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i e puis m'exprlmer ainfi, par foubrefauts i on en volt des exemples frappans
au bord de la plupart de nos crateres, mais principalement fur le
rocher de Yhermitage de Pradelhs : ici encore j'ai eu lieu de me convaincre
que le bafalte dur eft très-gelifl'e, car il en exifte une grofle
malle couchée par terre, qui a été évidemment partagée en deux moitiés
é g a l e s par l'aftion de la gelée.
D e s raatieres hétérogènes fe mêlent avec les laves proprement dites,
ou pendant que celles-ci font élaborées dans les cram es, ouaprès qu'elles
en ont été chaflees; dans le premier cas, ces corps étrangers s'uniflenc
intimément avec e l les, ils s'y noyent même, & ce font alors des accidens,
des noyaux : dans le fécond, ils ne font fimplement que s y aglutmer,
& il en réfulte ce que vous appeliez des poudingues. Les uns 8c les autres
font fans doute communs ici, mais n'attendez de moi aucun détail a cet
égard ;outre que je n'ai guere de temps à donnera une fpéculation iume
de ces objets, ils n'entrent pour rien dans le plan des defcriptions générales
que je me fuis propofé de vous donner de nos volcans.
A vous eft r é f e r v é , Monf ieur, le foin de faire connoître au public ces
fchorls noirs en grains , en pai l lettes, dont le bafalte fourmille ; ces zéol
i t e s d o n t l a p r e m i e r e découvertevous eft due dans lebafalte duVivarais.
Je ne dois pas finir cet article fans vous obferver que lebafalte ii bien
Earnid'accidens de toute efpece , eft lui-même le noyau de nos monticules
volcaniques ; les pluies 8c les vents ayant eu beaucoup d aition
fur eux , parce qu'ils ne font formés que de terres mouvantes, melees da
quantité de débris de matieres recuites Sc calcinées, on voit le long de
leur déclivité, & principalement dans l'intérieur des ravins, de grandes
î o n e s de bafalte décharné, qui courent en divers fens, &: femblent etre
la charpente de toutes ces immenfes conftruaions.
I l eft allez ordinaire de trouver ici des grottes ou de grandes excavations
, mais toutes peu profondes ; les unes ont été faites par les hommes
, & les autres font du moins en partie l'ouvrage de la nature. Un
v o i t fous le hameau de Pigeres , en defcendant vers la Mejane , une
Brande coulée de bafalte qui tapifl'e une vafte portion du revers de la
montagne ; au centre paroîtune ouverture quarrée de 10 pieds de haut
fur autant de large ; elle eft flanquée des deux côtés de colonnes verticales
allez régulièrement efpacées, quirepofent fur un peti t terre-plem
avançant un peu en deçà de l'ouverture ; tout ceci eft fort efcarpe, &
i'eus du regret de ne pouvoir y pénétrer. , , , •
L a plus curieufe de celles où je fuis entré, eft fur la crête de larive
sauche de la LoiVe, en defcendant de Goudet au Brigvion;]e m y luis
guindé en me traînant quelquefois furie ventre, de peur de rouler dans
TIU"lé fond de la grotte me parut en y entrant revêtu d'une verdure
fi vive & fi éclatante, que je courus y porter la main; ]e comptois lailir
une poignée d'herbe , 8c ma furprife fut grande de ne toucher qu une
furface de pierre très-raboteufe. L'effet fi agréable a l'oeil que , eprouv
o i s , provenoit d'une moufle extrêmement rafe , dont tout ce tona
¿ t o i t enduit j'en enlevai des morceaux , qui portés au grand air ,
eurent dans quelques heures perdu prefque tout leur éclat, 6c cela
w n t fans doute de ce que l'humidit-é imperceptible qui entretenoit lur
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place la vivacité de leur coloris, fut bientôt diflipée. Cette caverne it
