S Í ' ?
I!
504 V O L C A N S ÉTEINTS
ce fait, 8c je vous ai devancé afin de vous éviter une couife, fi le phénomène
n'exiftoit pas. Je partis de chez M. le Marquis de Vogué, où je
vous attendois avec M. le Marquis de Rocheiïauve pour me rendre à
Neyrac. Un payfan de ce village nous y conduiiîc malgré le mauvais
temps, 6<.le débordement de TArdeclie nous força de gagner le pont de
Barrutdf -éloigné d'un quart de lieue de Neyrac. Nous laiflames nos
chevaux au village de Barrutd, & gravîmes à pied la côte efcarpée qui
conduit à Neyrac. Les habitans nous confirmèrent tout ce que l'on raconte
de cette grotte j & notre guide nous conduifir enfuite au milieu
d'un champ labouré, à mi-côte d'une montagne volcanique; il nous
montra trois efpeces de puits qui ont environ 5 à 6 pieds de profondeur,
fur 4 de diametre. Je me procurai une poule, & attachée avec
une petite corde par les pieds, elle fut bientôt defcendue dans un des
trous, & dans i'inftant attaquée de mouvemens convuliifs, elle pafla
à l'état de mort. Je voulus la faire retirer alors, mais la corde ayant
échappé de mes mains, elle retomba dans le trou. Je fus obligé d'y
faire defcendre un payfan pour la retirer, ce qu'il fit avec répugnance
dans la crainte d'être lui-même fuffoqué. La poule fortie du trou, étoin
dans un état complet d'afphixie, c'eft-à-dire, ne donnant aucun figne
de vie; je lui préfentai de l'alkali volatil fluor, de la même maniéré
dont nous l'avions pratiqué enfemble chez M. le Duc de Chaulnes, fur
un moineau. Ici l'alkali volatil n'agit pas aufli prompteraent : la poule
ayant refté trop long-temps dans le trou, je la regardai comme parfaitement
morte; cependant, ayant perfifté à lui préfenter de l'alkali, je
la vis, avec le plus grand plaifir, revenir à la v ie, & peu après ne plus
être incommodée. Je la fis jeter de nouveau dans le trou, elle y éprouva
le même accident, & enfuite la même guérifon. Voilà donc une nouvelle
grotte du chien , qui mérite autant d'attention que celle d'Italie j
]e vous exhorte à venir la vifîter , vous y ferez fans doute des expériences
plus nombreufes 8c plus fuivies; mais en voilà allez pour conftater
ce qu'avançoient les payfans du lieu, fur l'exiftence des vapeurs
moffétiques. Je ne dois pas oublier de vous dire qu'on voit encore, non
loin delà, un grand balfin plein d'eau vive qui bouillonne continuellement;
je goûtai cette eau & la trouvai entièrement femblable à celle
imprégnée d'air fixe , que vous m'aviez fait goûter plufieurs fois dans
votre laboratoire. M. de Rocheflauve, mon compagnon de voyage, s'étanc
penché fur cette fontaine pour y boire de l'eau , s'en trouva incommodé;
il éprouva un étourdilTement & un mal-être général, ce qui pouvoit
bien provenir aufli de ce qu'il s'étoit approché de trop près du trou
où la poule étoit devenue afphixique. Quoiqu'il en foit, l'alkali volatil
le rétablit fur le champ dans fon état de fanté ordinaire. Ces obfervations
font bien propres, mon cher compatriote, à jouer un rôle intéreiTant
dans votre grand ouvrage fur les volcans éteints du Vivarais &
du Veiay, pour lequel vous ne ceflez de faire de pénibles foigneufes
recherches. Je fuis. &c.
Quelques temps après je reçus une lettre de M. Pajcal^ prieur du Colombier;
il avoit la bonté de m'apprendre les détails des expériences que
j e l'avais prié d'aller faire à Neyrac, je joins ici fa lettre, on y trouvera
des faits très-in t ère flans.
