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Dans ce moment je me tranfportai en efprlt dans le creux du Puyt
& après avoir réfléchi fur la poiition touc-à-fait iiblée des deuxfuperbes
maflés de Polignac 6c de Saini-Michel, j'ofai croire qu'elles n'avoienC
pas eu une origine différente de celle de la chauflée de la Fare, je veux
dire que les unes & les autres étoient nées fur place comme des champignons.
Je l'avoue', il m'en coûta d'abord de me familiarifer avec cette
idée, je me vis réduit même à la cacher foigneufement de peur d'être
cruellement perlîilé fi j'en laiflbis tranipirer la moindre chofe j mais enfin
depuis que revenu fur les lieux, j'ai erré cent & cent fois-autour de ces
• inafles fans apperçevoir de fil, je veux dire de courant de laves qui me
conduisît à la fource d'où elles auroient pu partir, je me fuis tellement
affermi dans cette opinion, depuis fur-tout que j'ai vu les découvertes
& l e s obfervations nouvelles 6c démonftrativesque vous avez faites vousmême
à ce fujet , que non feulement je n'héfite plus à la produire, mais
je me déclare prêt à entrer en lice avec quiconque fe préfénteroit pour
la combattre.
Il y a eu encore ici des volcans à coulée , & c'eft à ceux de cette
efpece que font dus quelques-uns de nos rochers de bafalte , ainfi que la
plupart des rideaux de prifmes & des courans de laves qui fe trouvent
le lo-ng des defcentes : font-ils le réfultat d'une feule coulée ? ou n'ontils
acquis la hauteur & l'étendue qu'ils ont que par l'arrivée de divers
ruiffeaux de matières qui font venus par intervalle s'accumuler les uns
fur les autres ? c'eft ce qui n'eft pas aifé à décider 5 je puis dire que c'eft
ici l'une des fpéculations auxquelles je me fuis le plus aiSdument attaché
-, j'ai eu fréquemment devant les yeux les objets en ce genre les
plus propres à me donner des notions aflez claires à ce fujet , & plus je
les ai étudiés , moins je me fens en état de vous donner là-defilis autre
chofe que des conjeâures.
Suivez dans tout fon contour le pro'fil du grand banc de laves, au dei^
fous de Theuyts , qui regne le long de VArdeche , fa hauteur uniforme ,
dans l'efpace d'un gros quart de lieue., eft de plus de 100 piedsjvous
aurez beau regarder d'auifi près qu'il vous fera poiTible, loin de diftinguerla
moindre variété de couches, vous n'appercevrez dans une étendue
immenfe qu'un tout dont les parties font Îi bien liées, & tellement
ailimilées les unes aux autres,qu'ilfemble que c'eft une malîe uniforme
qu'on- a fciée dans toute fa hauteur. Lerocher du Duc, dans le lit de la
hoire , en face de celui (TArlempde, étale quelque chofe de plus frappant
encore dans ce genre j cette magnifique nappe de bafalte a été manifeftement
coulée , ainfi que je le ferai voir dans la defcription du rocher
¿'Arlempde-y elle eil très-élevée, ôc un coup d'oeiljeté fur toutes
les figures bifarres dont fa fijiface eft parfemée , décide que différens
ruiiieaux de matiere n'ont pu concourir à les former.
Ceci fe voit encore dans la plupart de nos pavés desgéans : des rangs
de colonnes bien diftinftes les unes des autres,.filent ou en ligne droite
ou par ondulations dans toute là hauteur de la maiïe qui eft quelquefois
déplus de 100 pieds ; fi elle réfulte de diverfes afiifes de matières
ar.rivées fur place à des époques éloignées les unes des autres,"comment
p.€Ut-il fe faire que lesdernieresvenues aieao fuivi avec autant de précii
i o n , en fe cryftallifant,à leur t.Qur, l'ordre;, la difl-edion le contour
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des anciennes figures ? n'eft-il pas évident au contraire que la mafie
exiftoit en entier lorfque toutes ces divifions s'y formèrent d'ellesmêmes
?
S'il étoit aufli-bien prouvé que la cryftallifation de ces mafies s'eft
faite fous fort peu de temps , je n'héfiterois pas à prononcer que nos
plus grands monceaux de bafalte en mafie ont été formés d'une feule
coulée ; mais j'ai des raifons très-fortes de croire que les féparations
perpendiculaires ou tranfverfales des prifmes de nos colonnades, n'ont
pas été faites tout d'un coup, mais qu'elles fe font prolongées, même
élargies par fucceiTion de temps. Quoiqu'il en foit, par-tout oCi je vois
de grands bancs où l'identité des m atiere s fe montre à découvert d'un
bout à l'autre, je fuis fuftifamment fondé à les regarder comme l'ouvrage
d'un feul & même courant.
Quelques-uns de nos volcans ont fait leur éruption principalement
par jets, tels font ceux à'Arderme, des Infernas^ du Bouchet^ du Breuil
& de Nolhac-, ce qui le prouve, ce font les tas iramenfes de matières
cuites de toute efpece, accumulées fans ordre autour de leurs cráteres. 11
eft hors de doute qu'il n'y ait eu ici plufieurs émiflÎons de laves, foit par
jets, foit par coulées, & même de ces deux manieres enfemblej delà
j'augure que ceux-ci ont été les plus durables. J'ai remarqué en plufieurs
endroits que la principale direftion de ces volcans à j e t s , étoit du midi
au nord^ & c'eft en fuivant cette ligne que le rocher Corneille a vraifemblablement
été formé ; voici comment je conçois la chofe.
Avant que les volcans crevaflent dans le creux du Puy, il eft probable
que toute la plaine qui regne depuis Vais jufques à la ville, étoit
de niveau avec les côtéaux oppofés de Ronjbn & de Rocharnaud. Le
ruifleau de Dolaifon qui fort de l'angle que forme la jonûion du côteau
de Vais avec la montagne de Saint-Bènoîtj traverfoit cette plaine»
Une formidable bouche à feu s'étant ouverte , la même où eft aujourd'hui
le Breuil, commença à lancer en avant les laves qui fervent de
bafe immédiate au rocher je dis immédiate, car le tout repofe fur une
carriere de plâtre ; les éruptions continuèrent , & le rocher en reçut de
n'ouveaux accroifiemens : le cratere s'étant aggrandì bien vite, les terres
environnantes s'y précipitèrent. Se elles occafionnerent par leur chûte
l'abaiffement de tout ce terrein ; cependant le volcan ne fut éteint ni
par l'arrivée des matieres qui s'y acçumuloient, ni par le ruifleau qui
Vraifemblablement ne tarda pas à y entrer; il continua à faire des jets,
mais il ne fortit plus déformais de fon foyer que des boues mal cuites,
niêlées d'une infinité de fragmens de bafalte, & voilà de quoi eft compofée
en grande partie toute la moitié fupérieure dii rocher en queftion
Ceci me conduit à obferver qu'on ne trouve des laves boueufes,
de l'efpece de celles dont toute la ville du Puy eft bâtie, que dans les
endroits où des rivieres ont pu pénétrer dans les cráteres des volcans
C'eft ainfi qu'elles abondent non feulement dans le creux du Puy, mais
a Qii'eft-ce qu'un chétif ruiffeau à côté d'un vol- appeüer form¿ par une ¿niption boiieufe.
can ? comment poiirroic-il s'introduire dans un era- ^ C'eft dans le bas Vivarais où l'on trouve les e'rapi
tere qui eft ordinai temen t élev¿? d'ailleurs, le rocher tions boueufes les mieux caraá¿rif¿es.
du Pi y n'eft pas do ceux qu'on peut exaflement