53J V O L C A N S ÉTEINTS
annoncer que lorfque la raatiere en fufion foulevoit les bancs, brifoit
i a pierre, elle enveloppoic les éclats qu'elle s'approprioit, Se les entraînoit
avec elle; d'autre part comme la lave étoit dans un état de fluidité
parfaite, on pourroit dire qu'elle uuiflbit & foudoit, fi je puis m'expi
imerainfi, les couches qu'elle avoit rompues, avec lefquelles elle fembloit
ne faire enfuite qu'un même corps ; quant à l'intromiflion de cette
l a v e , & à fa circulation dans les rochers, il cil à préfumer qu'elle étoit
favorifée par les fecoufl'es violentes des tremblemens de terre qui accompagnoient
nécefl'airement les éruptions, par la fòrte incandefcence
de la lave, qui dilatant prodigieufement l'air, faifoità peu-près l'effet
d'une mine dans les rochers, 6c par d'autres moyens qui nous font inconnus:
voilà, fans que je prétende vouloir rien expliquer, fous quel
premier point de vue la chofe pourroit être examinée.
D'autre part on trouve la lave dure,, le vrai bafalte en grumeaux féparés,
noyé dans la pâte calcaire; j'apperçois encore des filets, des
linéamens capillaires de bafalte, qui traverfent la pierre à chaux & y
circulent; j 'y vois, à l'aide d'une loupe, des grains pulvérulens de bafalte,
amalgamés dans quelques parties avec les élémens calcaires. Ces dernieres
obfervations feroient propres alors à faire conjeâurer que les
fédimens calcaires étoient peut-être dans un état boueux lorfque la
lave les pénétroit, ce qui lui donnoit la facilité de s'y frayer une route,
6c de s'y divifer en plufieurs rameaux; ces montagnes de vafe s'étant
enfuite dell'échées, elles ont adopté la forme fiable qui les caraflérife.
Voilà fans doute deux hypothefes fujettes l'une Stl'autre à des dilBcultés
peut-être infurmontables, mais le fait n'en exifte {jas moins ; heuleufement
que la nature ne s'eft pas toujours enveloppée d'un voile aufli
obfcur 8c. auffi impénétrable , dans les produSions volcaniques desproovinces
qui ont fait l'objet de mes recherches, 8c qu'il en efl quelquesunes
qui portent des caraûeres démonftratifs d'une antiquité dont les
t o m e s étonnamment reculées, femblent difparoître à mefure qu'oa
¡cherche à les découvrir.
Je n'ai pu , Monfieur, vous donner .ici qu'une ébauche , que des traits
imparfaits du phénonjene volcanique qui fait le fujet de cette lelïre :
je fens combienil eft important, dans des objets de cette nature, de voir,
d'obferver, d'étudier le local ; j'oferois d'après cela vous inviter à faire
c e beau voyage qui n'eft ni long ni fatiguant: en partant de votre terre
de Montbar, vous êtes le feptieme jour fur les lieux; la route eft belle ,
o n y vient facilement en carofl'e : Vilkneuve-de-Berg n'eft qu'à 4 lieues
ide Monidimar, vous vous repoferez chez moi tout le temps qu'il vous
plaira ; vous y verrez la col leaion choifie 8i nombreufe des produftions
volcanifées du Vivarais, du Velay, de l'Auvergne , du bas Languedoc,
¿ e la Provence , de l'Archipel, 8c toutes les différentes laves du Véfuve
, de l'Etna, de l'Hecla , &c. le tout rapproché fous un même point
de vue. Je m'offre avec bien du plaifir d'avoir l'honneur de vous accompagner,
& de vous prendre dans votre terre à mon retour de Paris;
vers le cemmencement du mois de novembre prochain. Je puis vous
.aS'urer, Monfieur, qu'on entreprend des voyages de long cours dans
des régions éloignées, pour voir des objets en hiftoire naturelle , beaucoup
-moins intérefl'ans que ceux-ci. Il eft encore d'autres phénomènes
dans
D U V I V A R A I S. 333
dans cette route que vous pourrez confidérer en même temps', Se qui
font d'autant plus dignes de votre attention, qu'ils font véritablement
nouveaux, démonftratifs , & je puis dire mathématiques pour votre
grande fublime théorie.