Au
D U VIVARAIS. 30s
Au Colombier, le t i dccembre 1777.
J E me flattois, Moniîeur, qu'à votre retour du Velay, j'aurois eu le
plaifir de vous voir chez moi, ainiî que vous me l'aviez fait efpérer,
mais comme je me vois privé de cette fatisfaftion, je vais vous rendre
compte du réfultat des expériences que nous avons faites aux trous de
Neyrac, où j'ai été en deux différentes occafions dans le courant du
mois de novembre dernier; la premiere avec M. le comte d'Entraigues :
nous y portâmes une poule & un chat'; à peine y eûmes-nous jeté la
poule, qu'elle commença à tordre le col, & le moment d'après elle expira;
je la laiflai encore un inllant, me flattant de la faire revenir par
le moyen de l'alkali volatil, je la retirai, lui jetai dans le bec quelques
gouttes d'alkali, mais voyant qu'elle ne donnoit aucun figne de vie, je
crus pouvoir l'y rappeller en l'arrofantavec de l 'eau; je fis plus, je la mis
dans la fontaine qui eit à côté, mais en vain, elle étoit réellement morte.
Nous jetâmes alors dans le trou le chat auquel nous avions eu la précaution
de lier les pattes; dans peu nous apperçumes que les flancs lui
battoient, que lis yeux devinrent farouches & lui fortoient de la tête,
l'inftant d'après les pulfations des flancs devinrent plus fréquentes 6c
moins fortes, & bientôt il ne donna plus aucun figne de vie; je le retournai
plufieurs fois avec ma canne, mais inutilement, nous ne vîmes
aucune marque de mouvement; je le retirai, le mis àlarenverfe, & lui
jetai dans les narines & dans la gueule de l'alkali volatil; le moment
d'après nous apperçumes que les flancs commencoient à bat tre, & bientôt
il rendit par la gueule quelque peu d'écume mêlée de globules d'air,
qui groflirent à mefure que les pulfations des flancs prirent de force;
étantparfaitementrevenu, il devint furibond, il mordoit les cordes qui
le lioient, arrachoit de rage les brins d'herbes quiécoient autour de lui,
mâchoit de la terre , 6c miauloit d'une façon à exprimer la rage qui le
tranfportoit; je le jetai une fécondé fois dans le trou , & voulus effayer
fi en le laiflant plus Ion g - t emps que la premiere fois nous pourrions
le rappellera la v ie, mais ce fut inutilement, ni l'alkali ni l'eau ne
purent le faire revivre.
L a fécondé fois que j'allai vifîter ce même puits avec MM. les comtes
¿tVoguéy d'Entraigues, M. DucZoî médecin d'^ii6enûi,&quelques autres
perfonnes, nous y portâmes aufli une poule Se un chat; à peine la poule
y eut-elle refté les trois quarts d'une minute, qu'elle mourut : nous y
jetâmes enfuite le chat, Se dans moins de trois minutes il ne donna plus
aucun figne de vie; je le fortis, lui jetai de l'eau fur la tête, & dans
peu les flancs commencèrent à lui battre; il rendoit, ainfi que l'autre,
de l'écume mêlée de globules d'air : dès qu'il eut repris aflez de force,
nous le vîmes chercher l'eau que j'affeitois de jeter à côté de fa têtej
nous le rejetâmes dans le trou lorfqu'il fut parfaitement revenu, & il
n'y refta pas deux .minutes qu'il fut réellement mort. J'y defcendis une
bougie allumée qui s'étaignit dès qu'elle fut parvenue à l'air fixe ; je voulus
alors eflayer fi je pourrois diftinguer dans cette vapeur quelque goût
defoufre ou de bitume; je mebaiilai, en me dirigeant parla bougie allumée,
iufques au point où je m'étois apperçu que la vapeur s'elevoit,
H h h h