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lemenC mis en monceau pour repofer quarante-huit heures comme le
premier mortier.
Ce délai expiré , Taire de mon iallon bien ëgalifée & bien nivelée
à l'aide d'une couche de fable d'un demi-pouce de hauteur, fur
laquelle j'eus l'attencion de faire verfer plufieurs arrofoirs d'eau, pour
tenir le fol frais & humide, ce qui eft important; je jetai alors à la
maniere accoutumée le premier mort ier, & par-delîus celui-ci le mortier
fin qu'on égalifa avec la truelle , en fe conformant au niveau qu'on fe
procure facilement à l'aide d'une grande regle.
J'übferve qu'il faut donner à ce carrelage l'épaifleur de 3 pouces ea
t o u t , non compris le fable, & que la couche fupérieure en mortier fin
ne doit avoir tout au plus qu'un demi-pouce.
Le béton ainfî jeté & bien égalifé, fut abandonné jufqu'à ce qu'il
commença à prendre un peu de confiftance , ce qui entraîna un délaide
deux jours (dans les chaleurs un jour doit fuffire). Au bout de ce temps ,
un ouvrier commença à maiTiver le pavé avec le battoir dont j'ai déjà
parlé , & continua cette opération pendant fix jours à différentes reprifes;
je dis à différentes reprifes , car cette manoeuvre eft néceflaire trois ou
quatre fois dans la journée , on doit même fe régler à ce fujet fur la
température de l'athmofphere plus ou moins chaude , fur la qualité du
mortier plus ou moins prompt à durcir. L'opération de maifiver dole
être d'autant moins négligée , qu'elle eft eiîentielle & abfolument indifpenfable
pour lier le mortier, le raffermir, lui faire rendre la furabondance
d'eau qu'il contient, & éviter les gerçures & les fentes qui
ne manqueroient pas d'arriver fans cela , fur-tout fi la deification fe
faifoit d'une maniere prompte ; il faut même avoir un tel foin d'éviter
les fentes, que dès qu'on en appercevra la moindre indice , il faut redoubler
d'attention ¿c en arrêter les progrès en battant & en maiIivanC
plus fouvent.
Dès qu'on s'appercevra que le ciment durcit 6c refufe le bat toi r , dèslors
la principale opération fera faite ; il "ne s'agit plus que de couvrir
l'ouvrage avec de la paille neuve & propre, de feigle ou de f roment , 6c
la tenir continuellement humide en y jetant de temps á autre quelques
arrofoirs d'eau.
Ce fut au bout de quinze jours que je fis enlever la paille, balayer
avec foin l 'appar tement , & que je fis defliner le carrelage j cette derniere
opération fe pratique d'une maniere très-iîmple & très-aifée , à l'aide
de plufieurs ficelles qu'on tient tendues horifontalement fur le pavé , &
qu'on fait entrer de force dans le ciment encore frais , en frappant
doucement &c à petits coups redoublés, avec le bout du manche d'un
marteau, fur une truelle qu'on tient à plat fur la ficelle. On peut par ce
moyen imiter des fougeres & divers compartimens agréables qui ne
s'effacent jamais.
Cette opération faite , on recouvre encore le tout avec de la nouvelle
paille qu'on laifle un mois & demi, & qu'on tient humide , fi on veut
fe procurer un ouvrage parfait en ce genre. Au refte , cette attente n'eft
point longue pour les gens de l 'ar t , puifqu'elle tend à procurer un carrelage
qui durera à jamais, qui formera un bel enfemble , & ne donnera
aucun atome de pou(îiere. La dépenfe en eft d'ailleurs beaucoup moindre
que celle d'un carrelage en brique.
S U R LA POUZZOLANE.
Cette maniéré de carreler un appartement ayant réufli au mieux,
au-delà même de mes efpérances, tant du côté de la foUdité que de
l'élégance , je fis conftruire un-e terralTe à l'italienne à peu-près dans le
même goût j mais comme un ouvrage de cette nature, en exigeant la
même foiidité, ne méritoit pas autant de recherches dans l'agrément Sc
la propreté , je procédai de la manière fuivante, c'eft-à-dire , que je fis
faire fimplement un gros mortier avec une partie de chaux vive , une
partie de gros fable non ter reux, une partie de pouzzolane & une partie
de grofles recoupes de pierres. D'autre part , je fis compofer un fécond
mortier avec chaux vive, fable de riviere , pouzzolane ordinaire fans
être paffée au fas , dans les proportions & à la maniéré accoutumées. Je
laiflai repofer le tout quarante-huit heures.
Ce fut après avoir fait égalifer l'aire de ma terralTe , fituée fur une
voûte de 48 pieds de longueur, fur 24 de large, que j'y jetai environ
un pouce î de fable de riviere. Cette premiere couche eft doublement
u t i l e , en ce qu'elle eft très-commode pour égalifer le fol &c lui donner
le niveau néceifaire, & en ce que étant bien imprégnée d'eau, elle conferve
long-temps une humidité & une fraîcheur très-utile à la bonté
de l'ouvrage. Après que ce fable fut bien arrofé, je fis jeter le gros
mortier fur une épaifleur de 2 pouces î ; le fécond mortier fut jeté
e n même temps fur celui-ci; le tout fut égalifé à la truelle.
Comme c'étoit dans un temps de chaleur que je faifois conftruire
cette terraffe, & que la maçonnerie en plain air fe feche très-rapidement,
je fus forcé le lendemain de faire jouer le battoir & d'occuper
u n homme qui travailla fans relâche à cette manoeuvre, pendant près de
trois jours confécutifs. Le vent du midi , qui régnoit alors, occafionnoit
une fi prompte deification, que j'étois obligé de faire arrofer l'ouvrage
dans les momens où l'ouvrier prenoit fes repas. Au bout de trois
jours, le pavé refufa le bat toir; je le fis couvrir alors de paille que l'on
tenoit hume£lée, & huit jours après j'y fis tracer de grands carreaux
de 3 pieds de longueur fur 3 pieds de largeur, qui imitoient au parfait
de grandes dales en pierre de taille. On remit enfuite la paille qu'on
continua d'humefter de temps en temps, & dans moins de trois fejnaines
ce pavé en pouzzolane avoit acquis une dureté étonnante; malgré
cela, je laiflai la paille pendant deux mois & demi, en la faifanc
arrofer quelquefois. Ce fut après ce délai que j'eus la fatisfaÛion de
voir un pavé inébranlable, propre à réfifter à toutes les chaleurs de la
canicule & aux plus fortes rigueurs des hivers.
J'avois fait donner une pente légere & comme imperceptible à cette
terraffe pour l'écoulement des eaux, & dans un temps où elle a éprouvé
des pluies longues & conftantes, je ne pus jamais découvrir le moindre
fuintement fous fa voûte qui fert de couvert à une remife dont je faiis
journellement ufage.
Voilà donc la bonté, l'efficacité & l'utilité de la pouzzolane reconnue
pour les conftruâions hors de l'eau; je fais qu'on en fait ufage depuis
long-temps en Italie pour les terraffes; mais comme on n'y apporte pas
toutes les précautions que j'indique, qui font cependant très-fimples,
on ne s'y procure certainement pas des pavés de la folidité de ceux que
j'ai fait exécuter, qui doivent être regardés comme les premiers faits
en France avec de la pouzzolane du pays.