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vant fur un corps folide & lui demeurant inhérente , âu Heu d'en rapprocher
les parties , fuivant la direftion de la gravité , les fépare au contraire
, & les éloigne dans le fens oppofé? c'eft à caufe que toutes les
matieres foumifes à l'aftion du feu, qui ne font pas détruites , font plus
ou moins raréfiées fuivant le degré, d'expaniîbilité qu'elles ont , la condenfation
opérée par le refroidiiîement de ces mêmes matieres , eft
d'ordinaire proportionée à la dilatation qu'elles avoient acquifes par la
chaleur.
O r , il eil confiant d'une part que le bafalte en fuiîon fe raréfie
beaucoup, & de l'autre dans cet état de fufion il s'aglutine aux corps
durs qu'il rencontre, avec un degré de force qui équivaut à la foudure.
II a donc attiré à foi le banc dont il s'agit, par la même raifon & de
la même maniéré qu'une barre de fer allongée par la chaleur, enleve,
à mefure qu'elle fe raccourcit en fe refroidiflànt, un poids confidérable
qui étoit accroché à l'une de fes extrémités.
S I X I E M E LETTRE.
De Pradelles, le le' décembre 1776.
L E creux du Puj dans lequel je comprends le vallon de Polignac eil,
Mon^fieur, un vafte entonnoir de figure irréguliere, dont on ne peut appercevoir
toutes les finuofités que du haut du rocher Corneille , qui eft
à peu près au centre ; ce creux qui a bien 3 lieues de circonférence, à
le fuivre dans tous fes recoins, réunit lui feul autant ÔC plus de grands
objets volcaniques, qu'on en trouve de difperfés dans tout le Vivarais
& le Velay j je doute rhême que dans l'univers entier il exifte un efpace
auflî borné que celui-ci, & où la nature ait donné à fes produâions ea
ce -genre de volcans, plus de grandeur, plus de beauté, plus de variété ;
on diroit même qu'elle les a ramalîés ici tout exprès pour la commodité
des obfervateurs qui y viendroient un jour contempler & étudier fes
merveilles.
E n eiFet, on voit ici toutes les maniérés dont les volcans ont fait
leurs éruptions, par coulées, par fufées,par jets, & même par boutades
, ce qui revient au même que ces fufées imparfaites dont j'ai parlé
ailleurs fous le nom de volcans avortés : on y apperçoit toutes les grandes
formes que les laves prennent fur la furface de la terre, à mefure
qu'elles fortent de fon fein ; des monticules, des pics , des collines, des
rochers ifolés, des rideaux de prifmes , des monceaux de blocs féparés
, &c.
Toutes les qualités des matieres qui font communément élaborées
au feu des volcans , les rochers primitifs, les terres & les argilles, les
fables , les métaux, d'où ont réfulté les bafaltes , les ponces, les tufs ,
les pouzzolanes, les laves boueufes , & c . j enfin tous les corps hétérogènes
, jufqu'aux grenats qui fe trouvent mêlés dans les laves j les
diverfes fortes de cryftallifations qu'elles prennent en fe réfroidiiiant,les
altérations , les décompofitions, les tranfmutations qu'elles fubiflent à la
longue , de quelque maniéré que cela leur arrive. De tout ce qui appartient
aux volcans, il ne manque donc ici qu'un cratere , mais dès qu'on
fait
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f a i t attention que quelques-unes des belles mafles ifolées qui font dans
ce creux, font manifeftement nées fur place , que toutes les hauteurs
qui l'environnent font tapiiTées de laves , que peut-on dire autre
chofe 11 ce n'eft que le fol fur lequelrepofent aujourd'hui ces mafles,
n'eft pas bien élevé au defllisde l'aire de la fournaife où elle furent mifes
jadis en fuiion.
Quoiqu'il en foi t , rien de plus frappant que l'afpeft de ce creux, la
premiere fois qu'on eft à portée d'en faiiîr l'enfemble d'un coup d'ceil :
tout y paroît fi nouveaux, iî extraordinaire, & en même-temps fi agréable
& fi diverfifié , que malgré foi on s'arrête pour donner quelques
raomens àlafurprife & àl'admiration; c'eft ce qui arrive fur-tout à ceux
qui viennent au Piiy du côté du midi : on a fait route jufque-là fur un
terrein aflez uni, il eft vrai ; mais dans une traverfée de plus de fept
grandes lieues, on n'a vu de toutes parts qu'une région aride , fauvage ,
exceflîvement froide , & l'on a marché les deux heures de fuite fans
rencontrer un arbre ni même un buiflbn; icila fcene change en un nio^
m e n t , & c'eft avec la plus agréable furprife qu'on trouve fubitement
i'afpedt des plus riantes campagnes du L anguedoc ; l 'oei l s'y arrête d'autant
plus volontiers, qu'il n'erroit depuis long-temps que fur des neiges
d'où fortoient çà & l à quelques miférabies cabanes couvertes de chaume;
d ' i c i , c'eft-à-dire de la crête de la montagne où eft la croix de Sainte
Benoît , qui domine le vallon de plus de 150 toifes, on le voit fe prolonger
quarrément jufqu'à la ville qui eft à peu près au centre -, mais
à ce point il s'ouvre & s'élargit confidérablement , ik s'il n'étoit coupé
p a r l e coteau de Chaud-Son , par un côteau peu élevé , qui le traverfe
i c i dans toute fa largeur , il s'avançeroit au nord bien.au defllis de Polignac,
abftradion faite du terrein qu'on appel lej a colline de Chaiid-Son,
L e baffin du Puy forme une croix aflez régul ière, dont les quatre extrémités
font terminées par autant de lieux habités, qui ont chacun quelque
chofe de remarquable ; Vais, au fud , a un beau monaft^re d'Urfulines ;
ÔC Brives , à l'eft , une chartreufe ; Polignac , au nord , & Expailly , à
l'oueft , font connus, même dans l'hiiioire , par leurs antiques châteaux
3 ce dernier eft entièrement démoli, mais Polignac s'annonce encore
au loin par les débris qui fubfiftent de fon ancienne magnificence.
L'enceinte du pavillon de ce vafte "entonnoir n'eft pas par-tout de
hauteur égale , mais il eft alternativement bordé de coteaux & de collines
fort élevées j celles-ci font Denife , Cheyras , Doue , Sainte-Luce ,
Brunellet, Sainte-Anne, Saint-Benoît , &c. & elles font difperfées en
ôppofition les unes avec les autres , aux quatres extrémités de la croix;
les côteaux de Vais , de Ronfon , de Chaud-Son , de Rocharnaud fonc
dans l'entre-deux ; ils fe rapprochent fenfiblement du centre du baiEn,
& à proprement parler ils en forment tout le contour. Toutes ces collines,
les plus bafles comme les plus élevées, font généralement ou volcaniques
dans leur folidité, ou recouvertes de laves j il femble que par là
même elles ne devroient offrir à l'oeil rien que de trifte & de défagréable
; c'eft tout le contraire, la plupart des matieres volcaniques
étant d'elles-mêmes très-propres à la végétation , fans le favoir les habitans
del à capitale du Velay en ont tiré parti pour un infinité d'objets
d'utilité & d'agrément. A l'exception du fommet de Denife, il n'eft pref»
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