a 8 8 V O L C A N S ÉTEINTS
V O Y A G E
FRETCINET, à CHAUMERAC , à PRIMAS, à la montagne di
LESCRESET & à AVBENAS.
O N peut fe rendre dans demi-heure, parun très-beau chemin coupé
dans les laves , de Montbrul à Berfeme, mais la route va toujours en
montant.
Berjime eft un village dont les maifons font difperfées ; ce lieu efi:
litué iur une des parties élevées du Coueirouy dans une latitude froide j
fon territoire forme une efpece de plateau confidérable & étendu, mais
cette plate-forme n'eil pas encore la partie la plus élevée du pays,
puifqu'il faut fuivre une montée très-fenfible qui dure une grande lieue,
pour parvenir au village de Freycinet. Tous les champs, toutes les terres
labourables font abiblument formées par une pouzzolane d'un brun rougeâtre,
qui ne fait aucune effervefcence avec les acides; cette production
volcanique fournit d'excellentes récoltes en grains; mais comme ce
fol n'a tout au plus que 5 ou 6 pouces de profondeur, 6c qu'il eil aiTis
fur des bafaltes ou fur des laves dures , on ne peut y élever aucun
arbre; toutes les clôtures des champs font formées avec des murs de
bafalte, grofliérement conftruiis. Rien n'eft ii trifte 8c fi fauvage.que
cette région dépouillée de verdure. Lorfque le foleil répand fes rayons
fur cette terre, on la volt briller de tous côtés, ce qui eft occaiionné
p a r l a multitude de paillettes de fchorl dont elle eft femée.
Lorfqu'on a quitté Berfenxe on continue à voyager parmi les laves,
dans un chemin folide & bien fait, qui va toujours en montant. Dès
qu'on à fait environ trois quarts de lieues dans cette route, il faut fe
détourner un peu fur la gauche pour aller joindre le village de Freycinsf.
C'eft (ians la proximité de ce lieu qu'on remarque un enfoncement
d'environ óo toifes de profondeur fur 900 toifes de diametre; cet immérife
balîin éft de forme r-ónde , fans interruption ni fans coupure;
fes parois font bordés de t-ous côtés par des efpeces de digues ou de
murs en laves poreufes, rouges, calcinées & très-fpongieufes; toute la
capacité intérieure eft recouverte d'une pouzzolane fine que les eaux
y ont dépofée à là longue ; ôc comme 1:ette terre eft propre à la végétation
on a fu en tirer un parti avantageux, & des moines induftrieux
ont eii l'art de métamorphofer le foyer d'un ancien volcan, en un vallon
auiîi précieux que produâif.
Je ne balàneé pas à croire que ce fût ici la plus formidable & la plus
terrible fournaife du Coueirou, que ce fût elle qui vomit cette quantité
énorme de bafalte en tables, en maiTes irrégulieres, en colonnes, qui
fe remarquent de toutes parts dans cette partie du Vivarais ; l'infpeftion
des lieux annonce que cet abîme avoit des communications avec d'autres
bouches qui lui étoient fubordonnées, & que c'étoit là le foupirail
du gouiFre majeur où fe préparoient la plupart des laves qui couvrent
le Coueirou.
Si ce grand cratere n'offre pas, comme celui de Montbrul^ le développement
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pement de ces coupes intérieures, la raifon en eft naturelle; la difpoiition
du local n'a pas permis que les ravins aient formé des déplacemens
6c des coupures dans les parois de ce volcan; toute la croûte des
plateaux voifins étant en laves poreufes, fortement adhérentes, 6cleur
pente fe dirigeant dans ce ballin, les eaux y ont dépofé toutes les fcories,
toutes les laves poreufes légeres, toutes les pouzzolanes qu'elles
ont pu déplacer, ce qui à la longue a comblé une partie de ce majeftiieux
crateredérobé parla à lavuelesbeautés principales de fon intérieur.
Il eft fi vrai que le cratere de Freycinet a été en partie comblé par
des détrimens volcaniques, que quoiqu'il foit d'un très-grand diametre,
& que fa difpofition lui fafle recevoir toutes les eaux du voifinage dans
les temps des orages & des pluies , néanmoins les eaux ne l'ont jamais
converti en lac, parce que en s'infiltrant dans les entafÎemens des décombres,
elles vont gagner les abîmes auifi vaftes que profonds, qui
doivent regner fous un cratere de cette nature.
Dès qu'on quitte Freycinet, il faut venir rejoindre le grand chemin
qui conduit à Frivas, on continue à voyager ici fur ce haut plateau de
montagne, au moins pendant une heure, toujours parmi les bafaltes &C
les laves poreufes. Ce n'eft qu'à l'extrémité du Coueirou qu'on découvre
Privas, fitué fur une montagne oppofée; on commence dès-lors à marcher
dans une pente auiTi longue que rapide, & il faut.d'ici environ
deux heures pour arriver dans le vallon de Privas; les bafaltes enmafles
6c en tables, les laves poreufes defcendent auflî jufqu'à mi-côte de la
montagne, où elles difparoiiléntpour faire place à des rochers calcaires
à grandes couches horizontales, qui fe prolongent au loin & vont gagner,
en remontant,les montagnes calcaires qui bordent la côte du Rhône.
On va facilement du bas de la montagne du Coueirou, au bourg de Chaumerac
où l'on trouve des carrieres d'une efpece de marbre gris, fufceptible
d'un beau poli ; on voit dans les approches de Chaumerac, des
entaflemens conlidérables de laves, mais c'eft un toirent furieux qui les
entraîne des gorges du Coueirou.
Privas eft une petite ville en amphitéatre fur la croupe d'une montagne
calcaire; on fe rend de Privas à Aubenas par une montagne des
plus élevées, nommé VEfcrenet-, le chemin en eft beau, mais rapide; en
marchant fans relâche on ne peut parvenir qu'au bout de trois heures
à peu près vers le plus haut de la montagne , fur un petit plateau ifolé,
où eft une hôtellerie nommée le cabaret de Madame : on eft forcé de
laifler repofer ici les chevaux fatigués , 8c fi on veut fe rafraîchir foimême
, il faut avoir foin de prendre des provifions à Privas ^ car le cabaret
de Madame eft bien le lieu le plus dépourvu & le plus malpropre
que je connoiile ; les aubergiftes qui font despayfans aulfi grofliers que
brutaux , ne daignent feulement pas faire attention aux pauvres voyageurs
fatigués, qui font forcés de s'arrêter dans un auiïï mauvais gîte,
i l feroit fans doute très-dangereux de murmurer 6c d'ofer fe plaindre
dans un lieu auifi fauvage , 6c avec des hôtes auflî féroces , il faut donc
prendre fes dimenfions en partant de Privas, pour ne pas s'expofer à
coucher dans un lieu de cette nature.
De Privas au cabaret de Madame, toutes les pierres font calcaires,'
mais à <0 toifes au delîus de l'auberge , les matieres calcaires s'éclipfant,
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