deux ou trois chambres, 8c les habitans d'un hameau voifln y ont conftruit
des fours pour cuire leur pain ; on a pu la creufer 8c l'agrandir
autant qu'on a voulu, parce qu'elle eft toute dans les terres cuites qui
cèdent iacilement au marteau ; du refte d'énormes blocs de bafalte à
angles arrondis, fe trouvent lardés aux voûtes 8c aux murs de cette caverne
, comme ils le font par-tout ailleurs où j'ai vu de grands profils de
laves terreufes. Lorfqu'on a entrepris de faire de grandes conftruâions
fur nos rochers volcaniques , il a fallu non feulement les écrêter , mais
encore les attaquer en dehors 8c en dedans, ici pour avoir des caves, des
p r i f o n s , des citernes,-là pour faire des efcarpemens qui donnaflent à la
majle entiere un air afléz régulier , mais principalement pour pratiquer
des rampes tournantes qui conduififl'snt à leur fommet. Ces ouvrages
ont dû être plus ou moins longs 8c pénibles, fuivant que dans une feule
8c même mafle on a eu à tailler fur le bafalte dur -8c cryftallifé , ou fur
celui graveleux Sc en écume ; l'un fe perfore aifément avec l'acier, mais
l'autre lui réiifte , 8ç lorfque dans une excavation on en rencontre de
gros quartiers non articulés, il faut abandonner l'ouvrage. Voici comme
on s'y prend à Arlempde pour ces fortes d'opérations : on commence
par chauf fer vivement la portion du roc qu'on veucenlever; ony répand
enfuite de l'eau dellus , dansl'inftant la mafle pétille à grand bruit, 8c fe
gerfe à divers fens , il ne faut 'guere alors que la main pour achever de
féparer les éclats ; on réitéré l'application du feu 8c de l 'eau, à mefure
qu'on veut caver plus avant. Il paroît qu'à PoUgnac on n'employa que
l e marteau 8c le cifeau pour creufer ce qu'on y appelle le précipice ;
c ' e f t un puits fort vafte , dont l'ouverture a environ 14 pieds de diamètre
; on y touche fond aujourd'hui à 100 pieds de l'orifice , mais
il eft confiant qu'il avoit autrefois le double Sc le triple en profondeur.
T o u t le pourtour intérieur de cette prodigieufe excavation efl très-uni
d'un bout à l 'autre, ce qui dénote qu'en la faifant on n'a guere rencont
r é que de lalave graveleufe afl'ez tendre. A côt é de ce puits on voit par
terre un bloc de granit fur lequel on a fculpté g-roftièrement une grande
face à barbe longue , Sc dont la bouche fait un hiatus effroyable fi c'eft
lin Apollon , comme on l'aflure , ce n'eft certainement pas celui qui préfidoit
aux chemins, car Horace l'appelle ievis agliieu, ce qui flgnifie imberbis
viarum pra^fes.
D e quelque efpeçe que foient les laves, Sc comme qu'elles ayent été
chaflees hors du foyer des volcans, ou par coulées ou par jets ou par
f u f é e s , il a dû en rèfulter des courans, mais l'étendue , l'épaiflèur 8c la
longueur de ceux-ci ont dépendu, j e ne dis pas feulement de la quantité
des matieres qui fe font répandues fur la furface des terres, mais de la
maniéré dont les éruptions ontété faites; celles par exemple ^zr fufées
on!: plus travaillé en l'air, que celles fur la plate-terre , 8c elles n'onc
guere pu fournir qu'aux amas qui regnent tout autour de leur bafe, 8c
qui s'étendent plus ou moins loin, fuivant les divers degrés de liquidité
qu'elles avoienc. Les volcans à jets n'ont guere'formé non plus que des
monceaux, parce que communément ils ne lancoient que des mafles de
bafalte en pâte, enveloppées de cendres, de fables, d'argilles 8cc. Quand
toutes ces matieres avoient un certain degré de l iquéfaâion, elles for.^