil de l'épouvantable fournaife où les bafaltes de
la haute & vafte colonnade de Ceyjfon, avec le courant qui y conduit,
avoient été mis en fufion.
Pour établir quelques probabilités fur la pofition de nos volcans
e'teints, il faut que je dife d'abord un mot de lajnanier e dont je me perfuade
que les volcans ont toujours, fait leurs eruptions. Sans autre lumière
à cet égard que la certitude où je fuis que des montagnes &.
des ifles chaffées par des feux fouterreins, ont paru prefque fubitemenc
f u r la furface de la terre & de la mer où elles fubfiftent encore, je dis
que les volcans pouffent les matieres en dehors par coulées y par jets &
par fufées : ii les termes vous paroiffent nouveaux & fuiguliers, je
ferai en forte qu'ils ne foient pas au moins obfcurs.
J'appelle une éruption par coulée, celle où les laves en fufionmont
e n t du foyer d'un volcan, jufques au bord de fon cratere , & delà
fe répandent par ruiffeaux de'-côté & d'autre: c'eft du lait qui mis
dans un vafe affez p rofond, 5c pouffé par un feu fort vif, monte d'abord
jufques à l'orifice du p o t , & verfe enfuite à grands flots de toutes
parts.
Celles par jets fe font lorfque les matieres, foit folides, foit liquéfiées,
ibnt portées de volée, comme des bombes ou boulets, à une certaine
diftance Je la bouche du volcan; ces jets, du refte, ne peuvent
guere avoir lieu qu'autant que l'ouverture du cratere eft un peu inclin
é e , o » ^ u e le cratere lui-même eft vafte & peu profond.
Enfin", j ' ent ends parles éruptions en fufées, dont je vous dois la premiere
idée & la démonftration, celles où les matieres fortent tout-àcoup
& pour la premiere fois du fein de la terre ou des eaux, montent
en ligne perpendiculaire à des hauteur s confidérables, & demeurent
fur place. Les morceaux de terre que les Taupes élevent fur leur tête
lorfqu'elles bout tent, peuvent donner une idée affez juft e de ceci. Ce
furprenant jeu de la nature une fois conftaté par la création du Monte
Nuovoydzns le royaume de Naplesl 'an 15 58,me.donne de grandes lumieres
pour
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pour expliquer laformat ion detousnos monticules de laves ifolés; Tartasy
Founnagne , Brunellet, Billar^ paroiffent avoir été élevés de cette
maniéré, il refte à examiner s'ils ont été formés par fufées : plufieurs
eirconftances le prouvent ; ils dominent tout, & ne font dominés par
aucune hauteur immédiatement placée aux environs; nul veftige de crat
e r e , ni auprès , ni au loin de la plupart ; quelques-utis font tellement
écartés de tout ce qui peut appartenir aux volcans, qu'à moins qu'ils
ne foient tombés du ciel , ils font évidemment nés fur place comme des
champignons : ent r e vingt exemples que je pourrois citer de ceci, j e m'attache
à la chauflee de la Fare ; c'eft peut-être le morceau volcanique
le plus curieux par fa poiîtion qui foit fur la terre.
Pour en avoir une jufte idée , il faut d'abord fe figurer une langue
de terre qui fépare la Loire d'avec Langognolle, ÔCqui fe prolonge en
triangle aigu, jufques au point de réunion de ces deux rivieres. Le plan
de cette prefqu'ifle s'éleve fenfiblement depuis fa point e jufques au hameau
de la Fare ou il commence à fe rabaiffer & à s'élargir , Se il
va enfin fe terminer à une vafte mais peu profonde coupure, au delà
de laquelle eft une montagne : je fixe la bafe de mon triangle à cette
coupure que j'appellerai un ravin.
Une magnifique colonnade de bafalte de plus de zoo pieds de haut,
fe trouve placée entre lapointe & la bafe de ce triangle; d'où eft-elle
venue ? ce n'eft cer tainement pas ni d'au delà delà Loire , ni d'en deçà
de Langognolle ; les montagnes qui bordent ces deux rivieres , ne préfentent
ni bouche à feu ni refte de coulant de laves celle qui domine
fur le ravin, n'a pas pu non plus lui donner fon exiftence ; les matieres
en fufion defcendues dans cet enfoncement, en auroient gagné
les exrêmités qui font en pente, & fe feroient précipitées mille fois ou
dans la Lozre ou dans Langognolle, 3.va.nt d'atteindre à la hauteur de
l'églife de la Fare qui eft à la tête de la chauffée : refte donc qu'elle
eft née furplace, ôc c'eft le jugement què j 'en ai por t é après m'être épuifé
en raifonnemens, ÔC en avoir fait plufieurs jours de fuite l 'objet de mes
fpéculations.
Cet objet-ci du refte n^eft pas feulement unique pa-rfa pof i t ion, il l 'eft
encore par fa configuration ; ce n'eft en quelque forte qu'une longue
muraille tantôt plus tantôt moins épaiffe qui occupe environ un tiers de
la longueur du triangle, on peut la tourner des deux côtés dont l'un
domine fur la Loire & l'autre fur Langognolle^ mais en la longeant de
part &. d'autre il faut être extrêmement fur fes gardes faute de quoi
l'on rouleroit bien vite dans des profondeurs de plus de 200 pieds.
T o u t e la maffe eft volcanique depuis le niveau de l'eau jufques à fon
extrémité fupérieure, mais les colonnes ne commencent à fe montrer
qu'aux trois quarts de fa hauteur leur enfemble a beaucoup plus d'épaifleur
à la pointe que vers la bafe du triangle; ici même, c'eft-à-dire
au point où la chauffée commence à fe former , elle n' a guere que 3 pieds
de large Se 7 à 8 de hauteur ; ce font cinq ou fix gros prifmes dreffés
verticalement à la file les uns des autres, & quifupportent une maniéré
de gros tonneau dont l'un des fonds eft ftrié en cercles prefque concentriques;
il y a même une grande ouverture à jour fous cette maffe, ce
qui donne au tout un air fort plaifant aux yeux des amateurs.
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