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Cette nomenclature l'étonné, & elle eft réellement frappante, puifqu'elle
cléfigne par des noms analogues au feu, des lieux qui ont été
tous incendiés. Les hommes effrayés des feux que ces volcans vom
i f l b i e n t , avoient fort bien pu fe perfuader que c'étoient autant de
foupiraux d'enfer, ainfi que les Llandois croyent que l'Hécla en eft un,
& conféquemment ils les avoient appellés Tartas, les Infernets, Gueule
d'enfer, &c.
Ceux qui cherchent véritablement à s'inftruire, & c'eft le plus petit
nombre, demandent comment des laves ont pu fe former en rochers ifolés,
auHi hauts & aufli vaftes que le font ceux de Saint Michel^ de Corneilky
& de Polignac, je leur reponds que le Vefuveyï'Héda forment
quelquefois de pareilles but tes au centre même de leur cratere, mais que
tout cela demande de plus amples études des opérations des volcans,
& qu'un jour il leur fera donné là dèiTus toute la fatisfadion qu'ils
peuvent fouhai ter ; qu'en attendant ils peuvent tenir pour certain que ces
malles qui font véritablement prodigieufes en elles-mêmes, ne font pourt
a n t que des quilles, iî je puis m'exprimer ainiî, eu égard à la quantité
immenfe de laves que ïEtna a vomi dans une feule éruption ; car il
eft conftant qu'en 1669, il lança du fond de fon cratère un torrent de
matieres liquéfiées qui avoit fix milles de largeur, quatorze milles de longueur
& 6 toifes d'épailîeur ; or, je laifle à calculer à ceux d'entr'eux
qui favent le faire, combien de milliers de fois leurs rochers fe trouveroient
compris dans une fi épouvantable mafle.
Savez-vous, Monfieur, comment je tranche avec ceux qui ne veulent
pas tomber d'accord, quoiqu'on puifle leur dire de la fuiîon de ces
rochers? j'en prends au hafard une portion, & je les conduis avec moi
dans la premiere forge que je rencontre; je fais allumer un feu fort vif
fur mon bafalte; au bout d'une demi-heure je dis au forgeron de mettre
la matiere rougie fur fon enclume, celui-ci eft for t étonné de ne pouvoir
prefque la faifir, la pince s'y enfonce dedans , enfin ce qu'il peut en
amener en deçà, file en cordelettes longues 5c brillantes; mes incrédules
ouvrent de grands yeux, fe retirent avec un pied de nez, & moi je m'en
vas en riant fous câpe a.
Je ne fais du refte que rarement ces fortes d'expériences, outre que
•je n'en ai pas toujours la commodité, je trouve mieux mon compte à
Dpofer là deflus un pari à la décifion de l'académie, c'eft l'expédient
plus fur dont je me fois avifé pour couper court à toutes les difputes,
& je vous confeille d'en faire ufage au befoin ; au feul mot de gageure,
vous verrez ces forts difcoureurs changer bien vite de thefe, & aimer
beaucoup mieux laifler les volcans en pofleflion de leur exiftence, que
de hafarder un denier pour la leur difputer.
a J'aurois à mon tour, debien longues lamentations fur l'cxiftence des volcans ¿teints, puifqii'on n'y avoit
â faire , fi je vbutois rappeller ici les critiques abfur- peut-être pas même l'idée d'un volcan brûlant. 11 d w i t
dos & ridicules que j'entendois faire à mes oreilles plus fiicile aûx citoyens de Montelimar de le perlua-
•dans la ville de ma r^fidence , fur les volcans qui fai- der , & même de fe convaincre qu'un enfant nommé
•foient l'obiet de mes recherches ; maïs il n'étoic pas Parangu«, voyoit l'eaivà i ou 300 toiles lous terre«
• n fût dans la plus profonde ignorance
Fe
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Q U A T R I E M E LETTRE.
De Pradelles, le i®' novembre 1776.
J E ne fuis pas furpris , Monfieur , que quand VEtna ou le Véfuve >
après avoir été dans l'inailion pendant longues années, fe rallument de
nouveau, & donnent quelques-uns de ces fpeâracles fameux qui ont
tant de fois fait trembler les peuples , nous ayons auiîl.tôtde brillantes
narrations de ces formidables incendies. Il n'eft rien, à mon avis, de
plus pittorefque dans la nature qu'un volcan brûlant. Ici les quatre élémens
déchaînés les uns contre les autres, femblent confpirer de concert
à donner aux hommes le fpeâacl e le plus terrible tout enfemblè & le
plus magnifique qu'on puilîe imaginer , ainil jamais plus beau champ ouvert
à la verve des poètes , ou à l'éloquence des orateurs.
On peut ce me femble dire avec une facilité égale en profe ou en
vers , qu'avant qu'un volcan monte au dernier période de fes fureurs ,
un murmure fourd ôc'confus, femblable à celui d'une mer agi tée, fe fai t
entendre.de loin autour de fon cratere ; ce bruit eft entremêlé par intervalle
d'éclats de tonnerres fouterreins & de fortes explofions; chaque
jour les fumées devenues plus longues , plus noires, plus épaifles, annoncent
une fermentation extraordinaire dans fon foyer ; l'orage croît ,
s'enfle ^ fe développe à chaque inftant ; la terreur commence à fe répandre
, bientôt elle eft générale. Ce qui aggrave la confternation publique,
ce font des pluies de cendres qui tombent fans relâche nuit 6c
jour , les campagnes en font couvertes au loin , l'efpérance des laboureurs
eft ruinée, les habitans même des villes tremblent d'être, enfevelis
eux & leurs maifons fous ce nouveau déluge.
Tout ceci n'eft que le prélude de la fcene d'horreur qui va fe paffer.
Le moment de l'éruption arrive , & voilà d'abord J e ciel, la terre ôc
la mer qui paroiilent en feu ; un fracas horrible, accompagné de vives
fecoufles, de tremblemens de terre , fait croire, à chaque inftant que la
montagne incendiéeva crouler dansfes propres aby m e s ; autour d'elle tout
brille de la plus éclatante lumiere, mais au loin l'air eft obfcurci , quelquefois
même la nuit eft fi profonde , que les rayons du foleil dans fon
midi ne peuvent la difliper ; cependant une haute & vafte colonne de feu
domine perpendiculairement fur l'orifice de la fournaife embrâfée ; fixe
&C immobile en apparence au dedans , tout y eft dans la plus vive agitation
6c dans le plus rapide mouvement.
Si fon extrémité fupérieure finit en pointe d'arbre touffu,malheur aux
régions fubjacentes, point de défaftre fi cruel que leurs infortunés habitans
n'aient à redouter; enveloppés d'épaifles ténebres pendant les
deux, les trois jours de fuite , ils ne fauront ni où fuir, ni où s'arrêter
pour échapper à la mort ; réfugiés chez eux, ils courront rifque d'être
écrafés fous leur propre toît ; errans dans les campagnes, ils auront à
craindre ou de tomber fuffbqués par des vapeurs mortelles, ou d'être
engloutis tout vivans dans la terre qui s'entr'ouvre à chaque pas,ou d'être
aflbmmés par les pierres qui pleuvent de tous côtés. Ceci n'eft rien encore:
de puiiîantes villes difparoî tront fans retour avec vingt ou trente