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dûment les églifes, qu'ils aimoienc les cérémonies, avoient des confréries
j mais ils ne manquent jamais après les of f ices, hommes & femmes,
d'aller au cabaret où le vin n'eft pas ménagé ; la joie fuccede à
la criftefle & à la componftion, 6c comme ils font extrêmes en tout, la
fureur a bientôt remplacé la j o i e , leur ivreife dégénéré en furie , & le
premier fentiraent qu'ils éprouvent alors eft la vengeance qu'ils conferv
e n t l o n g - temps dans leur ame ; c'eft dans ces momens qu'ils fe tuenc
entr'eux à coup de couteaux ou à coup de piilolet.
J'avois vu fouvent, avant qu'on eût tenté de les dompter, la porte
des églifes, les jours de melîe , garnie d'une multitude de fuiils qu'ils
portoient avec eux; d'autres fois je les ais vus dans le cabaret être jufqu'à
trente à table ayant chacun un piftolet à côté de foi , mais on les
a difciplinés depuis quelques années, & ils ne portent plus des armes
que furtivement.
L e s femmes y ont en général un teint très-éclatant & de la plus
grande fraîcheur, mais elles font mal faites, & ont une provifîon étonnante
de gorge, leur dents font toutes en mauvais état, ce qu'on ne
doit attribuer qu'à leur maniéré de vivre. Leur nourriture dans l'hiver
confifte en un potage copieux, corapofé de beaucoup de choux, de
n a v e t s , de racines & d'autres légumes cuits dans une eau où l'on jette
un morceau de beurre ou de lard; ils ne mettent point de pain dans
cette foupe , parce qu'ils vendent leurs grains pour fe procurer du fel,
ou pour payer le feigneur; mais comme les récoltes de marrons y font
fort abondantes, les châtaignes leur tiennent lieu de pain ; ils mangent
donc à leur repas alternativement une cuillerée du potage dont j'ai parlé,
& des marrons cuits à l'eau , qu'ils aiment de préférence, fur-tout lorfqu'ils
font bouillans; dès qu'ils ont foif, ce qui leur arrive fouvent, à
caufe de la qualité farineufe des châtaignes, ils boivent alors de l'eau
glacée de leur fontaine, & le paflage rapide & continuel du froid au chaud
abientôt détruit l 'émai l de leurs dents. Les habitans de ces contrées jouiffent
en tout d'une bonne & forte fanté; leurs principales maladies font des
fievres putrides inflammatoires , qu'ils attrapent dans le printemps , &
qui font principalement occafîonnées par des tranfpirations arrêtées , ôc
par les variations fubites de l 'athmoiphere dans ce climat montagneux.
R O U T E
De TSEUFTS à PRADELLES , la NARSE, PETRE-BAILLE.
O N compte de Theuyts àPradelles cinq grandes lieues, mais il faut
neuf heures pour les faire : on quitte les matieres volcanifées à environ
200 toifes au deiîusde TheiiytSy pour entrer dans les granits griiatres,ou
plutôt dans des rochers de feld-fpath un peu micacé , mais fans fchorl;
ces rochers font difpofés par grands bancs irréguliers & inégaux. On ne
carde pas à arriver au village de Maires y où. l'on trouve une route ouverte
à grands frais & avec beaucoup d'art, dans des rochers prefque
inacceflibles : on entre ici fur la route de la côte de Maires, grand Ô4