ago RE C H E R C H E S
que la plupart du temps nous avons fuivi des manipulations qui nous en
écartoient direftement. Nous conftruifons ordinairement nos édifices
fort à la hâte K,"OUS donnons à nos mortiers des préparations mal entendues
; nous bâtiflbns dans toutes les faifons & fans précaution j ce
font ordinairement les cimens qui nous procurent les plus promptes
jouiflances, que nous reconnoiflbns comme les meilleurs; c'eft ainfi que
depuis plufîeurs iiecles nous procédons prefque à l 'aventure, en tâtonnant
& en nous écartant fouvent des regies. Les Romains, dans leurs
beaux iîecles , avoient tellement l'objet des bonnes conftruftions à coeur,
que les loix n'avoient pas dédaigné de s'occuper à drefler des réglemens
fages, qui foumettoient les ouvriers & les conftruâeurs à fe conformer à
des méthodes reconnues , tant dans le choix des matériaux , que dans
la raaniere de les employer.
Nous avons vu que la théorie & l'expérience concouroient à nous
apprendre que la chaux la plus fortement imprégnée d'air fixe, eft celle
qui fe revivifie le plus folidement & le plus promptement ; mais nous
avons vu combien il étoit important de ne pas précipiter cette opération.
I l faut donc avoir attention de ne pas bâtir dans les chaleurs brûlantes
de la canicule , ou , fi des circonftances forcées nous obligent d'entreprendre
ou de continuer des ouvrages dans cette faifon , il faut avoir
foin d'employer plufieurs fois dans la journée des manoeuvres à jeter de
i'eau fur les murs nouvellement conftruits, & à les arrofer fouvent pour
les maintenir frais ; rien n'importe autant que de ne pas fe négliger fur
cet article j ce ne fera qu'en évitant la trop prompte defiication qu'on
parviendra à avoir des murs d'une meilleure qualité. Il n'eft point d'ouvriers
qui ne fâchent très-bien que les bâtimens conftruits dans l'automne,
ou dans la faifon pluvieufe du printemps , nefoient les meilleurs & ne
different totalement de ceux qui ont été édifiés dans l'été.
Il eil important aufii, lorfqu'on eft dans un pays où les pierres calcaires
font tendres & ne donnent qu'une chaux graiTe 6c on£lueufe , une
chaux qui manque de nerf, de tenter de faire macérer cette chaux plufieurs
mois dans des fofles couvertes, en y mettant la quantité d'eau
fuffifante. L 'eau peut à la longue, en décompofant le principe gras, trop
abondant quelquefois dans ces qualités de chaux, développer l'air fixe
, qui fe trouvoit enchaîné par ce lien, & lui donner par ce moyen le gluten
néceiTaire pour former un mortier de bonne qualité. On comprend qu'on
ne peut fixer aucune regie à ce fujet ; mais on ne fauroit trop recommander
de multiplier les eifais en ce genre.
Mais n'exifte-t-il point de procédés pour conftruire en peu de temps
des ouvrages d'une grande folidité , pour faire par exemple des terraiTes
fur des voûtes ou fur des charpentes, qui puiiïent réfifter aux vents,
aux pluies , à toutes les intempéries de l'air ? Je crois qu'à l'aide de
certaines précautions la chofe n'eft pas impolTible.
N ous avonsvu par la belle expérience de M. Achard, que plus l'eau eft
imprégnée d'air fixe , plus elle a la propriété de diflbudre les matieres
calcaires; nous avons même pu obferver que M. Achard étoit parvenu
à former de véritables cryftaux de roche. Plus l'eau fe trouvera chargée
du diflblvant , plus les opérations en ce genre feront parfaites &
promptes.
S U R LA P O U Z Z O L A N E . aj r
La chaux vive la plus excellente ayant perdu par la calcination des
portions defon gas acide, nepourrajamais, en fe régénérant , acquérir un
degré de dureté égal à la pierre primitive qui a fervi à la former. Il faut
donc chercher le moyen de lui reftituer la perte qu'elle a fupportée ; il
faut même , s'il eft poiïible, lui procurer une furabondance de ce même
acide, & nous ferons parvenus alors au vérirable but de la nature. Nous
pourrons, à l'exemple du chymifte de l'académie de Berlin, nous procurer
dans l'efpace environ de dix femaines, une régénération de la pierre
calcaire , qui aura toute la dureté que nous pouvons defirer. Mais où
trouver dans la nature un agent qui puiife nous fournir en grand & à
très-peu de frais la quantité d'air fixe néceflaire, non-feulement pour
remplacer celui que la chaux a perdu par l'effet de l'incandefcence , mais
encore pour lui en fournir une furabondance ? c'eft ce que nous allons
examiner à préfent.
Il exifte dans la terre un grand nombre de fubftances naturellemenC
chargées de beaucoup d'acide volatil, faturé de phlogiftique ; mais ce
principe , je le répété , qui paroit n'être qu'une modification du feu ,
fe trouve fi fouvent lié & emprifonné dans certains corps, qu'il eft trèsdifficile
& même fouvent impoflible de l'en dégager, fur-tout par des
procédés fimples & faciles : les minéraux, les métaux en font abondamment
pourvus, le fer particulièrement, ce minéral univerfel, répandu
avec tant de profufion dans la nature où il joue des rôles fi variés & ii
différens en apparence , eft un de ceux qui en renferme le plus ; ce
principe s'y trouve quelquefois fi à découvert que l'humidité feule eft
ibuvent capable de le lui enlever pour fe l'approprier. C'eft donc à ce
dernier métal qu'il faut avoir recours, comme le plus commun, pour
redonner à la chaux ce gas qui lui manque fouvent, & qui cependant
lui devient fi néceffaire ; mais comme le fer en fon état métallique feroic
trop exorbitamment cher, pour en faire ufage dans les conftruâions, il
f a u t s'attacher à des matieres plus communes, où on puifie le trouver
en affez grande abondance , & fur-tout où il fe rencontre dans une combinaifon
rapprochée de l'état métallique.
On a cru de tout temps reconnoitre le fer comme propre à donner
d e la folidité à certains corps: on trouve dans les plus anciennes recettes
qu'il a été employé machinalement dans les cimens fondus & chauds,
pour rejoindre & rajufter les marbres rompus; mais comme ce métal
s'y trouve enveloppé par des fubftances réfineufes, fa vertu doit être
regardé comme nulle; d'ailleurs des cimens de cette efpece ne font bons
que pour de petits raccommodages , & ne fauroient être employés en
grand, & en plein air.
On a fait aflez fouvent ufage de fcories de forges, & de fourneaux,
de mâche-fer, &c. qu'on'a mêlés avec la chaux:, de tels mortiers fonc
affez bons, parce que tous ces laitiers contiennent du fer, mais ces
matieres ne font pas affez abondantes , & chacun n'a pas la facilité de
pouvoir s'en procurer.
La brique cuite ÔC pilée a eu fon tour, on en fait ufage depuis des
temps très-reculés, elle produit d'àffez bons effets, parce que le feu y
a développé quelques principes ferrugineux, mais le fer n'eft pas encore
en affez grande abondance ici.