IO DI S C O U R S S U R
)) velie montagne. L a hauteur oblique ou la déclivité' en eft de 213 pieds j
» la forme n'en a pas été long-temps réguliere j car toute la partie qui
» regardoit Ottajano tombaau mois de mars 1 759, entraîna plus d'un
» tiers de la déclivité de l'ancienne montagne, tant par fon poids, que
» par le moyen d'une lave qui déboucha dans cette partie. On conçoit
)) bien qu'il n'eft pas facile à préfent d'approcher du fomme t du V é fuv e :
}) les débris de la petite montagne & d'une partie de l'ancienne , ont
» formé des inégalités prefque infurmontables du côté où ils font tora-
» bés •) ôt les autres côtés, où l'on ne grimpoit déjà que difficilement,
x> font devenus beaucoup plus roides & plus efcarpés qu'ils n'étoienc
» auparavant. »
T o u t e s ces différentes defcriptions données par le pere del à Torre,
font du plus grand intérêts il faut rendre juftice à ce phyficien, & louer
f a conftance inébranlable à voi r &. revoi r fi fouvent le cratere du Véfuve.
U n voyageur, quelque inftruit & quelque éclairé qu'il foi t , qui va
v i f i t e r cette montagne , eft fans contredit bien déterminé à l'examiner
avec foin & à l'étudier avec attention j mais fi ce curieux n'eft pas dans
l ' i n t e n t i on d'y faire plufîeurs voyages confécutifs, il ne parviendra à
prendre qu'une idée très-légere de ce volcan. Si l'obfervateur fur-tout
e f t d'un tempérament délicat, s'il craint la peine & la fatigue , il n'eft
pas à mi-côte de la montagne, qu'il eft épuifé de laiTitude ; toute fon att
e n t i o n fe porte alors à fe tirer d'embarras, & à placer à p ropos fon pied
fur des laves tortueufes très-difficiles à franchir. Il arrive exténué fur
l a fommité , voi t tout légèrement , & s'occupe plutôt des nouveaux dangers
qu'il a à courir pour defcendre , qu'à obferver la direftion des courans
de laves , qu'à contempler les fingularités & les accidens du
cratere ^ & à connoître la contexture de la montagne. Il eft difficile
alors qu'un tel naturalifte, après s'être pourvu de quelques laves, puilTe
écrire quelque chofe de bien fatisfaifant fur le Véfuve ; & malheureufement
nous avons plufieurs mémoires, dans de favantes colleftions,
f a i t s d'après cette marche.
Quelqu'un qui veut donc établir fes idées ou fes conjeftures fur le
V é f u v e , doit, à l'exemple du pere della Torre y avoi r fouvent fréquenté
ce volcan ; s'être familiarifé avec lui ; le connoître à fond, fi je puis
m'exprimer ainfi : c'eft ce que M. le chevalier Hamilton & quelques
autres favants n'ont pas manqué de faire.
J'ai donc cru qu'il étoit important de préfenter, dans ce mémoire ,
d'une maniere fuccinte, les obfervations locales faites par le pere della
Torre & par quelques autres naturaliftes : c'eft offrir au lefteur une
f u i t e non interrompue de tableaux faits d'après nature par différens
habiles maîtres : c'étoit, je penfe encore, la maniere de donner des
notions utiles fur un des volcans le mieux connu, & qu'on a été le plus
fouvent à portée de bienobferver.ilauroitété difficile &mêmeimpoffible
d'écrire l'hiftoire des volcans éteints du Vivarais & du V e l a y , d'une maniere
à ê t re bien comprife par tout le monde, fans a v o i r mis auparavant fous
l e s yeux du leûeur les principaux phénomènes d'un volcan allumé, dont:
on connoî t depuis plufieurs fiecles les éruptions, & les circonftances qui
l e s precedent ou qui les accompagnent.
PLINE l'ancien, le célébré P l ine , connu fous le nom mérité de Pline
L E S V O L C A N S BRUL ANS . 11
le naturalijiey allant de Mifene à S t a b l e , fut la v iñime de fon goûtpour
l'obfervation. Cet homme immortel, à qui l'on commence enfin à rendre
j u f t i c e , périt fur le champ d'honneur , & fut fuffoqué dans l'incendie
du V é fuv e , de l'an 79 de notre ere". Pline le jeune fon neveu nous a
heureufement tranfmis les circonftances de cette terrible éruption ; elle
e f t trop importante, les. détai l s en font trop inftru£tifs, pour que nous
l a paifians fous filence. C'eft moins comme objet de curiofité que nous
l a tranfcrivons ici, d'après la traduilion même de M. de Saci , que
comme la piece la plus ancienne , la mieux détaillée, & la plus propre à
f a i r e connoître le Véfuve. Qu'on ne nous objefte pas qu'on trouve cette
l e t t r e par-tout ; elle eft faite pour figurer dans ce mémoire Ôc pour
l'honorer. D e s détailsde cette nature ,tracés par une main auffi habile,
adrefles à l'hiftorien qui a immortalifé le nom Romain, à Tacite , ne
fauroient jamais vieillir, font toujours relus avec un nouvel intérêt.
