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R E C H E R C H E S
nient des objets qui pouvoient concourir à l'utilité publique & particulière.
Ce fut dans ces vues qu'en fuivant une carriere qui fecondoit mes
goûts, je me déterminai fans peine à y donner tous mes foins & tous
mes momens, à y facrifier au-delà même de mes revenus, à renoncer à
un état qui me donnoit une exiftence agréable , pour m'ériger en
voyageur dans des lieux retirés, pénibles , dangereux , & d'un accès
difficile. Je m'enfonçai dans les montagnes du Vivarais & dans les
chaînes du Velay , avec des deiîinateurs , des initrumens & tout
l'attirail nécelîaire pour pouvoir fuppléer, par mes foins & par mon
€xa£litude, au peu de connoiflance que j'avois. Plus je voyois la nature
, plus je commençois à me familiarifer avec elle, ÔC plus je fentois
les difficultés que cette belle étude entraîne , les réflexions qu'elle exige,
& l'examen répété qu'elle demande des mêmes objets. Il ne fallut donc
plus fe contenter d'un voyage & de deux, j'en fis jufqu'à douxe & même
jufqu'à quinze dans certaines parties intéreiTantes du Vivarai s 5 je cherchois
en vain de la pouzzolane ; j'en rencontrois à la vérité de temps à
a u t r e , mais c'écoit toujours en petite quantité, ou ii j'en trouvois des
mines un peu abondantes, c'étoit ordinairement dans des lieux abruptes ,
d'un accès difficile , ifolés Se écartés de toute efpece d'habitation.
Ce ne fut qu'aprèsplufieurs voyages, & versi775, que je me déterminai
à revoir de nouveau une montagne voiiine du Rhône, que je
n'avois parcourue que rapidement & fur laquelle je me rappellai d'avoir
apperçu quelques indices de pouzzolane. Arrivé fur la fommité de cette
iftontagne nommée la montagne de Chenavari^ je vis en effet des amas
de laves poreufes& les plus fortes indications d'une mine abondante de
pouzzolane \ mais comme le tout étoit recouvert parune légere couche^
de terre végétale , je fis faire dans cette partie divers puits d'épreuves,
& je ne tardai pas à reconnoitre que j'entrois dans une carriere riche &
fertile de pouzzolane rouge. J'en découvris non loin de là une feconde
d'un brun rougeâtre , un peu plus feche & plus friable que la premiere,
mais d'une excellente qualité pour certains ouvrages.
Je ne tardai pas alors à faire ouvrir la mine en grand & par tranchées.
L'analyfe chymique & les différens eilàis que j'avois faits fur ces pouzzolanes,
ne me laiiTerent aucun doute fur leur identité avec celle d'Italie;
j ' en envoyai plufieurs boîtes à Paris, où elles furent reconnues pour
excellentes.
Je réfolus enfuite d'en faire des eflais en grand -, mais j'étois aifez
embarrafîe pour les dofes & pour les proportions. J'écrivis en conféquence
en Italie, on me répondit qu'on n'y fuivoit aucune regie
fixe & déterminée, & que les dofes de pouzzolane étoient ordinairement
fubordonnées aux qualités de la chaux, fouvent même à la fantaifie
6c au caprice de l'ouvrier. Cet incident m'embarrafla un peu -, cependant
je me déterminai à faire divers eflais & à chercher moi-même les proportions
les plus convenables.
M. le marquis de Geoffre de Chabriniac, colonel du régiment de
Barrois, avec lequel j'étois en liaifon , & à qui je fis part de mes idées,
me pria de vouloir faire faire mes eiTais à fon château de Scrdeparc,
fitué à une demi-lieue de Montelimar, fur la route de Provence. Nous
S U R L A P O U Z Z O L A N E . ij ç
dirigeâmes notre premiere opération fur une terraile voûtée- en plein
a i r , au-deflbus de laquelle eft une orangerie; on avoit tenté veinement
plufieurs fois d'y jeter divers carrelages qui, malgré toutes les
précautions qu'on avoit prifes , n'avoient jamais pu garantir l'orangerie
des filtrations & des fuintemens. Nous fîmes donc enlever avec foin les
débris de l'ancien pavé, & nous jetâmes fur l'aire de la terrafle un béton
compofé d'une portion de chaux v ive, d'une portion de pouzzolane 6c
& d'une partie de fable. Comme le temps étoit alors pluvieux, nous
fûmes obligés de faire ufage d'une chaux déjà ancienne , ne pouvant pas
nous enprocurer de lanouvelle : nous parvînmes malgré cela â conftruire
un pavé de la plus grande folidité, qui a réfifté non-feulement aux chaleurs
qu'on éprouve dans cette partie méridionale de la France, mais
encore aux gelées, à la neige 6c à l'hiver rigoureux de cette année j il
eft dans ce moment de la plus grande intégrité , 6c l'orangerie a été
abfolument à l'abri de toute efpece d'humidité.
Nous fîmes enfuite garnir 6c incrufter le tour de deux baflîns, que
l'alternative continuelle de l'humidité, de la chaleur & du froid faifoic
fans ceife éclater ; cette derniere épreuve eut un fuccès égal à la .
premiere. Ces ouvrages ont acquis une folidité inébranlable.
E n f i n , je multipliai les expériences, 6c je parvins à reconnoitre les
dofes convenables pour les conftruftions expofées à l'air, qui étoienc
celles qui exigeoient le plus de foin, 6c qui étoient les plus difficiles à
bien traiter.
J'allois faire entreprendre divers travaux en ce genre , lorfque , vers '
îe commencement du mois de novembre 1777 , j e fus chargé par M. de
S a r t i n e , miniftre 6c fecrétaîre d'état au département de la marine,
dont le zele, égalaux connoiflances, ne néglige rien de ce qui peut intérefler
le fervice du roi , d'envoyer à Toulon plufieurs tonneaux des différentes
pouzzolanes que j'avois découvertes dans le Vivarais, pour en
faire faire les épreuves dans la mer, 6c les comparer avec celles d'Italie,
dont on fait un grand ufage dans ce port. Je fis partir plufieurs tonneaux
de cette terre, 6c je me rendis quelques temps après à Toulon. On y
convoqua un confeil de marine, ôc dixcommiflaires furent nommés pour
affifter aux expériences. Il fut procédé, en la préfence de ces meflieurs
6c en la mienne, à l'examen analytique & comparé des deux eipeces de
pouzzolanes du Vivarais avec celle d'Italie. On en fit enfuite trois lots
diftinâs 6c féparés, le premier en pouzzolane d'Italie , le fécond en
pouzzolane rouge du Vivarais, 6c le troifieme en pouzzolane griferougeâtre
du même lieu. On amalgama ces terres, toujours par lots
féparés , avec de la chaux vive , du gros fable , de la recoupe de pierres
8< de l'eau douce, 6c on en fit un mortier qui fut placé dans trois cailfes
numérotées, propres à contenir'chacune trois pieds cubes de matiere.
Ces cailles, percées de gros trous , furent remplies, clouées, liées avec
des chaînes de fer , 6c coulées à fond dans la mer où elles devoienC
refter plufieurs mois en épreuve. Il fut dreile procès-verbal de toute
cette opération , 6c l'original en fui: dépofé au contrôle de la marine, le
Z4 du mois de décembre 1777. Voici la teneur de ce procès-verbal.