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de ia dureté ; j'en ai parlé dans mon mémoire fur les bafaltes, auflî bien
•que des autres produdions volcaniques de cette belle montagne. On
trouve à dix pas de la chartreuie, vers l'avenue plantée en allée , qui
conduit fur la montagne, une pouzzolane rouge argilleufe, dans laquelle
on diftingue du véritable bafalte décompofé , réduit en fubftance argilleufe
grife , happant la langue , fe laiflant couper avec le couteau,
& confervant néanmoins toutes les apparences e-xtérieures du bafalte.
Lorfqu'on fe fera rcpofé quelques jours à la chartreufe pour en étudier
les environs, il faudra ie mettre en route pour gravir fur la iommité
de la montagne, & il eft important de choiiirun jour où le temps
foie calme 6c fans nuage , ce qui n'eil pas aifé dans un pays auflî âpre,
& fur un lieuaufli élevé.
Lorfque je montois fur \e Mei inc ^ dom coadjuteur eut la complaifance
de m'y accoiîipagner jufques vers une efpece de bergerie fort
élevée , où nous devions dînerj il me donna de là un guide pour me conduire
fur la haute fommitéj on pourroit, iî l'on vouloit, faire abfolument
tout le chemin à cheval : je fus pris en y montant par un brouillard
affreux qui nous ôtoit la vue, il étoit d'un froid à glacer, mais heufeufemenc
il ne dura qu'environ deux heures , & fut remplacé par un
temps ferein qui découvrit un bel horifon.
On marche prefque fans cefîe fur une riche peloufe dont le pâturage
précieux fait la richefle dupaysj on ne trouve ni arbre ni arbufte ;
on jugeroit difEcilement de la nature du terrein, fi on ne rencontroit
pas de terapsentemps des ravins & de grandes déchirures quimettentà
découvert la contexture intérieure de la montagne ; on reconnoît qu'elle
eft formée par des entalfemens immenfes de laves poreufes de toute efpece
& de différentes couleurs : on voit fortir quelques fois de l'intérieur
de ces fcories, des courans de laves bafaltiques qui ont circulé
dans l'intérieur de la montagne j d'autres fois la lave compafte s'eft précipitée
parcafcade dans la profondeur des vallons j rien n'eft auifi curieux
que cette fuite d'accidens. Comme je fus bien aife de parcourir la
montagne en pluiieurs fens, je paflai d'abord par le chemin, ou plutôt
par le fentier de la Clede.
On eft déjà fort élevé lorfqu'on rencontre une croix nommée la croix
des Boîitieresy on voit ici fur la gauche du chemin, des amas confidérables
de laves rouges Se noires,très-poreufes, enfin toutes lesdéjedions volcaniques
qui fe rencontrent dans les parties les plus voifines des bouches
à feu; les explofions violentes ont élevé ici plufieurs grands rochers
bafaltiques, qui placés au bord de plufieurs précipices, donnent à ce
lieu un afpeft effrayant.
C'eft de cette élévation qu'on découvre les montagnes des Boutieres,
des Cevtnes & de l'Auvergne; on laifle fur la gauche le hameau des
EJîablcs qui eft très-éievé, & on gagne une ferme, ou plutôt une bergerie
d'été , nommée la ferme du Me\inc, appartenante aux révérends
pères chartreux.
D e cette ferme à la fommité, la diftance eft encore confidérable, 8c
il faut marcher environ trois quarts d'heure fur une peloufe rapide ,
qui mene jufqu'à l'extrémité de la montagne qui fe termine en pic
irès-pointu. Les pluies ayant entraîné la peloufe, on ne trouve plus
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Ici que quelques rejetons de l'uva urci qui a cru parmi les débris des
laves : on voit alors de droit & de gauche des bafaltes en table, durs
& fonores, mais dont plufieurs font tellement altérés, qu'ils relîemblent
plutôt à des fchiftes qu'à des bafaltes; il eft hors de doute cependant
que ce font de véritables laves bafaltiques, dont plufieurs ont foufferc
des altérations fingulieres, qui leur ont enlevé une partie de leur fer. Il
s'eft opéré ici diverfescombinaifons,foit parles fumées acides fulphureufes,
foit par le féjour des eaux delà mer,quionttranfmué une partie du
bafalte en lame de feld-fpathj on trouve des morceaux où cette efpece
de métamorphofe a été poulîee fi'loin, que plufieurs de ces laves où le
fchorl étoit abondant, ont paflé à l'état de fdd-fpath granitoïde, qui
imite un granit parfait, obfervation qui paroîtra d'abord bien extraordinaire,
mais que l'examen attentif des matières m'a forcé d'admettre j
on voit toutes les nuances, toutes les gradations de ce paifage, en
étudiant & en comparant ces laves dont plufieurs font encore à l'étaC
de bafalte parfait, tandis que leur croûte fuperficielle eft dénaturée Se
convertie en feld-fpathblanc ou rougeâtre. On trouvera des détails plus
étendus fur ces bafaltes altérés aux pages 192 , 193 Scfuivantes de ma
lettre adrfefiee à Milord Hamilton.
J'avois grande envie de déterminer exafbement l'élévation de la montagne
du Me^inc par le moyen du barometre, mais celui que je portois
dans mes voyages s'étant malheureufement rompu au Puy, je ne procédai
à cette mefure qu'avec des inftrumens peu sûrs que je trouvai à la
chartreufe de Bonnefoi, mais de deux barometres, les iëuls de la maifon,
que ces religieux eurent la bonté de me prêter, l'un étoit fait depuis
plus de 40 ans, l'autre mieux conftruit n'étoit point gradué ; je laiifai le
premier en ftation à la, chartreufe, en priant dora procureur de le regarder
de temps en temps, pendant que je raonterois, pour voir fi quelque
variation de l'atmofphere ne le mettoit pas en mouvement,tandis
que je portai l'autre avec moi fur la montagne, l'ayant ajufté fur
une échelle que je fus obligé de faire moi-même. Ce barometre d'un
affez bon calibre, defcendit de 14 lignes 7 depuis la chartreufe juf"
qu'à la fommité de la montagne, je m'apperçus de la même gradation en
defcendant, & le barometre que pavois en ftation, n'ayant point varié ,
on peut compter fur 14 degrés r de la chartreufe au fommet duMe:{inc;
il me manquoit la hauteur du Puy à la chartreufe, ainfi je ne puis rien
donner de pofitif au fujet de l'élévation de cette montagne fur le niveau
de la mer, je préfume cependant qu'elle n'a.guere plus de 900 toifes de
hauteur perpendiculaire.
Quoique cette montagne ne foit pas auiîî élevée que la plupart de celles
des Alpes, elle n'en eft pas moins froide, & comme elle n'eft dominée
par rien, elle eft perpétuellement battue par les orages & les frimats.
Elle eft ordinairement couvert? de neige environ fept ou huit mois de
l'année; le climat eft ici plus rude encore qu'à Pradeïles : voici une note
que me communiqua dom procureur fur la température du lieu.
)) Lorfque le temps eft bien calme dans l'hiver & que l'air n'eft pas
« troq froid, la neige tombe fur le Me^inc, & dans les environs par
« petits flocons, mais il eft rare ici que le temps ne foit pas horrible-
» ment froid & l'air violemment agité; la neige tombe alors fous forme
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