LETTRE de Pline à Tacite,
» Ous me priez de vous apprendre au vrai comment mon oncle eft
î> mort, afin que vous en puiffiez inftruire la poftérité : je vous en
j) remercie ; car je conçois que fa mort fera fuivie d'une gloire immor-
» telle, fi vous lui donnez place dans vos écrits. Quoiqu'il ait péri par
» une fatalité qui a défolé de très-beaux pays,. 6c que fa perte, caufée
« par un accident mémorable, &: qui lui a été commun avec des villes
» & des peuples entiers, doive éternifer fa mémoire; quoiqu'il aie
)) fait bien des ouvrages qui dureront toujours , je compte pourtant
» que l'immortalité des vôtres contribuera beaucoup à celle qu'il doit
» attendre : pour moi j'eftime heureux ceux à qui les dieux ont accordé
» le don, ou de faire des chofes dignes d'être écrites , ou d'en écrire de
» dignes d'être lues; 8c plus heureux encore ceux qu'ils ont favorifé de ce
>) double avantage. Mon oncle tiendra fon rang entre les derniers , &
» par vos écrits ÔC par les fiens ; & c'eft ce qui m'engage à exécuter
- a On voie avec douleur un naturalifte diítíngué
s'exprimer de la maniere fuivance fur le compte de
PHne:
» On ¿toit grand minéralogifle quand on enten-
» doit ou qu'on croyoit entendre ce que Pline avoït
» voulu d i r e . . . . Palifly en France, Agrícola en
« Allemagne, Gefner en Suiflc , iùrenc de ces
» hommes qui commencèrent à fecouer le joug de
» l'habitude & du refpeil mal entendu qu'on avoit
M trop pour cet ancien , & qui penferent qu'ils pou-
31 voient dire d'aufli bonnes chofes, en obfervant par
» eux-mêmes, que cet ancien qui n'efi qu'un
>1 compilateur, & qui ne parie le plus fouvent, fur-
» tout en lúñoire naturelle , que fur des oui - dire
» & fur des extraits d'auteurs qui l'avoient précédé,
>» & qui ne paroilTent pas pour l'ordinaire avoir été
n des obfervateurs bien exaûs ni trop fcrupuleux. »
Mémoires far diferfes parties des fciences 6' arcs,
par M. Guettard , tome a , page 8 & /wV.
_ Il étoit r¿ferv¿ au Pline François de mieux apprécier
celui qui ¿toit en fi grande vénération parmi les
Romains. M. de Bnlfon feul pouvoit peindrePline ;
voici le tableau qu'il en fait :
» Pline a travaillé fur un plan plus grand ( que
>) celui d'Ariftote) & peut-être tropvafle ; il a voulu
—it erabrafler, & il femble avoir mefuré la —
> ture & l'avoir trouvée trop petite >
•> tendue de fon efprit : fon hiftoire
Y¿-
încore pour
naturelle cc
» prend, indépendamment de l'hiftoire des a¡
» des plantes & des minéraux , I'liifioire du ciel Se
n de la terre , la médecine , le commerce , la navi-
» gation , i'iiiftoire des arts libéraux & méchanique?,'
» .Porigine des ufages j enfin , toutes les fciences na-
» turelles & tous les arts humains :& ce qu'il ya d'é-
M tonnant, c'eft que dans chaque partie , Pline eñ
»> également grand. L'élévation des idées, la nobleflè
» du flile relevent encore fa profonde érudition.
» Non-feulement il favoit tout ce qu'on pouvoit fa-'
n voir de fon temps, mais il avoit cette Acilité de
» penfer en grand , qui multiplie la fcience ; il avoic
» cette finefle de réflexion, de laquelle dépendent
» l'élégance & le goûc : & il communique à fes lec-
„ teurs une certaine liberté d'efprit, une hardieflè
» de penfer, qui eft le germe de la philofophie. Son
» ouvrage , tout auífi varié que ia nature , la peine
j. touiours en beau : c'eft, fi l'on veut, une com-
» pilation de tout ce qui avoit été écrit avant lui,
>, une copie de tout ce qui avoit été fait d'excellenc
» & d'utile à favoir ; mais cette copie a de fi grands
j) traits cette compilation contient des chofes raf-
« femblees d'une matiiere fi neuve , quelle eft préfé-
» rabie i la plupart des ouvrages originaux qui trai-
» tent des mêmes matières. » (Eufres complenes
deM.Ueomte de Bufon j tome I , cMorie de la
terre, page 48 de l'in-^"'
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