Il me refte encore à vous faire part de deux découvertes analogues
à celle que j'ai faite ; la premiere m'avoit été apprife verbalement
par le favant M. de Saufliire qui me dit chez moi , après fon retour
d'Italie , qu'il avoit vu des laves dans les rochers calcaires de la vallée de
Valdagno dans l'état de Venife ; je lui demandai quelques temps après
des détails à ce fujet, & voici ce qu'il me marque dans fa lettre datée
de Geneve du 28 avril 1778.
)> Je vous rends mille graces , Monf ieur, de la bonté avec laquelle
» vous me communiquez les découvertes intérefl'antes que vous avez
» faites dans votre dernier voyage ; elles m'ont enchanté ; j'apprends
» auffi avec fatisfadion que la caiffe que je vous ai envoyée , vous a fait
>1 quelque plaifir. Je viens de recevoir celle que vous avez eu la complai-
» fancede m'adrefl'er; tous lesmorceaux qu'elle renfermoitfont précieux
» 8c de la plus grande inflruftion ; les déux colonnes bafaltiques avec
» des noyaux de granit, font infiniment intéreiïàntes, & me font un
)i extrême plaifir ; agréez-en , Monfieur , mes vifs Si. finceres remer-
» ciemens.
)) Il eft vrai que j'ai vu dans l'état de Venife , à fix lieues au nord
» de Vicence , dans une vallée qui porte le nom de Valdagno , des
)) laves qui fe font fait jour à travers des couches de pierres calcaires ;
1) on doit la découverte de ces laves à un jeune médecin de ce pays-là,
» M. Girolamo Feftari, très-habile 8c très-zélé naturalifte ; il eut la
» complaifance de me conduire fur une des montagnes où il a obfervé
M ce phénomène. Je vis fur cette montagne , en cinq ou fix endroits
» ficués les uns au-deflus des autres , la lave noire fortant d'entre les
)> couches calcaires ; dans quelques places la lave fembloit avoir fuinté
1) entre les couches fans les déranger ; dans d'autres elle s'étoit frayé
)i un paflage en déplaçant 8{. en foulevant les couches. Ces laves forn
moient des faillies plus ou moins avancées 8c plus ou moins épaifl'es,
» fuivant le plus ou le moins de facilité qu'elles avoient eu à fortir.
» J'examinai la pierre calcaire dans fes points de contafl avec la lave ,
» 8c je trouvai que dans quelques endroits cette pierre Jvoit un peu
)) fouffert. Se paroiflbitun peu calcinée ¡tandis qu'ailleurs elle n'étoit
>1 point altérée. Je vis dans cette même vallée divers autres phéno-
)1 menes volcaniques, des brèches compofées de fragmens de marbre
)) aglutinés par des laves qui les avoient enveloppés, des bafaltes, des
» tufl'a, &c. Voilàje crois, Monfieur, tout ce que vous me demandiez
» par votre derniere lettre ; il ne me refte qu'à me recommander à votre
)) amitié , en vous .afi'urant de la mienne. DE S AUS SURE.
M. le chevalier deDolomieu, naturalifte des plus inftruits, qui vient
de faire un voyage en Portugal, a reconnu des laves & des bafaltes dans
les environs de Lisbonne ; la plupart de ces matieres volcanifées^font
adhérentes à des rochers calcaires ; cet obfervateur éclairé m'afaitl'honneurde
m'écrire de Lisbonne plufieurs lettres du plus grand intérêt,
elles fe trouveront inférées à la fin de mon ouvrage.
P p p p